Quelles parentés étymologiques pouvez-vous découvrir entre les mots suivants ?
Chaque couple de mots est formé sur une même racine latine et/ou grecque.
Par exemple, la parenté entre « myosotis » et « musaraigne » est fondée sur la racine mus signifiant « souris » aussi bien en grec qu’en latin. En effet, le « myosotis » signifie étymologiquement « oreille de souris » (par analogie de forme entre la fleur et l’oreille); quant à la « musaraigne », c’est bien entendu la « souris araignée ».
1) Menuisier et ministre:
Les deux mots sont formés sur la même racine latine minu-, impliquant l’idée de petitesse.
Le verbe latin minuere signifie « rendre petit », « amoindrir ». Son participe minutus (« rendu petit », d’où « petit ») a donné en français « menu ». « Sur minutus, le latin populaire avait formé un verbe *minutiare (« réduire, affiner »), qui donna en français deux formes parallèles: « menuiser » et « mincier ». De « menuiser » nous reste le « menuisier », celui qui « menuise », c’est-à-dire qui dégrossit, et le verbe composé « amenuiser ». De « mincier » nous reste l’adjectif « mince ». (…)
D’autre part, de « minuere » était sorti un adverbe minus (« en diminuant », « moins »). Minus fut comparé à majus, adjectif neutre signifiant « plus grand », comparatif de magnus (« grand »).
Sur le modèle magister signifiant « maître », on créa le nom minister signifiant naturellement « serviteur ». Le minister acquit toutefois une certaine dignité, comme le prouve le fait qu’on ait tiré de son nom le mot « ministre ». » (René Garrus, Etymologies du français. Curiosités étymologiques, Paris, 1996, p. 223-224).
2) devinette et Jupiter:
Les deux mots sont formés sur la racine indo-européenne *diew- / *deiw- / *diw- indiquant une idée de ciel diurne.
Le nom du grand dieu du ciel diurne Jupiter est composé de Ju- (issu de la racine *diew- « ciel diurne », qui a donné aussi le génitif de Jupiter, Jovis, et le nom grec Zeus) et de pater: Jupiter est donc le pèren divinité du ciel diurne.
Ce nom est apparenté à « devinette », car le nom deivos, formé sur *deiw- et devenu en latin classique deus, a pour adjectif dérivé deivinus, devenu divinus, qui a donné « divin » et, par transmission populaire, « devin ». Le verbe divinare (« prédire l’avenir ») aboutit à « deviner », d’où le dérivé « devinette », tandis que divinatio (« prédiction, prophétie ») donnait la forme savante « divination ». (R. Garrus, op. cit., p. 133-134 et 200.
3) belliqueux et duel:
Tous deux sont formés sur le nom latin duellum, signifiant la « guerre ».
« En latin archaïque, la guerre se disait duellum. Le mot demeura dans la langue, mais sa forme évoluée bellum fut plus usitée. En latin vulgaire, bellum fut supplanté par guerra, emprunté au germanique *werra (« guerre »).
De bellum dérivait l’adjectif bellicus (« guerrier »), qui produisit un adjectif de même sens bellicosus. Le français savant du XVe siècle forgea sur bellicosus l’adjectif « belliqueux » (« prompt à faire la guerre »).
Au XVIe siècle, le français savant créa le mot « duel » à partir de l’ancienne forme latine duellum. Duellum fut faussement interprété comme un dérivé du mot latin duo (« deux »); c’est pourquoi le nom « duel » servit à désigner un combat entre deux adversaires. » (R. Garrus, op. cit., p. 61)
4) chenille et cynique:
Les deux mots sont formés sur la racine indo-européenne *kwon / *kwn- désignant le « chien ».
« Chenille » vient de canicula (« petite chienne »), diminutif de canis (« chien ») formé sur la racine indo-européenne *kwon.
Quant à « cynique », il vient du grec kunikos (« qui vit comme un chien »), dérivé de kuon, kunos, formé sur l’indo-européen *kwon / *kwn. (R. Garrus, op. cit., p. 337)
5) féodal et pécuniaire:
Tous deux sont issus de l’indo-européen *peku désignant le « bétail ».
« Pécuniaire » est formé sur le latin pecuniarius (« qui a rapport à l’argent »), dérivé de pecunia (« abondance de cheptel », d’où « richesse », « argent »), dérivé de pecus (« bétail »), formé sur l’indo-européen *peku-.
La même racine *peku- a donné en germanique *fehu (« bétail », biens possédés »), d’où en latin médiéval fehum, puis feudum, d’où feodum (« fief »), sur lequel a été formé le dérivé feodalis (« qui a rapport au fief »). (R. Garrus, op. cit., p. 342)
6) onde et Vodka:
Elles sont toutes deux formées sur la racine indo-européenne *wed- / *wod- / *wd-, indiquant l’idée d’ « eau ».
« Le latin utilisait deux mots pour dire l’eau: aqua, d’où est issu le français « eau », et unda, qui a donné « onde » en français. (…) Unda représente la forme *wd- de la racine, agrémentée d’un –n– infixé: *w[n]da.
Cette racine se retrouve dans le nom russe voda (« eau »), dont le diminutif vodka désigne un alcool transparent comme l’eau. » (R. Garrus, op. cit., p. 238-239)
7) prose et vers:
Ces deux noms sont formés sur le latin versus signifiant « tourné ».
« En latin classique, le nom versus, dérivé du verbe vertere (« tourner »), désigna le fait de tourner la charrue au bout du sillon, puis le sillon lui-même, et, par comparaison, la ligne d’écriture. Enfin, le sens se spécialisa: versus désigna la ligne dont la longueur est déterminée par des règles précises de rythme et de quantité syllabique. Versus devint « vers » en français, où il conserve ce sens.
L’adjectif latin proversus, composé de versus et du préfixe pro- (« devant, en avant »), signifiait « qui est tourné vers l’avant, qui va tout droit ». Proversus se contracta en prorsus, puis prosus, au féminin prosa. Prosa oratio (« discours en droite ligne ») désignait donc, par opposition à versus, le discours qui ne revient pas constamment aux mêmes séquences rythmiques. Prosa oratio s’abrégea en prosa, qui devint « prose » en français. » (R. Garrus, op. cit., p. 277)
8) duc et douillet:
Les deux mots sont issus de la même racine latine duc- signifiant « mener ».
« En latin, le verbe ducere (« mener ») et le substantif correspondant dux, ducis (« chef », « meneur ») étaient nés de cette racine. Dans le Bas-Empire, dux prit le sens de « chef militaire ». L’accusatif ducem a donné en français « duc »; c’est le titre de noblesse le plus élevé, juste après le prince.
Le participe du verbe ducere était ductus. En dérivait un adjectif ductilis (qui se laisse mener », d’où « malléable »). Ductilis aboutit en ancien français à « doille », signifiant « tendre », « peu résistant ». Le diminutif « douillet », subissant l’influence de « doux », a pris le sens de « moelleux et confortable »; il s’applique aussi à une personne exagérément sensible aux petites douleurs. » (R. Garrus, op. cit., p. 31)
Thierry Grandjean, lycée Jean Lurçat , Bruyères