LIRE : Le latin à haute voix

L’orateur et la puissance de la parole, la poésie amoureuse, texte et représentation au théâtre, récits et témoignages : toutes les entrées du programme de la classe de première nous invitent à pratiquer avec nos élèves des activités à l’oral dans le cadre du cours de latin. Exit la lecture silencieuse ou la relecture hésitante : la recitatio prend tout son sens et a toute sa place en classe. Pour nos orateurs en herbe, les exercitationes ne manquent pas et développent des compétences qu’ils pourront aisément réinvestir dans d’autres disciplines. Le présent article propose quelques liens utiles et des démarches de travail. Seule la partie du programme consacrée au théâtre n’est pas abordée ici : les questions de mise en scène relèvent d’autres problématiques. Quant à la musicalité des textes de Plaute ou de Sénèque, elle mérite une approche similaire au texte poétique. Pour trouver d’autres pistes, on pourra utilement consulter l’article « Oraliser le latin » publié en octobre 2013 sur le site Eduscol. Ce dernier recense de nombreuses réflexions et propositions de différentes académies

(http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Langues_et_cultures_de_l_Antiquite/33/5/03_LCA_OraliserlelatinVF_273335.pdf)

L’orateur et la puissance de la parole :

 
La rigueur qu’exige la formation de l’orateur surprend les élèves qui ne perçoivent pas, et c’est d’ailleurs l’une de ses fins, la dimension technique de la rhétorique. Après avoir étudié des extraits de Quintilien ou de Cicéron pour leur dimension didactique, on peut mettre en place des séances pratiques au cours desquelles on demandera aux élèves de mettre en œuvre les préceptes des grands professeurs de rhétorique tantôt à partir d’extraits de discours (éloquence judiciaire ou politique) tantôt à partir de textes de leur invention (voir l’article de François Hoff qui reprend quelques exemples et propose de « se mettre dans la peau d’un élève en fin d’études au premier siècle »

https://www.ac-strasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/lettres/Examens/declamationes_Hoff_avril_2010.pdf).

Poésie élégiaque : scansion et mise en voix

 

Les élèves ont souvent une conception étroite du lyrisme qu’ils associent de façon réductrice à l’expression des sentiments du locuteur. L’écoute de textes mis en voix, par l’attention portée aux rythmes et aux sonorités, permet d’en apprécier la musicalité. Elle facilite également l’étude de la scansion du vers élégiaque car les élèves perçoivent d’emblée les syllabes accentuées, les coupes et les élisions.

Ecouter des vers latins scandés pour …

  • découvrir la scansion du distique élégiaque : la vidéo propose une lecture du texte suivie d’un commentaire en anglais. Elle peut être exploitée en deux temps. Le premier consiste à écouter le texte latin et recueillir les remarques spontanées des élèves sur la mise en voix. On peut ensuite les valider en diffusant le reste du commentaire et passer à la traduction à partir de ce que les élèves ont compris (du latin et de l’anglais !)

Catulle, Poésies, 85 (« Odi et amo »)

https://www.youtube.com/watch?v=r7–agTtb5M

  • revenir sur un texte étudié en classe et s’entraîner à la lecture : un extrait de l’élégie a été traduit et commenté en classe. Après diffusion de la vidéo, les élèves sont invités à proposer leurs critiques et réinvestir pour les justifier des éléments du commentaire tout en s’appuyant sur le texte. Pour la séance suivante, ils auront à préparer leur propre mise en voix et à en justifier les effets.

Catulle, Poésies, 76 (« Difficile est »)

https://www.youtube.com/watch?v=hFT8WnL0omk

Récits et témoignages : distance critique et ironie

  • Relectures polyphoniques d’extraits de Pétrone ou d’Apulée (par exemple Satyricon, XXVIII, XXIX ou XLIX-L) afin d’approfondir le commentaire et faciliter son appropriation en soulignant les effets de la narration à la première personne ou la dimension caricaturale des interventions de Trimalchion.
  • Lecture d’extraits de correspondances (tantôt traduits, tantôt en latin) pour mettre en évidence sa dimension dialogique, être sensible à la difficile distinction entre les élans sincères et les effets rhétoriques (Pline le Jeune et Cicéron en particulier)
  • Elaboration d’un florilège d’épigrammes de Martial à partir du site Itinera electronica  (http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/intro.htm#martial) et en proposer une lecture qui en souligne l’acumen et les effets satiriques. Celle-ci donnée en exemple, est accompagnée d’une traduction en alexandrins (MM. V. Verger, N. A. Dubois et J Mangeart, 1864) qui conserve l’allitération en « t ». Texte et traduction sont donc envisagés dans ce travail de lecture critique et expressive :

[1,20] XIXSi memini, fuerant tibi quattuor, Aelia, dentes
Expulit una duos tussis et una duos.
Iam secura potes totis tussire diebus :
Nil istic quod agat tertia tussis habet

Quatre dents te restaient, encore pas très entières ;
Une première toux t’en a fait sauter deux ;
Hier un autre accès t’emporta les dernières
Aelia désormais, à ton aise tu peux
Tousser impunément jour et nuit si tu veux.

Dans toutes ces démarches, l’utilisation d’un appareil d’enregistrement ou d’une caméra est bien sûr très utile à la fois pour garder trace des progrès effectués mais aussi pour comparer les propositions des élèves. Un peu réticents au départ, ils gagnent très vite en assurance et se prêtent plus volontiers au jeu.  Nous aussi d’ailleurs !

 Carine Ambrosini, Lycée Georges de la Tour – METZ

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