Signification du magmatisme des Vosges septentrionales

A. Rappel historique

Au siècle dernier, les études de terrain détaillées ont permis l’établissement des cartes géologiques Sélestat (1970), Molsheim (1975), Cirey-sur-Vesouze (1978). Une première interprétation du magmatisme a été proposée à ce moment-là, en accord avec les modèles en usage à l’époque. L’avènement de la "théorie des plaques" a relancé les études. Un travail sur le volcanisme de Schirmeck-Rabodeau assimile ce dernier à un contexte de convergence de plaques (1992, thèse de A. Rizki). Dans un article paru en 1995, M. Deschamps envisage une origine du magmatisme du Champ du Feu dans le cadre d’une subduction suivie de collision. Cependant, le manque de données précises et fiables concernant en particulier l’âge des formations magmatiques rend encore toute synthèse difficile à cette époque.

Sur cet extrait de la carte géologique structurale, les terrains primaires des Vosges septentrionales apparaissent sous forme de bandes orientées sud-ouest/nord-est. En hachures vertes figurent les formations volcano-sédimentaires du dévono-dinantien de la Bruche-Rabodeau et de la Bande médiane du Champ du Feu. En croix rouges, les bandes granitiques et granodioritiques, non détaillées. En damier rouge et blanc, les granites circonscrits. Les terrains permiens n’ont pas été représentés.

B. Les terrains des Vosges septentrionales (Vosges cristallines du nord)

Des recherches récentes intègrent les données historiques à des résultats nouvellement acquis. Elles étendent le champ de l’étude à l’ensemble du massif vosgien (2012, thèse de A-S Tabaud) et à la chaine varisque de l’Europe moyenne (2011, thèse de E Skrzypek). Le magmatisme est situé dans le cadre de l’orogenèse hercynienne et plus généralement de la tectonique globale.

Carte géologique des Vosges septentrionales (version 2011).

Sur cette carte géologique récente du socle des Vosges septentrionales, plusieurs formations rocheuses ont été regroupées. Leurs caractéristiques communes déjà relevées précédemment ont été affinées (grâce aux données concernant la géochimie, l’âge, le mode de « fabrique » à partir des anomalies de susceptibilité magnétique). La disposition en bandes orientées sud-ouest / nord-est s’élargissant en éventail vers l’est demeure l’un des traits fondamentaux. (Cliquez sur la carte pour télécharger la version pdf.)

1. L’âge des formations magmatiques et le contexte de leur mise en place

Les observations de terrain ont permis d’attribuer un âge Givétien au volcanisme de la Bruche qui se situe au contact des terrains sédimentaires. Ce volcanisme se manifeste dans un environnement marin peu profond (sédimentation littorale datée du Givétien) et associe coulées et produits d’explosion. La série correspond à des tholéites continentales formées dans un contexte extensif de bassin arrière-arc.

Le volcanisme de la Bande médiane a été daté à - 334 MA. Le contexte est celui d’un magmatisme d’arc volcanique continental lié à la présence d’une zone de subduction.

Le volcanisme du Donon-Nideck ainsi que le granite du Kagenfels constituent les stades ultimes du magmatisme des Vosges septentrionales. Ils sont d'âge permien (- 299 MA à - 293 MA environ) et se mettent en place à la faveur de mouvements d’extension (bassins permiens).

La question de l’âge de la mise en place des plutons a été résolue. Les méthodes antérieures (K-Ar et Ar-Ar sur biotite) ont souvent fourni des résultats très variables pour une même formation, parfois incompatibles avec la succession établie à partir des données de terrain. De nouvelles séries de mesures combinant des techniques récentes (méthodes U-Pb sur zircons et U-Th-Pb sur monazite) ont fourni des résultats plus probants. Les âges retenus sont :
   granodiorite du Hohwald - 329 MA,
   granite ancien type Belmont - 318 MA
   granite récent type Natzwiller - 312 MA.

Tableau chronologique simplifié de la mise en place des terrains : formations sédimentaires (lacunes en jaune) et  principales manifestations magmatiques (V = en vert, le volcanisme, P = en rouge, le plutonisme).

Dans la province des Vosges septentrionales, l’activité magmatique est étalée sur une période qui court de – 380 à – 290 MA, au cours de laquelle le contexte à évolué depuis un milieu marin vers un milieu continental (orogenèse). Par  leur nature et leur granulométrie, les sédiments présents attestent l'instabilité du milieu. Le magmatisme comporte des épisodes d’activité en général courts alternant avec des épisodes de repos longs. Le volcanisme est surtout présent en début et en fin de période, le plutonisme coïncide avec les phases d’activité tectonique maximale. Cette continuité du phénomène ne peut s’expliquer sans faire intervenir un matériel source renouvelé et sans la persistance de conditions favorables à la fusion.

2. La nature et l'origine des roches

D'après la minéralogie et  la chimie des éléments majeurs

L’analyse  tant minéralogique que chimique révèle un cortège de roches variées (survoler le diagramme pour voir apparaître la légende).

Dans ce mode de représentation graphique (diagramme de Debon-Lefort) qui fait ressortir en P, la part des feldspaths alcalins (orthose) par rapport aux plagioclases et en Q, la portion de silice libre (quartz), les roches magmatiques des Vosges septentrionales forment une suite depuis un  pôle basique vers un pôle riche en silice et potassium. Cette évolution se fait au cours du temps. Elle passe des séries tholéitiques (basaltes-spilites de la Bruche-Rabodeau différenciées en andésites quartziques-kératophyres) à une série calco-alcaline (andésites basaltiques à rhyodacites de la Bande médiane, diorites et granodiorites du Champ du Feu sud), puis à une série calco-alcaline potassique (granites monzonitiques du Champ du Feu nord), suivie d’une série magnésio-potassique ( monzogranites récents de Natzwiller) et prend fin par une série peralumineuse (granite à deux micas du Kagenfels et trachytes-rhyolites du Nideck).

* Remarque : un diagramme de Streckeisen adapté se trouve en page 7.

Une évolution majeure de ce type ne peut résulter d’un simple mécanisme de différenciation magmatique (phénomène qui peut se produire au sein d’une série-unité comme celle du volcanisme bimodal du Val de Bruche). Il provient d’un remplacement continuel des sources de magma lié à une évolution des contextes géodynamiques.

D'après les terres rares et isotopes

La prise en compte des éléments en traces associée aux données géologiques permet de cerner les matériaux sources à l’origine des suites magmatiques observées.

Il en ressort qu’au fil du temps, le manteau-source va être progressivement remplacé par une source crustale dans le cadre d’une subduction suivie de collision puis de l’effondrement de l’orogène. Le tableau résume cette succession de sources et de leurs contextes.  

Cette évolution retracée sous forme d‘étapes s’intégre à l’histoire tectonique de ce segment de chaine varisque.

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