Mine musée du Val de Fer : 3. Description
Le site du Val de Fer (fig.2) est le dernier témoin de l'extraction du minerai de fer (la minette) dans le bassin de Nancy. Ouverte en 1874 suite à la création de la Société Anonyme de la Haute-Moselle, la mine a fonctionné jusqu'en décembre 1968. Sous l'impulsion d'associations et d'équipes de bénévoles, dans les années 1990-2000 commence la réhabilitation du site pour en faire un musée du patrimoine industriel.
Fig.2 : Une vue aérienne du site du Val de Fer
Le réseau de galeries de la mine du Val de Fer a été creusé au cœur de la Forêt de Haye, à flanc de côte du massif calcaire bajocien qui domine la vallée de la Moselle à Neuves-Maisons (fig.2 et 4). Le minerai de fer lorrain est un minerai "pauvre" dont la teneur n'excède guère 30%, ce qui lui a valu le nom diminutif de "minette" de Lorraine. Pétrographiquement, il s'agit d'une arénite, calcaire ou siliceuse, à oolites (grains avec cortex à structure concentrique) ou péloïdes (grains sphériques à structure diffuse), éléments millimétriques à inframillimétriques distincts en lame mince au microscope (fig.3), constitués de limonite (mélange d'oxydes et d'hydroxydes de fer) et liés par un ciment et/ou une matrice le plus souvent de nature carbonatée.
Fig.3 : Échantillon et lame mince de minette - en haut à gauche, détail sur les oolites ou péloïdes ferrugineux de la roche ; en bas à gauche, lame mince de minette observée au microscope (1: oolites ferrugineuses à nucleus et structure concentrique, 2: péloïdes ferrugineux à structure diffuse, 3: ciment sparitique - cliché tiré de la thèse de L. Bubenicek1, 1961)
Cette roche ferrifère est d'origine sédimentaire. Elle s'est formée, il y a plus de 170 millions d'années, durant l'Aalénien au tout début du Jurassique moyen (fig.4), dans un environnement de dépôt marin côtier sous l'influence des courants et des vagues (fig.11 page suivante). Le fer proviendrait du lessivage, sous climat tropical, de sols d'altération continentaux, situés à l'emplacement du Massif des Ardennes actuel formant un bloc émergé au Jurassique. Transporté en solution par les eaux fluviatiles, le fer à l'état réduit (Fe2+) arrivant en mer, en milieu agité oxygéné, subit une oxydation et précipite sous forme de fer ferrique Fe(III). Des organismes fouisseurs, filtreurs de sédiments (vers, crabes ou autres) ont ensuite concentré dans leur tube digestif le fer présent, aidés en cela par des bactéries commensales. Les pelotes fécales (= pellets) rejetées par ces animaux ont pu s'accumuler et être à l'origine des péloïdes ferrugineux de la minette. L'activité microbienne est certainement aussi à l'origine de la concentration du fer dans les vraies oolites, formées en milieu agité, et que les courants déplacent et trient.
Sur le minerai de fer en Lorraine, sa pétrograhie, son origine, les techniques d'exploitation, consulter sur ce site l'annexe scientifique "Le fer, mémoire et reconversion" ou la fiche sur la mine-musée d'Hussigny-Godbrange (54).
Fig.4 : Le minerai de fer dans la série stratigraphique de Lorraine (chiffres = âges en millions d'annés - illustration © BRGM)
Au Val de Fer, une équipe de bénévoles de l'Agence du Patrimoine et de la Culture des Industries Néodomiennes (APCI) propose un parcours pédestre souterrain, d'environ 1,5 kilomètre dans une ancienne galerie de mine aménagée pour les visites (fig.5). Un casque de protection est prêté à chaque visiteur avant l'entrée dans la galerie. Selon le domaine de compétences des guides accompagnateurs (parfois d'anciens employés de la mine), le thème de la visite peut être axé sur l'aspect socio-économique de l'activité minière locale, l'historique du site et de la mine, les techniques d'extraction du minerai et l'organisation des galeries, la vie et la condition des mineurs... La durée d'une visite est d'environ 1h30 à 2h.
Fig.5 : Le plan du parcours de visite des galeries de la mine du Val de Fer (d'après un document AMO)
Le contexte géologique de la minette est abordé à travers l'observation des strates de marnes et de minerai oolitique de différentes couleurs sur les anciens fronts de taille (fig.6). Quelques fossiles (bélemnites) apparaissent sur des blocs entassés dans des wagonnets. Le minerai de fer est donc visible en place au sein des couches sédimenatires mais on le retrouve également dans les talus autour du carreau et en pierres volantes. À la demande, quelques échantillons pétrographiques de minette peuvent être fournis gracieusement par les organisateurs.
Fig.6 : L'entrée de la mine, la galerie d'entrée en maçonnerie et un ancien front de taille (les couches de minerai apparaissent de couleur rouille alors que les couches de marnes sont grises)
Au cours de la visite, les différents lieux de vie et de travail des mineurs sont présentés et expliqués (fig.7) : types de galeries (anciennes et plus récentes), chantiers, gare souterraine, poudrière, cantine, statue de Sainte-Barbe (sainte patronne des mineurs, des pompiers et des géologues, entre autres), consignes de sécurité...
Une exposition d'outils du mineur retraçant l'évolution technologique du matériel au cours des décennies et une salle réunissant documents photographiques et d'archives sur le personnel de la mine, ponctuent la fin du parcours souterrain.
On suit ainsi la modernisation progressive de la mine et de ses équipements depuis sa création en 1874 jusqu'à sa fermeture à la fin des années 1960 :
- années 1900: début de l'utilisation de l'électricité ;
- années 1930 : utilsation de l'air (oxygène) liquide pour les tirs, début du chargement mécanique, construction de l'accumulateur de minerai (Zublin) ;
- années 1950 : modernisation et mécanisation des techniques d'exploitation (engins et outillage), apparition des wagons de 10t (contre 1,5t auparavant), 100% de mécanisation du chargement à partir de 1960.
Fig.7 : Une entrée d'ancienne galerie (datant du début de l'exploitation) et une galerie de roulage à l'approche de la gare souterraine
Sur le carreau de la mine, avec sa voie d'accès des wagonnets suspendue et son système de trappes particulier, l'accumulateur à minerai Zublin, construit de 1932 à 1934, est un élégant témoin de l'architecture industrielle inscrit aux Monuments Historiques de Lorraine. Les travaux de restauration et de sécurisation de l'édifice débutés en 2018 se sont achévés en 2022. L'ouverture au public est attendue dans le courant de l'année 2023.
Fig.8 : L'ancienne gare du Coucou sur le site du Val de Fer - cliquer sur l'image pour un agrandissement du panneau explicatif
Autre vestige du passé : l'ancien tracé du chemin de fer du "Coucou", du nom du train qui convoyait le minerai depuis l'accumulateur jusqu'aux aciéries de Neuves-Maisons, en contre-bas, dans la vallée (fig.2 et 8).
Fig.9 : Panorama vers le sud depuis le site du Val de Fer - cliquer sur l'image pour une lecture du paysage
Du carreau de la mine, en regardant vers le sud (fig.9), on découvre une vue panoramique sur la côte de Moselle, la vallée de la Moselle et la plaine du Saintois au loin. Un panneau "paysages et géologie" (malheureusement maculé de tags par endroits) fournit des explications sur le relief de côte et ses composantes géologiques ainsi que sur l'origine de la minette de Lorraine.
Plus d'informations sur l'histoire du Val de Fer sont diffusées sur les sites internet de l'APCI ou de l'AMO. D'autres photos et descriptions de la mine du Val de Fer sont à retrouver sur le site internet du photographe Sébastien Berrut consacré au patrimoine minier de France (et d'ailleurs).
Parmi les ouvrages généraux abordant la géologie et la ressource minière autour du fer en Lorraine, pour n'en citer que quelques uns, on pourra se référer à:
- Lexa-Chomard A. et Pautrot C. (dir.) (2006) - Géologie et Géographie de la Lorraine - Serpenoise éd.
- Pautrot C. (2011) - Fossiles & roches de Lorraine. Serpenoise éd.
- Haguenauer B. et Haguenauer C. (1980) - Géologie en Lorraine. Mars et Mercure éd. Wettolsheim.
La visite de la mine du Val de Fer peut éventuellement se coupler à celle du Féru des Sciences (ex-Musée de l'Histoire du Fer) de Jarville situé à quelques kilomètres sur le territoire du Grand Nancy.
1: Louis Bubenicek (1961) - Recherches sur la constitution et la répartition des minerais de fer dans l'Aalénien de Lorraine - Thèse d'Ingénieur-Docteur - Faculté des Sciences de Nancy
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Remerciements à Loriane Favini de l'Agence du Patrimoine et de la Culture des Industries Néodomiennes, ainsi qu'à Joëlle et Michel Raoult de l'Atelier de Mémoire Ouvrière pour leur disponibilité et la transmission d'informations et de documentation sur le Val de Fer.
Auteurs : Roger CHALOT - Didier ZANY - Date de création : 28/09/2017 - Dernière modification : 08/10/2024