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Réseau karstique de Débain : 3. Description

Le Réseau de Débain (1)(2)(4)(5) (ou Dhébain) est un des quatre plus importants réseaux karstiques du département des Vosges avec le Réseau "Hadès" de la forêt de Trampot (voir la fiche n° 134 : Fontaines karstiques du Bois de Trampot), le Réseau de Bénafosse à Domèvre/Durbion (voir la fiche n° 130 : Perte de Bénafosse) et le Réseau "Des Mille Diaclases" à Bazoilles/Meuse (3).

Contrairement aux réseaux Hadès et Des Mille Diaclases qui traversent les calcaires du Jurassique, celui de Débain est, comme celui de Bénafosse, ouvert dans les calcaires, marnes, dolomies et argiles du Trias Moyen (Muschelkalk) et de la base du Trias Supérieur (Lettenkohle) (fig.2). Il constitue le plus grand réseau souterrain connu (en France et dans le Monde) dans ces formations habituellement peu karstifiées. Il reste également toujours proche de la surface (fig.14).

Fig.2: Localisation du Réseau de Débain dans la colonne stratigraphique (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

La naissance de ce karst est supposée être Miocène (-23 à -5,3 Ma), associée au Soulèvement Morvano-Vosgien et à l'intense activité tectonique qu'il a engendré. L'érosion aurait été facilitée par la fracturation des roches et le climat tropical humide de l'époque.

A la fin du Pliocène (-1,75 Ma), un épisode de climat aride a considérablement ralenti l'évolution du karst permettant son concrétionnement et un début de colmatage.

Le colmatage du réseau a été ensuite accentué pendant l'épisode climatique périglaciaire quaternaire. Il se caractérise par un apport de matériaux variés (argiles de décarbonatation, grouines...) issus du démantèlement des roches calcaires sous l'action combinée d'une altération mécanique (gélifraction) et chimique (dissolution des carbonates contenus dans les calcaires marneux) ; ces matériaux résiduels encombrent certaines galeries.

Le retour au climat plus tempéré actuel a rétabli une activité érosive météorique au moins saisonnière et a permis un décolmatage partiel et une réactivation de certaines parties du réseau.

Le Réseau de Débain comprend une perte qui s'ouvre au fond d'une doline en partie comblée par des éboulis et les apports de matériaux détritiques par le ruisseau temporaire. L'entrée du réseau a été désobstruée par le Groupe Spéléo-Préhistorique Vosgien (GSPV) dans les années cinquante puis équipée de buses en béton (fig.3 et 4) pour éviter un nouveau comblement. (voir en  Annexe 2 : les travaux effectués)

 

Fig. 3: Doline d'entrée à sec et sa perte protégée par ses buses en béton

Fig. 4: Doline d'entrée avec vortex lors d'une crue en 2013 (photo J.J. Gaffiot ESV Entente Spéléologique Vosgienne)

Le réseau est alimenté par un ruisseau temporaire (fig.5) drainant le Bois du Curé et les champs environnants (fig.1) et qui se déverse dans la doline servant de perte (fig.3). Plusieurs autres pertes qui peuvent aussi fonctionner en résurgences lorsque le réseau se met en charge pendant les crues sont en communication avec le Réseau de Débain (fig.13) : Trou des Chats Sauvages, Trou Souffleur, Perte des Pendus... (1).

Fig. 5: Ruisseau alimentant la perte en étiage (Photo P. Martin)
et lors d'une crue en 2013 (Photo J.J. Gaffiot ESV)

La perte de Débain s'ouvre sur un réseau actif, occupé par une rivière souterraine pérenne. Le réseau se met facilement en charge lors des crues d'orage, de périodes de fortes pluies printanières ou automnales ou de fonte brutale des neiges. Dans ce cas, la doline d'entrée peut être totalement inondée avec un vortex visible en son centre (fig.4). Dans les cas extrèmes, lorsque la doline ne peut plus absorber toute l'eau (4), celle-ci déborde dans les champs avoisinants et s'écoule en surface jusqu'au village de Sans-Vallois. 

Le réseau a été exploré par le GSPV sur une distance de plus de 3200 m. Il comprend principalement deux branches importantes : la galerie principale (fig.6) qui sert de collecteur et une galerie latérale en partie fossile. (Plan du réseau en Annexe 1)

Fig. 6: La grande galerie amont (photo J.J. Gaffiot CDS 88 Comité départemental de Spéléologie des Vosges)

(Remarquer la forme en trou de serrure)

La visite du réseau (1) (2) (4) (5) est difficile, non pas sur le plan technique mais plutôt sur un plan physique, réservée aux spéléologues aguerris, car "sportive" avec de nombreux passages étroits en méandre avec des chatières en "boites aux lettres", plusieurs laminoirs éprouvants dont un très long (presque 300m...) passage bas tapissé de cupules (fig.7), plusieurs bouchons d'argile, des ressauts avec cascades et marmites de géants... Elle reste dangereuse du fait des crues qui peuvent être subites.

Fig. 7: L'interminable laminoir de Débain (300m) et ses redoutables cupules d'érosion (photo ESV).

(Les traces noires au plafond ont été laissées par les lampes à carbure lors du passage des spéléologues!... lors de pauses prolongées lors des éprouvants rampings)

La galerie principale (fig.6 et 8) qui n'est pas concrétionnée correspond au collecteur uniquement actif lors des épisodes de crue. Cette galerie est recoupée une première fois par la rivière souterraine qui disparait ensuite sur la gauche dans un second laminoir très bas, puis une seconde fois lorsque la rivière réapparait sur la gauche au pied du Puits des Moustiques (4) dans la galerie aval menant à la salle terminale.

Fig. 8: La grande galerie aval (photo J.J. Gaffiot CDS 88)

La fin de la partie pénétrable et connue du réseau est un long méandre (fig.9) plus ou moins élargi, par endroits en forme de trou de serrure (fig.10), hâché de ressauts avec des cascades permanentes (fig.11) et de profondes marmites de géants creusées au pied des ressauts. Cette partie très active du réseau se termine par une grande salle au fond de laquelle l'eau se perd dans une trémie, accumulation pêle-mêle de blocs de toutes tailles.

Fig. 9: Le réseau aval est un méandre, une diaclase élargie.

Fig. 10: Galerie méandre en forme de trou de serrure.

Fig. 11: Un des ressauts et sa cascade en période de basses eaux.

Les planchers de ces galeries actives sont tapissés de cupules (fig.4, fig.9) et de lames tranchantes (fig.10), preuves d'une activité érosive permanente de l'eau. Le plafond des salles et des galeries est en général tabulaire et correspond à une limite de banc (fig.6, 7 et 8).

L'accès à la galerie fossile et sèche, galerie dite "des stalactites", se fait par une haute diaclase en méandre, tapissée d'argile et encombrée de nombreux bouchons. Le méandre devient de plus en plus étroit au fur et à mesure de sa remontée et débouche dans une salle tectonique très instable, mille-feuilles de dalles calcaires tombées du plafond et empilées pêle-mêle. Une ancienne conduite forcée mène ensuite vers une galerie concrétionnée avec de belles stalactites fistuleuses et excentriques (en massue...) (fig.12). Malheureusement, cette belle galerie a été vandalisée en 1968.

Fig. 12: La galerie dite "des stalactites" (Photo J.J. Gaffiot CDS 88)

Toute la partie du réseau (environ la moitié en distance) reliant la salle terminale et sa trémie aux résurgences dans la vallée du Madon est inconnue (fig.1, fig.13, fig.14)... mais des travaux d'exploration de ce terminus provisoire (avec désobstruction et plongement du siphon terminal) sont en cours (5).

Fig. 13: Carte de localisation du réseau, des pertes et des résurgences (1)

Fig.14: Coupe géologique avec situation du réseau de Débain (1)

Des travaux de coloration (1) ont montré que l'eau perdue au "Trou de Débain", ressort après quelques heures au niveau de trois résurgences permanentes (la Résurgence du Camp et les Fontaines St Michel) (fig.13, 14 et 15) au pied d'une falaise diaclasée, au lieu dit "Basse de Sarupt", sur la rive gauche du lit majeur du Madon en amont de Pont-lès-Bonfays.

Fig.15: Une résurgence du réseau : "Les fontaines St Michel".

Des résurgences temporaires (la Résurgence de Faret, la Résurgence du Bois de Sapin, la Perte-Résurgence des Pendus et les Fontaines du Parc Laurent...) servent également d'exutoires en période de crues (fig.16).

Fig.16: Ruisseau temporaire crée par la Perte-Résurgence des Pendus et les Fontaines du Parc Laurent fonctionnant en résurgence lors de la crue 2013 (Photo J.J. gaffiot ESV)

 

Bibliographie :

Les travaux du Groupe Spéléo-Préhistorique Vosgien (GSPV) sur le site de Débain ont été publiés de manière confidentielle par Michel MERY en juin 1975. Ce document existe dans les archives du GSPV (voir annexe 2).

(1) MERY M. (1975) - Le Réseau de "Débain", Sans-Vallois, Vosges: Trente sept années de recherches spéléologiques dans les Monts Faucilles, 51 pages.

(2) LISPEL (1985) - Revue Spéléo: publication de la topographie du réseau, Spéléo L n°15 spécial, page 30.

(3) PERY E. (2011) - La Grotte aux Mille Diaclases, Spelunca, 121, pp.23-28.

(4) GAFFIOT J.J. et PERY E. (2015) - Le Réseau de Débain à Sans-Vallois (Vosges), 78 années d'existence et du nouveau !, Spelunca, 139, pp. 39-46.

(5) GAFFIOT J.J., JAWORSKI G. et DECREUSE G. (2023) - Sans-Vallois (Vosges) : Une Mise en charge spectaculaire. Spéléo-Magazine-Actualités, 124, pp.6-9.


Auteur : Philippe MARTIN - Date de création : 10/11/2008 - Dernière modification : 06/01/2024

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