Neufchâteau (route d'Epinal) : 3. Description
Affleurement n°1 de la route d'Epinal (D166)
Sur une puissance d'environ 20 mètres, défile une série de bancs calcaires d'épaisseur pluridécimétrique, séparés par de fins joints marneux.
La série débute à la sortie de Neufchâteau au niveau de la route d'Epinal ( = route des Crans pour les Néocastriens). La base de l'affleurement (fig. 2 et 3) est marquée par un ensemble de plusieurs bancs calcaires oolithiques (bancs 1 à 8), à oncoïdes parfois (banc 4), souvent bioturbés (bancs 3 à 5) et faiblement bioclastiques (bancs 4, 5 et 8 : radioles d'oursins réguliers, coquilles de bivalves).
Certains bancs (bancs 5 et 6) peuvent présenter un litage apparent dégagé par l'érosion (fig.3). L'épaisseur de certains autres peut être variable, pouvant faire penser à des dépôts lenticulaires (banc 7).
A partir du panneau "Domrémy-Grand" et en direction du sommet de la coupe, le faciès des calcaires change progressivement : les calcaires oolithiques laissent place à des calcaires compacts sublithographiques de couleur beige (fig.4 et 5). Les fossiles y sont très rares (un bivalve dans le banc 9). Une surface "durcie" (avec huîtres et dépôts ferrugineux) affectant le sommet du dernier banc de calcaire oolithique (banc 8) semble marquer un arrêt de sédimentation et accompagner le changement de faciès. On retrouve néanmoins encore des oolithes au sommet du banc 9. A noter enfin, citée par Maubeuge (1957), la présence de graines et de feuilles de conifères au sommet du banc 8, en-dessous la surface indurée.
Jusqu'au sommet de l'affleurement (parking), les bancs massifs (bancs 9, 12 et 15) alternent avec des bancs présentant un débit en plaquettes (bancs 10, 11, 13 et 14).
Au-dessus du banc 15 (fig.6), les roches deviennent difficilement accessibles mais on peut toutefois distinguer un ensemble constitué d'au moins six bancs et caractérisé par une alternance de niveaux calcaires à débit en plaquettes (bancs 16, 18 et 20) et de calcaires plus massifs (bancs 17, 19 et 21).
La route D166 domine la vallée de la rivière Mouzon et offre également un panorama sur le relief de côtes (Côtes de Meuse) au loin, en direction de l'ouest.
A signaler, non loin de là, près de Noncourt au sud-ouest de Neufchâteau, la résurgence de la Meuse après sa perte en aval de Bazoilles-sur-Meuse, quelques kilomètres plus au sud.
Affleurement n°2 de l'intersection N74 - D164 (fig.7)
En direction de la sortie nord de Neufchâteau, au niveau de l'intersection D164 (Coussey) - D674, on peut observer le contact entre le sommet des Calcaires compacts (Bajocien sup. ou Bathonien inf.) et la base de la formation sus-jacente des Calcaires cristallins (Bathonien moyen et supérieur).
Le sommet des Calcaires compacts est marqué par une surface perforée (arrêt de sédimentation), déjà soulignée par Maubeuge (1974).
Les Calcaires cristallins correspondent à des calcaires beiges à pellets et rares oolithes. Un échantillon à cassure fraîche scintille lorsqu'on le tourne à la lumière, donnant un aspect spathique à la roche et traduisant la présence de grains cristallins à l'origine du nom de la formation. Dans la notice de la feuille de Neufchâteau, cette formation est englobée dans le Calcaire à Rhynchonella decorata.
Interprétation et paléoenvironnements :
En raison de l'absence de fossiles stratigraphiques et de fréquents changements latéraux de faciès, la datation des formations présentées n'est pas aisée. Celle-ci repose sur leur position stratigraphique et les corrélations avec des séries considérées synchrones ailleurs en Lorraine.
Les roches de la série de la D166 (affleurement n°1) appartiennent à la formation des Calcaires compacts de Neufchâteau. Selon les auteurs, cette formation est à rattacher soit au Bajocien supérieur (Hilly et Haguenauer 1979, Lathuilière in McCann 2008), soit au Bathonien inférieur (Maubeuge 1974, Mangold et al. 1994, Lathuilière et al. 2003).
Les Calcaires compacts de Neufchâteau illustrent la sédimentation marine épicontinentale de plate-forme qui prévaut pendant le Jurassique moyen dans l'est du Bassin Parisien. Celui-ci est alors en connexion avec le domaine océanique méridional téthysien via le seuil morvano-vosgien.
Le faciès oolithique de la base de la série (bancs 1 à 8) peut caractériser des dépôts mis en place au sein d'un complexe de dunes oolithiques bien développé plus au nord, dans la région de Nancy (Oolithe Miliaire Supérieure du Bajocien terminal).
Les calcaires micritiques du sommet de la série (bancs 9 à 15) correspondent à des faciès de lagon, résultant d'une sédimentation calme, à l'abri de la barrière oolithique, qui se généralise au centre du Bassin Parisien (Calcaires comblanchiens de Bourgogne), durant le Bathonien (Flageollet et al. 1985).
Le sommet des Calcaires compacts (affleurement n°2) est affecté par une surface d'arrêt de sédimentation marquée par des dépôts ferrugineux.
Les Calcaires cristallins qui font suite illustrent la reprise d'une sédimentation en milieu marin peu agité, dans un environnement de type lagon.
D'un point de vue stratigraphique (fig.8 et 9), les Calcaires compacts correspondraient à un équivalent latéral de l'Oolithe Miliaire Supérieure (Bajocien supérieur), ou alors, à celui de la Caillasse à Anabacia (Bathonien inférieur) affleurant dans la région de Toul et jusqu'à Colombey-les-Belles. La surface d'arrêt de sédimentation au sommet de la série ferait plutôt pencher en faveur de la première hypothèse, car une telle discontinuité affecte également le sommet de l'Oolithe Miliaire Supérieure avant la mise en place de la Caillasse à Anabacia.
Au-dessus, les Calcaires cristallins deviendraient alors l'équivalent latéral de la Caillasse à Anabacia et des séries marneuses du Bathonien moyen-supérieur du Toulois (Marnes et Caillasse à rhynchonelles).
En direction du sud, vers la Haute-Marne, les Calcaires compacts de Neufchâteau se confondent avec les Calcaires à Rynchonella decorata qui présentent un faciès semblable (calcaires micritiques et/ou à pellets) et qui correspondent à l'ensemble du Bathonien de la région haut-marnaise. Les Calcaires cristallins ne sont donc plus représentés dans ce secteur et laissent place, eux aussi, aux Calcaires à Rhynchonella decorata.
A proximité de la N74 (sens Neufchâteau - Chaumont), à hauteur de Vesaignes-sous-Lafauche (52), une ancienne carrière en partie remblayée (affleurement n°3 accessible par la D219 après avoir passé la voie ferrée en direction de la gare de St.-Blin) permet d'observer le passage Bathonien - Callovien. De la base au sommet :
Plus au nord, entre Neufchâteau et Toul, le passage Bathonien-Callovien n'est pas visible à l'affleurement. Dans ce secteur, le Callovien correspond à la formation des Argiles de la Woëvre pro parte (fig.8).
Le début du Callovien semble donc marqué par une transgression marine, mise en évidence par le retour et le recul en direction du sud de la sédimentation oolithique (Dalle nacrée) accompagnée de dépôts de mer ouverte (Argiles de la Woëvre) qui contrastent avec les dépôts de lagon dominants tout au long du Bathonien.
Bibliographie
FLAGEOLLET J.-C., LE ROUX J. et VINCENT P.-L. (1985) - Notice explicative de la carte géologique de la France à 1/50 000 - Toul n°229. B.R.G.M. éd.
HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Guides Géologiques Régionaux - Lorraine Champagne. Masson éd.
LATHUILIERE B. (2008) - Eastern Paris Basin in Pienkowski, G. & Schudack, M. E. et al.: Jurassic, p.823-922. in Mc CANN, T. The geology of central Europe. Vol. 2: Mesozoic and Cenozoic, Geological Society, London, 858-854.
LATHUILIÈRE B., CARPENTIER C., ANDRE G, DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. & NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. Excursion Groupe Français d'Etudes du Jurassique, livret-guide.
MANGOLD C., POIROT E., LATHUILIERE B. & LE ROUX J. (1994) - Biochronologie du Bajocien supérieur et du Bathonien de Lorraine. Geobios Mém. sp. 17, p.343-349.
MAUBEUGE P.L. (1957) - Dogger, Kilianines et questions connexes dans la moitié orientale du Bassin de Paris. Bull. Soc. Sc. Nancy n° 3, T. XVI, p.101-125.
MAUBEUGE P.L. (1974) - Notice explicative de la carte géologique de la France à 1/50 000 - Neufchâteau n°302. B.R.G.M. éd.
Sur une puissance d'environ 20 mètres, défile une série de bancs calcaires d'épaisseur pluridécimétrique, séparés par de fins joints marneux.
La série débute à la sortie de Neufchâteau au niveau de la route d'Epinal ( = route des Crans pour les Néocastriens). La base de l'affleurement (fig. 2 et 3) est marquée par un ensemble de plusieurs bancs calcaires oolithiques (bancs 1 à 8), à oncoïdes parfois (banc 4), souvent bioturbés (bancs 3 à 5) et faiblement bioclastiques (bancs 4, 5 et 8 : radioles d'oursins réguliers, coquilles de bivalves).
Certains bancs (bancs 5 et 6) peuvent présenter un litage apparent dégagé par l'érosion (fig.3). L'épaisseur de certains autres peut être variable, pouvant faire penser à des dépôts lenticulaires (banc 7).
A partir du panneau "Domrémy-Grand" et en direction du sommet de la coupe, le faciès des calcaires change progressivement : les calcaires oolithiques laissent place à des calcaires compacts sublithographiques de couleur beige (fig.4 et 5). Les fossiles y sont très rares (un bivalve dans le banc 9). Une surface "durcie" (avec huîtres et dépôts ferrugineux) affectant le sommet du dernier banc de calcaire oolithique (banc 8) semble marquer un arrêt de sédimentation et accompagner le changement de faciès. On retrouve néanmoins encore des oolithes au sommet du banc 9. A noter enfin, citée par Maubeuge (1957), la présence de graines et de feuilles de conifères au sommet du banc 8, en-dessous la surface indurée.
Jusqu'au sommet de l'affleurement (parking), les bancs massifs (bancs 9, 12 et 15) alternent avec des bancs présentant un débit en plaquettes (bancs 10, 11, 13 et 14).
Au-dessus du banc 15 (fig.6), les roches deviennent difficilement accessibles mais on peut toutefois distinguer un ensemble constitué d'au moins six bancs et caractérisé par une alternance de niveaux calcaires à débit en plaquettes (bancs 16, 18 et 20) et de calcaires plus massifs (bancs 17, 19 et 21).
La route D166 domine la vallée de la rivière Mouzon et offre également un panorama sur le relief de côtes (Côtes de Meuse) au loin, en direction de l'ouest.
A signaler, non loin de là, près de Noncourt au sud-ouest de Neufchâteau, la résurgence de la Meuse après sa perte en aval de Bazoilles-sur-Meuse, quelques kilomètres plus au sud.
Affleurement n°2 de l'intersection N74 - D164 (fig.7)
En direction de la sortie nord de Neufchâteau, au niveau de l'intersection D164 (Coussey) - D674, on peut observer le contact entre le sommet des Calcaires compacts (Bajocien sup. ou Bathonien inf.) et la base de la formation sus-jacente des Calcaires cristallins (Bathonien moyen et supérieur).
Le sommet des Calcaires compacts est marqué par une surface perforée (arrêt de sédimentation), déjà soulignée par Maubeuge (1974).
Les Calcaires cristallins correspondent à des calcaires beiges à pellets et rares oolithes. Un échantillon à cassure fraîche scintille lorsqu'on le tourne à la lumière, donnant un aspect spathique à la roche et traduisant la présence de grains cristallins à l'origine du nom de la formation. Dans la notice de la feuille de Neufchâteau, cette formation est englobée dans le Calcaire à Rhynchonella decorata.
Interprétation et paléoenvironnements :
En raison de l'absence de fossiles stratigraphiques et de fréquents changements latéraux de faciès, la datation des formations présentées n'est pas aisée. Celle-ci repose sur leur position stratigraphique et les corrélations avec des séries considérées synchrones ailleurs en Lorraine.
Les roches de la série de la D166 (affleurement n°1) appartiennent à la formation des Calcaires compacts de Neufchâteau. Selon les auteurs, cette formation est à rattacher soit au Bajocien supérieur (Hilly et Haguenauer 1979, Lathuilière in McCann 2008), soit au Bathonien inférieur (Maubeuge 1974, Mangold et al. 1994, Lathuilière et al. 2003).
Les Calcaires compacts de Neufchâteau illustrent la sédimentation marine épicontinentale de plate-forme qui prévaut pendant le Jurassique moyen dans l'est du Bassin Parisien. Celui-ci est alors en connexion avec le domaine océanique méridional téthysien via le seuil morvano-vosgien.
Le faciès oolithique de la base de la série (bancs 1 à 8) peut caractériser des dépôts mis en place au sein d'un complexe de dunes oolithiques bien développé plus au nord, dans la région de Nancy (Oolithe Miliaire Supérieure du Bajocien terminal).
Les calcaires micritiques du sommet de la série (bancs 9 à 15) correspondent à des faciès de lagon, résultant d'une sédimentation calme, à l'abri de la barrière oolithique, qui se généralise au centre du Bassin Parisien (Calcaires comblanchiens de Bourgogne), durant le Bathonien (Flageollet et al. 1985).
Le sommet des Calcaires compacts (affleurement n°2) est affecté par une surface d'arrêt de sédimentation marquée par des dépôts ferrugineux.
Les Calcaires cristallins qui font suite illustrent la reprise d'une sédimentation en milieu marin peu agité, dans un environnement de type lagon.
D'un point de vue stratigraphique (fig.8 et 9), les Calcaires compacts correspondraient à un équivalent latéral de l'Oolithe Miliaire Supérieure (Bajocien supérieur), ou alors, à celui de la Caillasse à Anabacia (Bathonien inférieur) affleurant dans la région de Toul et jusqu'à Colombey-les-Belles. La surface d'arrêt de sédimentation au sommet de la série ferait plutôt pencher en faveur de la première hypothèse, car une telle discontinuité affecte également le sommet de l'Oolithe Miliaire Supérieure avant la mise en place de la Caillasse à Anabacia.
Au-dessus, les Calcaires cristallins deviendraient alors l'équivalent latéral de la Caillasse à Anabacia et des séries marneuses du Bathonien moyen-supérieur du Toulois (Marnes et Caillasse à rhynchonelles).
En direction du sud, vers la Haute-Marne, les Calcaires compacts de Neufchâteau se confondent avec les Calcaires à Rynchonella decorata qui présentent un faciès semblable (calcaires micritiques et/ou à pellets) et qui correspondent à l'ensemble du Bathonien de la région haut-marnaise. Les Calcaires cristallins ne sont donc plus représentés dans ce secteur et laissent place, eux aussi, aux Calcaires à Rhynchonella decorata.
A proximité de la N74 (sens Neufchâteau - Chaumont), à hauteur de Vesaignes-sous-Lafauche (52), une ancienne carrière en partie remblayée (affleurement n°3 accessible par la D219 après avoir passé la voie ferrée en direction de la gare de St.-Blin) permet d'observer le passage Bathonien - Callovien. De la base au sommet :
- Sommet des Calcaires à R. decorata (2 m) souligné par une surface perforée et rubéfiée (= arrêt de sédimentation marquant la fin du Bathonien) ;
- Calcaire à coraux lamellaires (0,40 m), marquant le début du Callovien inférieur, et dont le sommet est également souligné par une surface durcie recouverte d'huîtres ;
- Lacune de visibilité (env. 1 m) ;
- Calcaire oolithique (env. 3 m) correspondant à la formation de la Dalle nacrée du Callovien inférieur, qui s'étend jusqu'en Bourgogne vers le sud.
Plus au nord, entre Neufchâteau et Toul, le passage Bathonien-Callovien n'est pas visible à l'affleurement. Dans ce secteur, le Callovien correspond à la formation des Argiles de la Woëvre pro parte (fig.8).
Le début du Callovien semble donc marqué par une transgression marine, mise en évidence par le retour et le recul en direction du sud de la sédimentation oolithique (Dalle nacrée) accompagnée de dépôts de mer ouverte (Argiles de la Woëvre) qui contrastent avec les dépôts de lagon dominants tout au long du Bathonien.
Bibliographie
FLAGEOLLET J.-C., LE ROUX J. et VINCENT P.-L. (1985) - Notice explicative de la carte géologique de la France à 1/50 000 - Toul n°229. B.R.G.M. éd.
HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Guides Géologiques Régionaux - Lorraine Champagne. Masson éd.
LATHUILIERE B. (2008) - Eastern Paris Basin in Pienkowski, G. & Schudack, M. E. et al.: Jurassic, p.823-922. in Mc CANN, T. The geology of central Europe. Vol. 2: Mesozoic and Cenozoic, Geological Society, London, 858-854.
LATHUILIÈRE B., CARPENTIER C., ANDRE G, DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. & NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. Excursion Groupe Français d'Etudes du Jurassique, livret-guide.
MANGOLD C., POIROT E., LATHUILIERE B. & LE ROUX J. (1994) - Biochronologie du Bajocien supérieur et du Bathonien de Lorraine. Geobios Mém. sp. 17, p.343-349.
MAUBEUGE P.L. (1957) - Dogger, Kilianines et questions connexes dans la moitié orientale du Bassin de Paris. Bull. Soc. Sc. Nancy n° 3, T. XVI, p.101-125.
MAUBEUGE P.L. (1974) - Notice explicative de la carte géologique de la France à 1/50 000 - Neufchâteau n°302. B.R.G.M. éd.