Granodiorite du Champ-du-Feu : 3. Description
La granodiorite de St-Jean-d'Ormont appartient à un ensemble de roches magmatiques apparentées à la granodiorite du Hohwald et définies comme constituant la "Bande Médiane" du Massif du Champ-du-Feu.
Ce magmatisme s'exprime durant le Mississipien (anciennement Dinantien = Carbonifère autour de 330 Ma) au travers d'un cortège de roches volcaniques (ignimbrites en particulier) et plutoniques (diorites, granodiorites et granites) imbriqués les uns dans les autres et à affinités calco-alcalines (Altherr et al. 2000).
L'affleurement de granodiorite s'étend sur une trentaine de mètres en bord de route et quelques mètres de hauteur. La granodiorite est recoupée par divers filons.
L'affleurement de granodiorite dans le talus à gauche de la route (sens montant).
Pétrographie de la granodiorite : Il s'agit d'une roche grise à grain moyen, à feldspath plagioclase dominant (andésine) sub-automorphe et zoné, orthose et quartz interstitiels et peu abondants, biotite et amphibole.
Elle comporte des enclaves sombres, de forme arrondie, microgrenues, à aiguilles d’amphibole.
Echantillons de granodiorite (avec enclave en bas)
Cette granodiorite à enclaves sombres s’apparente à celles que l'on rencontre au sud du Champ du Feu sur le versant alsacien (granodiorite du Hohwald). Ces roches sont datées autour de 330 Ma (Tabaud, 2012), ce qui les situe au Mississipien supérieur (Carbonifère).
Composition chimique de quelques roches magmatiques des Vosges (dans livret APBG Magmatisme d'âge primaire des Vosges).
Les filons qui recoupent la granodiorite sont de deux types :
- filons sombres à bordures franches, à grain très fin et quelques phénocristaux de feldspath. Cette roche est nommée kersantite sur la carte géologique.
L'un de ces filons montre une prismation transverse assez nette (prismes perpendiculaires aux épontes), révélatrice d'une mise en place nettement postérieure à celle de la granodiorite.
- intrusions massives d'un granite rose à phénocristaux de feldspaths, sans doute apparenté au granite de Senones.
L’une d’elles est visible, mais altérée, dans le talus de la route 50m avant l’affleurement principal. Du granite est visible en « pierres volantes » dans la pente après ce dernier. Pas de contact visible
Intrusions : en haut à gauche, filon sombre à limites nettes avec la granodiorite ; en haut à droite, filon à prismation horizontale perpendiculaire aux épontes ; en bas à gauche, détail d'un filon sombre ; en bas à droite, roche granitique rose.
Chronologie magmatique et interprétation géodynamique (d'après Tabaut, 2012) :
Pour des idées d'excursions, une illustration avec des coupes géologiques interprétatives et une description détaillée des affleurements, consulter le circuit Magmatisme hercynien dans les Vosges du nord.
Le magmatisme des Vosges septentrionales débute par un volcanisme tholéiitique continental (Dévonien Supérieur, Famennien) qui affleure dans les Massifs de Schirmeck et du Rabodeau. Ce volcanisme est interprété comme s'étant mis en place dans un bassin arrière-arc ouvert suite à la subduction rhéno-hercynienne (pendage fort).
Les ophiolites du Cap Lizard (en Cornouailles) sont les vestiges de cet épisode de subduction. Les lambeaux ophiolitiques obductés retrouvés dans les Vosges et qui constituent "la Ligne des Klippes" sont des vestiges du bassin arrière arc écrasé. Les gabbros de ces ophiolites vosgiennes sont datés à 372 +/- 18 Ma.
Au Mississipien Moyen (Viséen Supérieur), la croûte continentale est à son tour entrainée dans la subduction et le pendage du "slab" change (pendage plus faible, subduction plus forcée). Un volcanisme et un plutonisme calco-alcalins s'installent. Au fur et à mesure de la contamination des magmas mantelliques par des liquides issus de la fusion de la croûte continentale, ils évoluent vers des termes de plus en plus potassiques, puis vers des termes magnésio-potassiques, puis carrément peralumineux dans le Massif du Champ-du-Feu.
Il se termine par le volcanisme Permien du Massif du Nideck. (cf fiche Nideck de la Lithothèque d'Alsace)
Ce magmatisme montre donc une large évolution depuis des tholéiites pauvres en K2O (LKT) jusqu'à des granites peralumineux et alcalins.
Le magmatisme des Vosges septentrionales s'étale ainsi entre deux extrêmes, depuis des termes mantélliques quasiment purs (fusion partielle des péridotites du manteau lithosphérique = tholéiites de Schirmeck...) jusqu'à des liquides crustaux quasiment purs (fusion partielle d'écailles de la croûte continentale par anatexie = granite du Kagenfels...). Presque tous les types intermédiaires sont présents (magmas calcoalcalins, shoshonites, magmas Mg-K ...) avec une contribution plus ou moins forte de l'un ou l'autre des termes.
Il raconte ainsi à l'affleurement une partie de l'histoire de la subduction du domaine océanique qui séparait le bloc saxothuringien du bloc moldanubien, puis celle de la collision de ces deux blocs (subduction océanique puis subduction continentale entrainant une progressive contamination des magmas mantélliques, puis une anatexie crustale).
Le magmatisme des Vosges septentrionales débute donc par la mise en place des tholéiites des Massifs de Schirmeck et du Rabodeau puis évolue vers un volcanisme et un plutonisme calco-alcalins typiques (bande médiane du Champ du Feu, autour de 330 Ma) : c'est lui qui nous intéresse dans cette fiche. Il est qualifié de post-collision.
L'activité évolue ensuite vers un plutonisme calco-alcalin riche en potassium à affinités shoshonitiques (Nord du Champ-du-Feu, "Older granites", Granite de Belmont, 318 +/- 3 Ma) qui est qualifié de post-tectonique.
La mise en place de magmas Mg-K (magnésio-potassiques) (Granites de Senones, de Natzwiller et d'Andlau) lui fait suite. Il illustre l'hybridation des magmas mantélliques avec des liquides crustaux.
Un épisode terminal peralumineux alcalin ("Younger granites", granites d'anatexie type S = Granite du Kagenfels, du Kreutzweg et du Grendelbruch, 312 +/- 2 Ma) vient recouper les granitoïdes mis en place précédemment. Les magmas sont maintenant purement d'origine anatectique.
Le volcanisme permien (trachytes et rhyolites) du Nideck clôt l'Histoire Varisque dans le Massif Vosgien.
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Bibliographie:
Altherr R., Holl A;, Hegner E., Langer C. & Kreuzer H. (2000) High-potassium, calk-alcaline I-Type volcanism in the European Variscides : northern Vosges (France) and northern Schwartzwald (Germany), Lithos, 50, 51-73.
Deschamps M., Berche P. et Martin P. (1994) "Le magmatisme d'âge primaire des Vosges". Livret ’excursion du Congrès Lorraine de l’APBG 1994.
Tabaud A.S. (2012) Le magmatisme des Vosges : conséquence des subductions paléozoïques (Datation, pétrologie, géochimie, ASM), Thèse de Doctorat, Université de Strasbourg, 231 pages.
Notice de la carte géologique BRGM 1:50 000 n°306 Feuille Saint-Dié
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Auteurs : Roger CHALOT - Philippe MARTIN - Date de création : 13/08/2009 - Dernière modification : 06/07/2017