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Faïencerie et gaize de Passavant-en-Argonne : 3. Description

Le village de Passavant se situe au sud et au pied de la cuesta argonnaise (ou côte de l'Argonne). Sa position géographique le place à cheval sur une plaine argileuse au sud et les reliefs de côtes formés par la gaize au nord.

Site n°1 : la Faïencerie de la Ferme d'argile

L'exploitation des argiles est une tradition séculaire en Argonne qui remonte à l'époque gallo-romaine et qui connut son plein essor au XVIIIe siècle (fig.2). Le matériau argileux constitue en effet la matière première pour diverses activités artisanales et industrielles : faïencerie, tuilerie et poterie. Ces entreprises ont pour la plupart cessé en Argonne. La faïencerie de Passavant-en-Argonne constitue en effet la seule encore en activité dans la région. A la fin du XIXe siècle, l'Argonne meusienne comptait plus d'une vingtaine de faïenceries, réparties sur 11 localités ; celle des Islettes reste certainement la plus connue.
 


Fig.2 : Faïences et poteries argonnaises anciennes exposées à la faïencerie -
(Le message inscrit sur le papier au premier plan est celui gravé sur la tuile de droite par l'artisan comme c'était la tradition au XVIIème siècle)

La faïencerie artisanale de Passavant-en-Argonne appartient à la famille Lange. L'accueil de groupes scolaires est organisé sur le thème de la poterie et de la faïencerie. (http://faiencerie-passavant.monsite.wanadoo.fr).

L'argile est extraite du sous-sol de la propriété, creusé dans les argilites du Gault (fig.3). La roche (= argilite) grise très tendre se malaxe très facilement lorsqu'elle est humide ; sèche, elle se débite en feuillets. Aucun fossile n'a été récolté dans les niveaux accessibles. Par temps sec, une observation sur le site d'extraction est envisageable après accord du propriétaire.
 


Fig.3 : Extraction de l'argilite

Actuellement, l'argile extraite est stockée en tas à l'extérieur: c'est là que des échantillonnages peuvent se faire le plus facilement. Les excavations réalisées (3 bassins de 100 m3 environ) vont permettre aux propriétaires de réaliser, à court terme, une station de lagunage pour épurer les eaux usées de l'exploitation.

Une fois extraite, l'argilite est nettoyée de ses impuretés (= sable) par décantation à l'intérieur d'une cuve à pales rotatives (fig.4).
 


Fig.4 : Cuve de nettoyage de l'argile

L'argile pure, "prête à l'emploi", est ensuite pressée (fig.5) pour former des "galettes" qui seront travaillées, moulées et façonnées par l'artisan suivant la forme de l'objet désiré (bols, assiettes, saladiers, etc.).
 


Fig.5 : Presse horizontale à "galettes" d'argile
(chaque cintre et sa toile de tissu contiennent une "galette";
on en compte une quarantaine sur le cliché)

Après un temps de séchage de quelques jours, la cuisson est réalisée dans un four chauffé à près de 1000°C. L'argile cuite prend alors sa couleur rouge-brique caractéristique.

La transformation de la terre cuite (poterie) en faïence nécessite plusieurs étapes : émaillage, séchage, décor au pinceau. Une deuxième cuisson est réalisée pour obtenir le produit fini (fig.6 ).
 


Fig.6 : Faïences de Passavant
 
Les argilites du Gault (fig.7) constituent une formation d'épaisseur variable d'une trentaine à une centaine de mètres, qui forme le sous-sol de la Champagne humide, jusqu'au pied des côtes du Barrois et de l'Argonne.
Cette formation recèle des niveaux fossilifères (ammonites, bivalves, coraux, brachiopodes, etc.) qui permettent d'attribuer un âge Albien moyen-supérieur (Allouc et al. 2007).
La base de la formation est marquée par la présence de "sables verts" (grès à ciment calcaire) à glauconie (quelques mètres) pouvant aussi contenir de la pyrite et des nodules phosphatés (= coquins). Cette partie de la formation n'affleure pas sur le site de la faïencerie de Passavant.
Les argilites du Gault se sont déposées dans un environnement marin ouvert comme en témoignent les faunes fossiles et la présence de glauconie. La glauconie est une association de minéraux argileux riches en fer (Fe3+). Elle se forme dans les mers assez chaudes, à une profondeur de 50 à 500 m (www.svt.ac-versailles.fr).
L'Albien marque le début d'une grande transgression marine (accompagnée d'un approfondissement rapide) dans le Bassin Parisien, qui atteindra son apogée au cours du Cénomanien (dépôts de craie).
 


Fig.7: Position stratigraphique des sites étudiés
(colonne lithostratigraphique d'après Allouc et al. 2007)

Site n°2 : Falaises de gaize

Les falaises de gaize qui bordent chaque côté de la route forestière (fig.1) correspondent à trois fronts de taille hauts de 6 à 8 mètres environ (fig.8).
 


Fig.8 : Falaise de gaize de Passavant-en-Argonne

À l'affleurement, la gaize se présente sous la forme d'une série homogène grossièrement stratifiée horizontalement. Le contact avec les argilites du Gault sous-jacentes n'est pas visible sur ce site.
La gaize est une roche de couleur gris-vert, poreuse (qui happe la langue), à grains fins (le plus souvent invisibles à l'œil nu) ressemblant à une marne mais au toucher plus rugueux (crissement lorsqu'on frotte l'échantillon contre les dents = grains de quartz présents), peu dense et qui ne réagit pas à l'acide (fig.9). Il s'agit d'un grès fin à matrice argileuse.
 

Fig.9 : Echantillon de gaize (grès fin argileux)

Parmi les éléments (rares) de la roche, on trouve des concrétions pyriteuses (fig.10) et quelques ammonites (fig.11). Des traces de bioturbation (terriers) peuvent également être présentes.

La révision des faunes d'ammonites de la Gaize d'Argonne (Amédro 1984) indiquerait un âge Albien terminal (= Vraconien ; fig.7).
 


Fig.10 : Concrétions pyriteuses



Fig.11 : Ammonite de la gaize (genre indéterminé)
 
Des grains de glauconie vert foncé, des oxydes de fer et des taches grises d'aspect lisse (visibles à l'œil nu) d'opale et de calcédoine d'origine diagénétique peuvent être également présents.
Au microscope, en lame mince, la gaize révèle la présence de nombreux spicules d'éponges siliceuses ainsi que des radiolaires.

L'épaisseur totale de la gaize en Argonne atteint en moyenne 70-80 mètres et jusqu'à 100 mètres dans la région de Clermont-en-Argonne (Le Roux et al. 2006).
Cette roche fut utilisée pour la construction de maisons à jambage de chêne et certaines églises (Lachalade, Futeau) de la région. Son exploitation a aujourd'hui cessé. Un projet d'ouverture de carrière (société Holcim) près de Sainte-Menehould est néanmoins à l'étude depuis fin 2008 ; la gaize serait alors exploitée pour produire de la silice en poudre.

La gaize argonnaise est une formation d'âge Albien supérieur. Dans les Ardennes, il existe une formation de gaize d'âge callovo-oxfordien : des études récentes (François et al. 1996) indiquent que cette gaize ardennaise se serait formée dans un environnement subsident, en milieu marin proximal calme et peu profond. La gaize argonnaise s'est probablement déposée dans un contexte comparable. Au Crétacé, l'Argonne occupe une position géographique singulière au débouché du sillon Eifel-Luxembourg, alimenté en sédiments terrigènes et silice en solution issus de l'altération continentale des massifs de l'Ardenne et de l'Hunsrück à l'est (Le Roux et al. 2006). La présence de pyrite et la rareté des organismes endobiontes traduisent vraisemblalement des conditions d'oxygénation faible dans le sédiment (Allouc et al. 2007).

Remerciements

Nous tenons à remercier M. Lange de son accueil chaleureux et de sa disponibilité pour la visite richement commentée et détaillée de la faïencerie de la Ferme d'argile.

Liens internet et bibliographie

http://faiencerie-passavant.monsite.wanadoo.fr - présentation de la faïencerie de Passavant-en-Argonne.

http://www.svt.ac-versailles.fr - informations sur la glauconie.

http://www.pierres-hommes.com/argile-gaize.php - site réalisé par le Centre de Recherches en Environnement et Agronomie (Maison de la Craie et de son Environnement) de Reims ; on y trouve des informations sur l'argile et la gaize de l'Argonne champenoise.

ALLOUC J., HARMAND D., FAUVEL P.-J., LE ROUX J, avec la collaboration de BOURDILLON C., GURY M., CAUSERO L., MORFAUX P., RAVAUX J.-P. (2007) – Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000), feuille Revigny-sur-Ornain (190). Orléans : BRGM, 121 p. Carte géologique par J. Allouc, J. Le Roux, D. Harmand, J.-P. Fauvel (2007).

AMÉDRO F. (1984) – Nouvelles données paléontologiques (ammonites) sur l'Albien de la bordure nord-est du bassin de Paris (de la Thiérache au Perthois). Bull. Soc. Normandie et Muséum du Havre, LXXI, 2 -3, p. 17-30.

HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Guides Géologiques Régionaux - Lorraine Champagne; Masson éd.

LEFRANCOIS A., MARCHAND D., BEAUDOIN B., CHAMLEY H. et TROUILLER A. (1996) - Contexte géodynamique au passage Callovien-Oxfordien dans le NNE du Bassin Parisien. Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 2. Sciences de la terre et des planètes; vol. 323, n°3, pp. 229-235.

LE ROUX J., PAUTROT C. et BUFFETAUT E. (2006) - in LEXA-CHAUMART A. et PAUTROT C. - Géologie et géographie de la Lorraine; p. 126-130 ; Serpenoise éd.

LEROUX O. (1978) - Dossiers Documentaires Meusiens ; n°11 Géologie; OCCE Bar-le-Duc éd.
 

 

Auteurs : Didier ZANY - Claudette DIDIERJEAN - Date de création : 30/06/2009 - Dernière modification : 21/01/2023

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