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Rhyolite de La Salle : 3. Description

Manifestations du volcanisme rhyolitique hercynien / varisque dans le Massif Vosgien :

(Voir l'annexe 12 pour découvrir quelques éléments relatifs au volcanisme rhyolitique dans les Vosges et en France).

De nombreux filons ou épanchements rhyolitiques sont décrits dans le Massif Vosgien, souvent dans ou à proximité des bassins "limniques" sédimentaires permiens, contrôlés par une tectonique de transpression, à l'œuvre à l'issue des derniers épisodes de l'orogenèse varisque.

Les principaux affleurements se situent dans la partie septentrionale du massif (voir en particulier le circuit Magmatisme hercynien dans les Vosges du nord) :

- dans la vallée de la Bruche (dyke de rhyolite ou micro-granite de Fouday) ;

- dans la vallée de la Sarre-Blanche (ou Blancrupt), au nord-ouest du massif du Donon (Rhyolite de Turquestein-Blancrupt) et au sein du bassin de la Plaine-Nideck où les datations isotopiques des rhyolites ont livré un âge de 299 ± 9 M.a et 297 ± 9 M.a., correspondant au tout début du Permien (Lippolt et Hess, 1983[3] ; Schneider et al., 1994[4]) ;

- dans le Val de d'Andlau associés aux stades terminaux du magmatisme régional lors de la mise en place du granite de Kagenfels (granite d'anatexie peralumineux de type-S) vers - 290 M.a. (voir la fiche Hohwald-Andlau) ;

- dans le Bassin permien de Saint Dié (voir Permo-Trias continental) qui nous intéresse ici : à La Salle, Nompatelize, Bréhimont (Commune de St-Michel-sur-Meurthe) et La Voivre (fig.1 et 2).

Fig.2 : Coupe géologique simplifiée de La Salle à Bréhimont - Bassin permien de Saint-Dié (d'après les cartes géologiques BRGM de Rambervillers n° 305 et Saint-Dié n° 306 à l'échelle 1/50000)

Les volcanites acides les plus couramment observées sont des rhyolites aphyriques, de couleur rose, pauvres en phénocristaux, à grain fin.

La rhyolite permienne de La Salle est par contre une de ces rares laves acides qui soit très porphyrique.

Les rhyolites porphyriques permiennes se distinguent des autres rhyolites porphyriques antérieures par la présence de nombreux phénocristaux de biotite noire.

Le gisement de Rhyolite permienne de La Salle :

Le gisement de rhyolite porphyrique de La Salle est connu depuis la Préhistoire. La rhyolite, roche recherchée pour produire des meules à grains (Voir l'annexe 1 pour de plus amples explication sur cette industrie lithique), y était exploitée de façon artisanale.

- Affleurements et mode de gisement :

La venue rhyolitique de La Salle constitue deux dômes discernables dans la topographie, d’une superficie totale de 85 hectares. Ils sont enrobés par les grès rouges feldspathiques subhorizontaux saxoniens sommitaux (Permien inf.) de la Formation de Meisenbuckel [1][5](fig.3 - voir aussi la fiche sur les Arkoses de Saint-Dié).

Fig.3 : Série stratigraphique locale (© BRGM)

Note : les mêmes roches affleurent à Nompatelize, Bréhimont (Commune de St-Michel/Meurthe et La Voivre de part et d'autre de la Meurthe sur la carte géologique de St-Dié voisine).

Dans la carrière des « Grandes Fossottes » à La Salle, carrière abandonnée (fig.4), mais dernière carrière qui ait été mise en exploitation peu avant la Seconde Guerre mondiale pour produire des pavés et des granulats nécessaires à l'empierrement des routes, le gisement apparait comme la superposition d’une douzaine de coulées régulières, de 1 m de puissance environ à pendage 20 à 25° vers le Nord-Ouest[1] (fig.5).

Fig.4 : Carrière de La Salle en 2023 - les fronts de taille sont hauts de plusieurs mètres ; remarquer le diaclasage et le débit en blocs anguleux. Un marteau à manche bleu appuyé contre la paroi donne l'échelle sur les deux photographies.

(Attention, les fronts de taille ne sont pas purgés et sécurisés ! - Il est recommandé de porter un casque !).

Fig.5 : La mesure du pendage des coulées indique 20 à 25° vers le Nord-Ouest.

Par leur mode de gisement et leurs caractères pétrographiques, les rhyolites de La Salle se seraient mises en place à la suite d'extrusions de laves très viqueuses constituant de très courtes coulées le long de pentes raides d’une topographie permienne accidentée[1].

Quelques vestiges de l'exploitation "industrielle" qui s'est arrêtée dans les années soixante demeurent visibles dans la carrière (maison à l'entrée, wagonnets, ancien moteur...)(fig.6). Un panneau devant l'entrée du site rappelle l'historique de cette activité (fig.7).

Fig.6 : Traces de l'exploitation "industrielle" de la carrière: ancienne maison des carriers, wagonnet et générateur.

Fig. 7 : Panneau remémorant l'activité passée du site.

- Pétrographie des rhyolites permiennes de La Salle :

La roche qui affleure à La Salle est une rhyolite porphyrique calcoalcaline (le terme calcoalcalin ne désignant pas ici "associé à la subduction" mais dont la géochimie s'apparente aux magmas de la lignée calcoalcaline = richesse en alcalins...) riche en gros cristaux de quartz gris ou fumé plurimillimétriques, feldspaths potassiques blanchâtres en cours d'altération et biotite noire (fig.8). Ces phénocristaux sont inclus dans une matrice à grains très fins correspondant à la phase vitreuse initiale recristallisée. La phase vitreuse étant dans un état métastable, la mésostase des paléovolcanites a le plus souvent subi une dévitrification et une recristallisation au cours du temps (fig.9).

Fig.8: Echantillons de rhyolite porhyrique de La Salle. Observez les gros phénocristaux de quartz gris à l'éclat "gras", les nombreux phénocristaux prismatiques blancs de feldspath potassique (sanidine), les phénocristaux anguleux de biotite noire en plaquettes, et la mésostase ("pâte") vitreuse rose.

Fig.9 : Microphotographie d'une lame mince de rhyolite de La Salle observée au microscope optique en LPNA. (© Boyer et Fronteau 2011[1]).

Légende : a = phénocristaux de quartz plus ou moins arrondis et "golfés", traces laissées par leur re-dissolution partielle après une cristallisation précoce, b : phénocristaux de biotite noire, c = Feldspaths potassiques en cours d'altération, d = mésostase vitreuse recristallisée).

Une alternative à la Carrière de La Salle : la Carrière de Bréhimont à St-Michel-sur-Meurthe

Une carrière jumelle également abandonnée (fig.10) est accessible à quelques kilomètres dans le hameau de Bréhimont (Commune de St-Michel-sur-Meurthe - fig.1). Cette carrière étendue, qui a servi à produire des "pierres dures" pour l'empierrement des routes, se situe sur le domaine communal ; depuis longtemps inexploitée, son accès est simplement empêché par une barre. Elle a en effet notoirement servi de dépôt d'ordures et d'encombrants (comme cela est classiquement observé dans les anciennes carrières ou excavations), ce qui explique que la commune en ait interdit l'accès aux véhicules. Elle est totalement recolonisée par la végétation et en partie occupée par des habitations récentes. Le front de taille comprend plusieurs paliers.

Fig.10 : Carrière de Bréhimont en 2023 - entrée et front de taille - Attention, les fronts de taille ne sont pas purgés et sécurisés- (Il est conseillé de porter un casque!).

La rhyolite observée ici est moins pophyrique que celle échantillonnée dans la carrière de La Salle et des faciès bien préservés de l'altération peuvent être échantillonés (fig.11).

Fig.11 : La rhyolite de Bréhimont, un très beau faciès moins porphyrique et surtout moins altéré. Observer les gros phénocristaux de quartz gris à l'éclat "gras", les nombreux phénocristaux prismatiques blancs de feldspath potassique (sanidine), les phénocristaux anguleux de biotite noire en plaquettes, et l'abondante mésostase ("pâte") vitreuse rose pâle.

Pour en apprendre davantage sur l'utilisation des rhyolites consulter l'annexe1 : L'industrie meulière à base de rhyolites.

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Eléments de bibliographie

[1] Boyer F. et Fronteau G. (2011) - Les géomatériaux meuliers : de l’identification des sources géologiques à la définition de catégories de gisements. Aquitania. Supl. 23. « Evolution typologique et technique des meules du Néolithique à l’an mille ». Buchsenschutz O., Jaccottey L., Jodry F. & Blanchard J.L. (ed.). Actes des IIIème rencontres de l’Archéosite gaulois. Editions de la Fédération Aquitania., Bordeaux, pp.121-135.

[2] Chrétien J.-C. et Rocci G. (1963) - Le volcanisme permo-carbonifère de la région de Nompatelize (Vosges). Bulletin de la Société Géologique Française, 7e série, tome V, n° 2, pp.232-238.

[3] Lippolt H.J. et Hess J.C. (1983) - Isotopic evidence for stratigraphic position of the Saar-Nahe Rotliegende volcanism I. 39K/40Ar and 39Ar/40Ar investigations. N. Jb. Geol. Paläont. Mh., 12, pp.713-730.

[4] Schneider J.L., Edel J.B. et Montigny R. (1994) - Structural control on the volcanic facies geometry: the Permian volcanism of the northern Vosges (France). A facies and paleomagnetic approach, 15th Int. Sedimentology Regional Meet., "Ischia 9', Abstract.

[5] Von Eller J.P., Ménillet F., Hollinger J., Guillaume C., Billoret R., Fluck P. et Maïaux C. (1975) - Notice explicative de la Carte Géologique de la France au 1/50 000, Feuille de Saint-Dié, n° 306. BRGM Orléans Ed., 45 pages.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Dernière modification : 22/04/2024

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