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Rhyolite de La Salle : 5. Annexe I

L'industrie meulière à base de rhyolites :

Les roches sédimentaires (calcaires silicifiés, grés, poudingues, "meulières"...) comme magmatiques (basaltes, diorites, vaugnérites, rhyolites...) ont été utilisées dès le Néolithique dans des systèmes ingénieux permettant d'écraser les grains de céréales entre deux pierres[1].

Les roches magmatiques "dures" et riches en grains de quartz (rhyolites, vaugnérites, granites...) ont notoirement servi à la production de ces meules à grains.

La Salle fut, pendant près de mille ans, un important site d'exploitation et de taille de roches servant à l'élaboration de meules en rhyolite porphyrique. Pas moins de 27 fosses d'extraction circulaires (de 2 à 15 m de diamètre et de 0,8 à 3 m de profondeur) ont été répertoriées lors de campagnes de fouilles sur le site des Fossottes de part et d'autre du ruisseau La Valdange et sur le plateau à proximité[3].

La période d'exploitation du site s'étend du VIème siècle avant JC au IVème siècle après JC [4].

Pendant cette longue période, la technologie a beaucoup évolué comme l'attestent les différents types de meules retrouvés sur le site (fig.14).

Les premières carrières ont été ouvertes dans la seconde moitié du VIème siècle avant notre ère, à la fin du "Premier Âge du Fer" (stade Hallstatt D2-D3)[4] (fig.12). A cette époque, les meules produites sur le site sont encore des "meules plates" ou "meules de type égyptien" assez primitives fonctionnant sur le modèle du "va et vient" par frottement d'un fragment de roche (la molette) sur un autre fragment fixe (la pierre dormante) qui servait de "table" et sur laquelle étaient déposés les grains à moudre (fig.14). À La Salle, il existerait 12 types de meules à va-et-vient possédant un profil en V, en U ou rectangulaire, datées du Hallstatt D2-D3[3][4].

Fig.12 : Frise précisant la position de la période "Protohistorique". (Extrait © Ministère de le Culture. https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation)

À cette période, la rhyolite porphyrique vient le plus souvent remplacer les autres roches précédemment ou concomitamment utilisées : basaltes, granites ou grés.

"Soulignons les qualités particulières d’une roche dont les gros quartz monocristallins présentent de nombreuses arêtes vives aussi bien naturellement qu’à la suite du piquetage des surfaces actives. Ces quartz, “sertis” dans une matrice fine moins résistante, restent en relief plus longtemps, ce qui prolonge en l’entretenant la rugosité de la surface active" [3].

Durant la première moitié du IIème siècle avant notre ère au "Second Âge du Fer" (Stade de la Tène D) correspondant à la période celtique ou gauloise, la technologie évolue vers la production de meules beaucoup plus performantes, de forme circulaires et taillées pour être utilisées dans des moulins "rotatifs" ou "moulins laténiens" (de La Tène) = "moulins à bras" ou "meules gauloises" (fig.13).

"Le moulin rotatif est constitué de deux pierres en rhyolite, d’une meule dormante ou meule inférieure (la meta) et d’une meule tournante ou meule supérieure (le catillus). Ce type de meule constitue une véritable évolution technologique dans la production meulière. Le grain est toujours écrasé entre deux pierres, mais cette fois-ci, le catillus, actionné à l’aide d’une poignée latérale, est fixé à la meta par un axe de rotation. La production des Fossottes remonterait à la Tène D et serait constituée par trois types de catillus différents et quatre types de meta bien distincts".[3][4]

A cette période, les meules sont trapues et épaisses (dimensions moyennes = diamètre de 0,35 m et hauteur de 0,13 m pour la meta ; diamètre de 0,35 m et hauteur de 0,20 m pour le catillus[4]).

Fig.13 : Un moulin rotatif "laténien" (de la Tène) ou "meule gauloise" en rhyolite des Fossotes, reconstitué à des fins expérimentales. remarquer l'orifice latéral pour placer le bras qui sert à tourner le catillus et l''oeillard au dessus du catillus qui sert à alimenter le moulin en grains à écraser ; un axe en bois servait à maintenir les meules en place l'une par rapport à l'autre. (© Fédération des Moulins de France [5] pour le moulin expérimental et © Musée Archéologique du Val-d'Oise 95450 Guiry-en-Vexin pour le dessin d'interprétation)

Dès la conquête du territoire celte par les Romains, la production des meules rotatives se standardise avec un seul type de catillus et de meta plus larges et moins hauts[3] (dimensions moyennes = diamètre de 0,42 m et hauteur de 0,15 m pour la meta ; diamètre de 0,44 m et hauteur de 0,13 m pour le catillus[4]) et la rhyolite disparait progressivement au profit de meules en basalte de l'Eifel (Rhénanie)[6].

Fig.14 : Les deux types de meules fabriqués sur le site des Fossottes. A gauche un moulin laténien (IIème siècle avant JC = Second Âge du Fer - stade la Tène D), à droite une meule à va-et-vient plus primitive et plus ancienne VIème siècle avant JC = Premier Âge du Fer - stade Hallstatt D2-D3). (© Fédération des Moulins de France[5])

Eléments de bibliographie

[1] Boyer F. et Fronteau G. (2011) - Les géomatériaux meuliers : de l’identification des sources géologiques à la définition de catégories de gisements. Aquitania. Supl. 23. « Evolution typologique et technique des meules du Néolithique à l’an mille ». Buchsenschutz O., Jaccottey L., Jodry F. & Blanchard J.L. (ed.). Actes des IIIème rencontres de l’Archéosite gaulois. Editions de la Fédération Aquitania., Bordeaux, pp.121-135.

[2] Chrétien J.-C. et Rocci G. (1963) - Le volcanisme permo-carbonifère de la région de Nompatelize (Vosges). Bulletin de la Société Géologique Française, 7e série, tome V, n° 2, pp.232-238.

[3] Farget V. (2007) - Les carrières des “ Fossottes ” de La Salle (Vosges) : de la rhyolite au produit. Bulletin de l’Association française pour l’étude de l’âge du fer, 25, pp.57-60.

[4] Lagadec, J.-P. (2007) - “Les meules en rhyolite des Fossottes. Mille ans de production des meules en rhyolite du site lorrain des Fossottes à La Salle (Vosges), 6e siècle av. J.-C. - 4e siècle ap. J.-C” in Mémoire des Vosges Hors Série 4, Société Philomatique Vosgienne, 54 pages.

[5] Site de la Fédération des Moulins de France:

[6] Triboulot B. et Lagadec J.-P. (2006) - La carrière d’extraction de meules en rhyolite de La Salle, “Les Fossottes”, Vosges. Bulletin de l’Association française pour l’étude de l’âge du fer, AFEAF, 24, pp.63-66.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Dernière modification : 22/04/2024

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