Lave d'Essey-la-Côte : 3. Description
L'ensemble du volcan peut être embrassé depuis les villages de St Boingt, Essey-la-Côte, Vennezey et depuis les routes de Damas-aux-Bois à Haillainville, de Rehaincourt à Haillainville, de Haillainville à Essey-la-Côte, de Vennezey à St Boingt, de St Boingt à Damas-aux-Bois (fig.1a, 2, 3 et 4)...
Fig. 2: Vue du volcan depuis St Boingt (88)
Fig. 3: Vue du volcan depuis Haillainville (54)
Fig. 4: Vue du volcan depuis la D12 entre Damas et Moriville
Du sommet, un panorama à 360° est offert sur toute la région que l'on domine de 100 m en moyenne (fig.5).
Fig. 5: Panorama SE depuis le sommet du volcan
Le sommet du volcan est marqué par un point côté (421 m) repère IGN en béton.
Fig. 6: Anciennes excavations au sommet du volcan
On trouve de nombreux échantillons en "pierres volantes" sur le site, le "basalte" ayant servi a empierrer les chemins qui mènent au sommet du volcan. Des affleurements de roche "en place" peuvent être échantillonnés dans des vestiges de carrières au milieu de la pâture qui couvre le sommet de l'ancien volcan (fig.6, 7 et 8). (Penser à bien refermer les clôtures !).
Fig. 7: Affleurement dans une ancienne excavation au sommet du volcan
Fig. 8: Echantillons de basalte dans le talus d'une excavation
On échantillonne alors une roche "basaltique" microlitique noire, peu altérée, qui contient des phénocristaux bien visibles à l'oeil nu (fig.8).
L'étude de lames minces au microscope polarisant (fig.9a et b) montre la présence de grands cristaux d'olivine magnésienne (entre 1 et 2 mm) automorphes, parfois corrodés, souvent craquelés (Fo 87-84 soit 84 à 87% de molécule forstérite Mg2SiO4)(1), associés à des cristaux plus petits (< 0,5 mm) de clinopyroxène, d'olivine et de mélilite (un feldspathoïde) bleutée et zonée, englobés dans une mésostase vitreuse à microlites de néphéline riche en K2O (autre feldspathoïde), olivine, clinopyroxène, magnétite, mélilite et rares petits cristaux de biotite et perovskite.
Les analyses chimiques (fig.10) révèlent qu'il s'agit d'une roche très sous saturée en silice (<40% SiO2), ultrabasique, alcaline et sodique de la famille des néphélinites. Elle se range plus précisément dans la famille des néphélinites à mélilite (1).
Fig. 9a: Echantillon de néphélinite LM0455 observée en LPNA © Terrae Genesis
Fig. 9b: Echantillon de néphélinite LM0455 observée en LPA © Terrae Genesis
Fig. 10: Analyse chimique et composition normative (norme CIPW) pour la népéhélinite d'Essey (1)
Cette analyse rapproche la néphélinite d'Essey de certaines laves du Nyiragongo (Zaïre), de celles de la presqu'île du Cap Vert (Région de Dakar au Sénégal) ou de certains basaltes d’Hawaï.
Le magma à l'origine de cette roche a été produit suite à un très faible taux de fusion partielle (0.5 à 5%) d’une lherzolite à grenats.
Les datations absolues par la méthode potassium/argon (K/Ar) donnent pour le volcanisme d'Essey-la-Côte un âge de 27,6 ± 1,8 millions d'années (Oligocène supérieur)(2).
Cette roche sert de standard géochimique (basalte BR) au Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG) de Nancy (3). Ce standard est un étalon utilisé lors du contrôle et du calcul des analyses chimiques.
D'autres petits filons (< 1m) de néphélinites à mélilite apparentées à celle d'Essey-la-Côte sont connus dans le massif vosgien, au Grand Valtin (88) (carte géologique BRGM n° 341 Feuille de Gérardmer) et au Frauenkopf près des Trois Epis (68) (carte géologique BRGM n° 342 Feuille de Colmar-Artolsheim).
Enfin d'autres pointements, cheminées ou venues magmatiques basiques et plus ou moins alcalines liées à l'activité tertiaire du fossé rhénan peuvent être observés et échantillonnés. Parmi les plus remarquables, on peut citer :
- l'affleurement de basalte à olivine et augite (daté à -44 Ma, Miocène) de Gundershoffen-Reichshoffen (67) (carte géologique BRGM n° 198 Feuille de Haguenau)
- le pointement d'ankaratrite (roche noire sans feldspaths mais à feldspathoïdes, augite, olivine, rare mélilite et chromite) de l'Oberberg près de Riquewihr (68) (carte géologique BRGM n° 342 Feuille de Colmar Artolsheim).
A noter l'existence (à proximité en Meurthe-et-Moselle) du "volcan" de Thélod qui est plus ancien puisque daté du Crétacé supérieur (entre 74 et 67 Ma - Campanien - Maastrichtien) et ses laves apparentées à des "basaltes" sous-saturés à tendance carbonatitique, à minéralogie très originale (mica phlogopite, olivine fantôme?, amphibole fantôme?, pyroxène diopside, plusieurs minéraux titanifères, apatite, calcite et baryte) (carte géologique BRGM n°267 Feuille de Vézelise).
Il faut bien entendu aussi rappeler l'importance du massif volcanique alcalin du Kaiserstuhl (-16 à -18 Ma) situé en Allemagne, juste de l'autre côté de la frontière, à une trentaine de km au sud-est de Colmar. On y observe un cortège de laves sous saturées variées (limburgites, phonolites, téphrites, ...) et des carbonatites.
---------------
Je tiens à remercier Aude Hummel pour l'accès à la documentation bibliographique et le Centre "Terrae Genesis" pour ses toujours excellentes lames minces.
---------------
Bibliographie:
(1) VELDE D. et THIEBAUT J. (1973) - Quelques précisions sur la composition minéralogique de la néphélinite à olivine et mélilite d'Essey-la-Côte (Meurthe-et-Moselle), Bulletin de la Société Française de Minéralogie et de Cristallographie, 96, pp. 298-302.
(2) LIPPOLT H.J., HORN P. et TODT W. (1976) - Kalium-Argon-Alter von Minerallien und Einschlüssen der Basalt-Vorkommen Katzenbuckel und Rossberg, N. Jb. Miner. Abh. 127 (3), pp. 242-260.
(3) GOVINDARAJU K., De La ROCHE H. (1977) - Rapport (1966-1976) sur les éléments en traces dans trois roches standards géochimiques du CRPG ; Basalte BR et granites GA et GH ; Geostandards Newsletter, vol.1, n° 1, pp. 67-100.