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Coupe le long de la Moselle canalisée : 3. Description

Le parcours le long de la Moselle permet de suivre les différentes formations se trouvant à la transition du plateau de Haye formant le sommet de la Côte de Moselle à l'est, d'une part et la plaine de la Woëvre s'étendant vers l'ouest, d'autre part. La nature des roches observées (calcaire ou marnes) est l'occasion de mettre en évidence la relation entre les caractéristiques des roches du sous-sol (roches dures - roches tendres par exemple) et la forme du relief (côte / falaise et plaine).

Le site A longe une barre rocheuse de nature calcaire formant une falaise assez abrupte le plus souvent recouverte de végétation. Les affleurements sont donc discontinus.
Les sites B et C sont situés dans une zone où le relief est plat (champs et prairies) et correspondent au passage des calcaires bajociens aux formations marneuses bathoniennes qui constituent le sous-sol de la plaine cultivée.
La figure 2 indique les unités lithostratigraphiques auxquelles appartiennent ces roches d'âge Jurassique moyen (Dogger).


Figure 2: Position stratigraphique des terrains étudiés (doc. BRGM modifié)

Des formations superficielles composées de matériaux hétérogènes (galets et graviers de quartzites, marnes et argiles grises fossilifères) recouvrent en discordance les séries du Jurassique au pied des affleurements. Ces formations propices à l'installation de zones humides marécageuses, correspondent en fait à des remblais d'origine anthropique qui ont servi à combler l'ancien canal de la Marne au Rhin qui longeait autrefois la Moselle à cet endroit (fig.3). La piste cyclable actuelle reprend le tracé et l'emplacement du chemin de halage qui était attenant au canal (fig.4).



Fig.3: Photographie du secteur étudié à la fin des travaux de canalisation de la Moselle en 1976
(cliché © L. Schmidt
in J. Fournier, 2006)



Fig.4: La Moselle canalisée et la piste cyclable (= ancien canal de la Marne au Rhin remblayé)
vue prise du pont-viaduc en 2010


Site A : de Villey-Saint-Etienne au viaduc routier de la Moselle à Fontenoy

En partant de Villey-St.-Etienne, les premiers affleurements de roches apparaissent en arrière de la route passant derrière l'ancienne Maison des Mariniers (fig.5a et b). Il s'agit de calcaires à pseudo-oolites (= oncolites à nubéculaires) dont on peut récolter quelques échantillons dans les éboulis au pied d'une falaise haute d'une dizaine de mètres. L'accessibilité au site n'est pas aisée du fait d'un sol à surface irrégulière jonchée de blocs, au milieu d'une végétation dense, et aussi en raison du risque de chute de pierres. Une vigilance particulière est donc de mise.
Ces roches appartiennent à la formation de l'Oolithe à Clypeus ploti du Bajocien supérieur dont la description est reprise dans une autre fiche, "Le synclinal d'Aingeray". Cette formation affleure ensuite sporadiquement jusqu'à mi-parcours en direction de Fontenoy.


Fig.5a: L'ancienne Maison des Mariniers à Villey-St.-Etienne


Fig.5b: La Maison des Mariniers et le canal dans les années 1920 (carte postale ancienne)

A partir de la Maison des Mariniers, on emprunte la piste cyclable en direction du sud vers le pont viaduc de Fontenoy. Tout le long de la piste, on retrouve le même matériau argileux gris fossilifère (rhynchonelles, huîtres, ammonites) parfois mêlés à des galets quartzitiques qui constituent le remblai de l'ancien canal. Ces matériaux ont été acheminés depuis le site d'une usine de fabrique de papier (Kimberly Clark), toute proche (fig.1), lors de sa construction en 1991.

A hauteur du bord concave du méandre de la Moselle, 500 mètres en aval du pont, apparaissent les premiers affleurements de calcaire oolitique blanc surmontant les derniers bancs ocre de l'Oolithe à Clypeus ploti. Le contact entre les deux formations ne semble toutefois pas visible sur ce site. Ce calcaire oolitique blanc, peu fossilifère, appartient à la formation de l'Oolithe Miliaire Supérieure datée du Bajocien supérieur. Les affleurements se succèdent jusqu'à l'extrémité de la piste cyclable (barrière rouge-et-blanc) en amont du pont qui enjambe la Moselle près de Fontenoy. A cet emplacement, le sommet de l'Oolithe Miliaire Supérieure est marqué par la transition entre le calcaire oolitique et d'autres bancs de faciès différents : calcaire micritique très dur à bioclastes recristallisés (débris de coraux) reposant sur l'Oolithe Miliaire puis bancs de calcaire marneux grumeleux, à stratification irrégulière (fig.6).




Fig.6: Le sommet de l'Oolithe Miliaire Supérieure (Bajocien terminal)
marqué par un changement de faciès et coupe interprétative


Le changement de faciès n'est toutefois pas souligné par une surface de discontinuité. Un joint marneux assurant la transition entre les bancs. Les calcaires grumeleux contiennent une riche faune de brachiopodes à leur base (térébratules plates) qui deviennent plus rares en progressant vers le sommet. La roche contient également des bioclastes (entroques par ex.) et des oolites ferrugineuses éparses.

Cette variation de faciès affectant l'Oolithe Miliaire Supérieure correspond à un faciès particulier, les "Polypiers de Husson", se développant localement dans un secteur à l'est de Toul et affleurant le long d'une bande nord-sud qui s'étend de Villey-St.-Etienne à Gondreville. Les derniers bancs du faciès des Polypiers de Husson ne sont pas visibles sur cet affleurement; ce sont eux qui habituellement renferment les débris de polypiers (cf. site B), à l'origine du nom de cette "formation".

Après avoir passé le pont de la Moselle, une lacune d'affleurement empêche d'observer le passage entre les formations du Bajocien et celles du Bathonien.

Site B : du viaduc routier de la Moselle à l'écluse de Fontenoy

La piste cyclable se poursuit vers l'ouest en direction de Gondreville en passant par l'écluse de Fontenoy. Une zone de parking marque la transition entre les deux sites A et B.
En contre-bas d'un bâtiment de traitement des eaux, un fossé, profond de deux mètres environ, permet de suivre sur quelques centaines mètres, les formations qui font suite à l'Oolithe Miliaire Supérieure.

Les eaux du fossé se déversent dans la Moselle par un collecteur en béton situé à hauteur de la barrière d'accès à la piste cyclable. De là on peut retrouver l'Oolithe Miliaire Supérieure affleurant de part et d'autre des talus du fossé. Cette formation est observable plus ou moins en continu sur une cinquantaine de mètres. Ensuite, des marnes grises à huîtres remplacent le calcaire blanc oolitique. Des deux côtés du fossé, le contact entre les deux formations semble brutal et met en évidence une discontinuité stratigraphique. Ces marnes grises sont bioturbées et présentent à leur base un mince niveau à oolites ferrugineuses. Bien qu'assez rares, des brachiopodes rhynchonellidés sont présents dans ces niveaux (fig.7 et 8).


Fig.7: Les marnes grises à rhynchonelles à l'affleurement


Fig.8: Rhynchonelles des marnes grises

En remontant le fossé vers l'ouest, en direction de l'écluse et de la voie ferrée, les talus montrent sporadiquement des affleurements de marnes grises (fig.7). Celles-ci s'enrichissent de plus en plus en rhynchonelles qui deviennent le fossile dominant dans les niveaux supérieurs de la formation dont l'épaisseur totale à l'affleurement avoisinerait les 4 mètres. Des fragments d'ammonites de grande dimension sont également présents. Les spécimens récoltés sont des Perisphinctidae à rapprocher du genre Procerites (fig.9) qui indique un âge Bathonien inférieur. Cette formation de marnes grises pourrait donc correspondre aux Marnes à Rhynchonelles inférieures d'âge équivalent.


Fig.9: Ammonite du genre Procerites récoltée sur le site B

Une centaine de mètres avant la voie ferrée, les marnes grises laissent place à un banc calcaire de couleur ocre (épaisseur 30 cm). Le passage soudain d'un type de roche à l'autre laisse supposer une nouvelle discontinuité stratigraphique. Le sommet du banc calcaire est souligné par la présence d'une surface durcie ferruginisée que l'on peut également observer dans le pré qui borde le fossé au nord (fig.10). Le banc à surface durcie contient des reliques de branches de coraux dissoutes et ferruginisées. Ces structures sont caractéristiques des bancs terminaux du faciès des Polypiers de Husson que l'on rencontre au sommet de l'Oolithe Miliaire Supérieure dans la région de Toul. Ces bancs marquent la fin du Bajocien supérieur. Au-dessus, des calcaires marneux à oncoïdes jaunes ou gris, bioturbés, fossilifères et livrant le petit corail solitaire Chomatoseris en forme de bouton font leur apparition (fig.11). Ce dernier permet d'identifier la Caillasse à Anabacia, correspondant aux premiers niveaux du Bathonien inférieur. Cette formation affleure jusqu'aux remblais que surmonte la voie ferrée, en aval de l'écluse.


Fig.10: Le sommet des Polypiers de Husson (surface ferruginisée et reliques de branches de polypiers dissoutes)


Fig.11: Le polypier solitaire du genre Chomatoseris (Caillasse à Anabacia)

Actuellement, la qualité de l'affleurement ne permet pas d'expliquer clairement la position des Marnes à rhynchonelles inférieures du Bathonien, "coincées" entre deux formations du Bajocien.
Deux hypothèses peuvent s'envisager :
1°. Les marnes grises à rhynchonelles constituent un matériau de remblais d'origine anthropique, comme c'est le cas en aval du pont viaduc où elles ont servi à combler l'ancien canal de la Marne au Rhin.
2°. La position des marnes à rhynchonelles s'explique par la présence de deux failles, délimitant un compartiment affaissé occupé par cette formation. De part et d'autre, se situeraient les compartiments surélevés:
- à l'ouest, un compartiment occupé par les derniers niveaux du Bajocien supérieur (Polypiers de Husson) et par les premiers niveaux du Bathonien inférieur (Caillasse à Anabacia) ;
- à l'est, l'Oolithe Miliaire Supérieure viendrait au contact des Marnes à Rhynchonelles.

A noter également, que la végétation varie suivant la nature du sous-sol : les roselières s'installent là où se trouvent les marnes grises alors que des pelouses occupent les terrains calcaires.

D'autre part, des traces de dents caractéristiques laissées sur des arbres taillés et abattus le long du fossé indiquent la présence du castor sur ce site.

Site C : le long de la route D191 de Toul à Villey-Saint-Etienne

Ce troisième site permet d'observer le Bathonien inférieur le long des fossés qui bordent la route départementale D191 à partir du rond point du viaduc en direction de Villey-St.-Etienne.
Les premiers affleurements montrent des marnes grises gorgées d'eau, colonisées par des roseaux. Ces marnes contiennent des rhynchonelles semblables à celles trouvées dans les mêmes roches sur le site B. On suit ces marnes grises sur une épaisseur de 3 mètres environ. Au-dessus, des marnes de couleur ocre puis des calcaires beiges forment un ensemble épais de 2 à 3 mètres (fig.12). Ces niveaux sont à rattacher au Bathonien inférieur et constituent vraisemblablement le sommet des Marnes à Rhynchonelles inférieures (marnes grises à rhynchonelles) et la base de la Caillasse à Rhynchonelles (marno-calcaires ocres). Cette dernière formation livre de nombreux fossiles (bivalves, brachiopodes, etc.) dans les champs labourés alentours.
Des affleurements de marnes du Bathonien se succèdent, de manière discontinue, le long des talus de la D191, jusqu'à hauteur du refuge du Mordant, en direction de Toul (fig.1).


Fig.12: Affleurement de la Caillasse à Rhynchonelles le long du talus sud de la D191

Bibliographie

FOURNIER J. (2006) - Les travaux de canalisation de la Moselle vers de nouvelles perspectives d'avenir. Etudes touloises, art.1, n°117.

MANGOLD C., POIROT E., LATHUILIÈRE B. ET LE ROUX J. (1994) - Biochronologie du Bajocien supérieur et du Bathonien de Lorraine (France). Géobios, M.S.17, p.343-349.

GARDET G. (1927) - Position stratigraphique du Calcaire à Polypiers de Villey-Saint-Etienne (Meurthe-et-Moselle). Bull. Soc. géol. France, (4), t.27, p. 437.

GARDET G. (1929) - Le Bajocien supérieur et le Bathonien de Villey-St.-Etienne (M. et M.). Bull. Soc. géol. France, (4), t.29, p.153-166.
 

Auteur : Didier ZANY - Date de création : 14/07/2010

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