Fontaine karstique du bois de Trampot : 3. Description
Le plateau calcaire boisé oxfordien (fig.2) qui domine les côtes de Meuse est le siège d'un karst de surface.
Fig. 2 : Place du karst dans la colonne stratigraphique (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).
Ce karst de bas plateau montre des structures anciennes et d'autres plus récentes dont des gouffres béants (fig.3).
Fig. 3 : Entrée du Gouffre "de la Pelle" (localisation voir fig.1).
L'activité passée est attestée par la présence d'un réseau fossile (fig. 4) situé en moyenne 20 m sous la surface du plateau : le réseau Hadès (6)(7)(8). Cette grotte découverte à la fin des années 70 a plus de 1300 m de développement ; elle a été creusée par une rivière active qui a dissous les calcaires oolithiques de l'Oxfordien Supérieur alors que la couverture carbonatée crétacée était encore présente.
Fig. 4 : Topographie du Réseau Hadès (G.S. Hadès 1994)(7)
Cette rivière souterraine se déversait alors probablement dans la rivière l'Ognon. Ce réseau fossile montre les vestiges de cette activité érosive passée et des structures concrétionnées postérieures dont certaines ont été datées et attestent de son inactivité depuis au moins 50000 ans (2).
Des travaux de coloration ont aussi montré que les eaux drainées par ce réseau s'écoulent maintenant, non plus dans l'Ognon, non pas comme on pourrait le penser vers la reculée du Cul du Cerf et la vallée de la Manoise toutes proches, mais toujours vers le nord-ouest où elles ressortent 36 heures plus tard dans la vallée du Rongeant (affluent de la Marne) après 12 km de trajet souterrain inconnu (fig. 5). Les vitesses d'écoulement importantes voisines de 300 m/heure montrent l'importance de ce drain karstique. Ces eaux ressortent donc au dessus des niveaux marneux du Séquanien (Calcaire à Astartes) alors qu'elles se perdent dans les Calcaires coralliens de l'Oxfordien moyen sous-jacents. Ce trajet mis en évidence par coloration montre la complexité des circulations souterraines qui doivent également franchir le fossé d'effondrement de Gondrecourt qui leur est sécant. (1).
Fig. 5 : Drainage des eaux souterraines à partir du réseau Hadès (d'après Jaillet et Paillet 2005)
De nombreux phénomènes actifs actuels remarquables sont observables dans les calcaires oxfordiens plus ou moins marneux du bois de Trampot . On y observe de très nombreuses dolines, des gouffres et des structures décrites comme des "fontaines" (3)(4)(5) (fig.6, fig.7)
Fig. 6 : Fontaine F4 (doline émergence + doline perte) (localisation voir carte fig.1)
Ces "fontaines" sont des successions de dolines, dont l'une superficielle et récente sert de "source" à l'autre plus profonde et plus ancienne qui fait office de "perte" (fig.8).
Fig. 7 : Fontaine F1 (doline émergence + doline perte) (localisation voir carte fig.1)
Fig. 8 : Fontaine F1 et sa doline perte.
Un gouffre s'ouvre souvent au fond de cette dernière (fig.9).
Fig. 9 : Fontaine F1 et son gouffre ouvert au fond de sa doline perte
Le gouffre double de la "fontaine F1", dont un des puits est borgne et qui atteint - 40m est le plus profond gouffre connu dans le département des Vosges. Se montrer particulièrement prudent.
Un merci particulier à Jean-Jacques Gaffiot du CDS 88 (Comité Départemental de Spéléologie des Vosges) pour les précisions apportées sur le karst du bois de Trampot :
Des photographies et explications sur les travaux effectués dans le bois de Trampot sont accessibles sur le site de l'ESV:
Quelques références bibliographiques
(1) - Grandes vallées lorraines et karstification
Livret-guide des excursions 15, 16 et 17 septembre 2005.
Stéphane Jaillet et André Paillet, Laboratoire EDYTEM, Université de Savoie.
Document téléchargeable en format pdf sur http://edytem.univ-savoie.fr/d/afk2005.html
http://edytem.univ-savoie.fr/d/afk2005/Livret-guide-AFK2005-.pdf
(2) - Stéphane Jaillet, Benoît Losson, Jacques Brulhet, Jeannine Corbonnois, Bruno Hamelin, Edwige Pons-Branchu et Yves Quinif, « Apport des datations U/Th de spéléothèmes à la connaissance de l’incision du réseau hydrographique de l’Est du Bassin parisien », Revue Géographique de l'Est, vol. 42 / 4, 2002.
(3) - Denys Emilyne, Le karst de contact lithostratigraphique du plateau du Haut-Pays : exemple dans la forêt de Trampot (Vosges). Mém. maîtrise géographie, Univ. Nancy II, 2005.
(4) - Denys-Thomas Emilyne, Ressources en eau, écoulement de surface et souterrain sur le revers de la côte de Meuse : exemple de la région de Grand (plateau du Haut-Pays), Mémoire de Master2 recherche géographie, Univ. Nancy II, 2006.
(5) - Denys-Thomas Emilyne et Harmand Dominique, Le karst de contact lithostratigrahique et les ressources en eau du plateau du Haut Pays, Bulletin de la Société de Sciences Naturelles et d'Archéologie de la Haute Marne, no7, 2008, pp.18-26.
(6) - Jean-Jacques GAFFIOT, Le réseau Hadès à Trampot (88) LISPEL – Info - La feuille de liaison des spéléos lorrains, n°3-2010, pp.3-6.
(7) - G.S.Hadès, « Rétrospective d’une découverte », Hadès, les cahiers spéléologiques de Lorraine n°8, C.L.R.S., 1994, pp.63-67.
(8) - Hadès, Les cahiers spéléologiques de Lorraine, n°8, C.L.R.S., 1994, pp.66-67.