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Marnes à Exogyres : 3. Description

Description de l'affleurement

L'affleurement se situe à l'emplacement d'un talus en bord de route (fig.2) et présente, sur une épaisseur de trois à quatre mètres, une série homogène de marnes argileuses grises, très tendres par endroit. Seul un banc marno-calcaire plus induré (30 cm d'épaisseur env.), situé au bas de la coupe, interrompt la monotonie de l'ensemble.
 

Fig.2: L'affleurement de Marnes à Exogyres sur le talus de la D156

Les marnes sont très fossilifères et s'apparentent à une lumachelle (fig.3). Les fossiles sont presque exclusivement des coquilles de la petite huître Nanogyra virgula (fig.4). Cette espèce fut longtemps rattachée au genre Exogyra, qui a donné son nom à la formation, avant que celui-ci ne tombe en désuétude.
 
Fig.3: Détail de l'affleurement - A, Marnes et nodules marno-calcaires; B, Lumachelle à Nanogyra
 

Fig.4: L'huître Nanogyra virgula

La forme des coquilles est à l'origine de noms vernaculaires évocateurs, tels que "oreilles de souris", "ergots de mouton", attribués localement à ces fossiles. La coquille est inéquivalve : la valve gauche qui est creuse se distingue nettement de la valve droite qui est plate (fig.4).

Le banc induré de la base contient une faune un peu différente puisque l'on peut y récolter quelques brachiopodes (térébratules du genre Xestosina - fig.5) et des moules internes de bivalves du genre Myophorella (fig.6) appartenant au groupe des trigonies ou d'autres, de forme allongée, du genre Gervillella (fig.7).

Des fragments de carapaces ou de pinces de Crustacés décapodes sont également signalés dans cette formation (Carpentier et al. 2006).
 
Fig.5 (à gauche): Térébratule du genre Xestosina.  Fig.6 (à droite): Moule interne des deux valves de Myophorella
 
Fig.7: Moule interne de valve droite de Gervillella
 
L'analyse de la microfaune dans des niveaux équivalents sur le site de Bure (55) a révélé la présence de foraminifères benthiques : Nodosariidés et formes enroulées ubiquistes du genre Lenticulina (Lathuilière et al. 2003).

Les ammonites, récoltées sur d'autres sites, ont permis de dater cette formation du Kimméridgien supérieur (Jurassique supérieur - fig.8).
La présence de la térébratule du genre Xestosina suggère que la coupe se situerait à la base des Marnes à Exogyres Supérieures (Lathuilière et al. 2006).

Les Marnes à Exogyres comprennent trois ensembles (inférieur, moyen et supérieur) entrecoupés de formations de Calcaires blancs qui se succèdent tout au long du Kimméridgien. Les Marnes à Exogyres Supérieures, épaisses d'une trentaine de mètres, constituent l'élément le plus récent de ces trois ensembles.
 
Fig.8: Position stratigraphique de la coupe étudiée
 
Interprétation et contexte paléogéographique

Au Kimméridgien, la formation des Marnes à Exogyres se déroule dans un environnement marin de vasière protégée, installé sur un fond aplani, hérité de la plate-forme carbonatée et de la disparition des barrières récifales de l'Oxfordien.
Dans cet environnement peu profond (quelques dizaines de mètres) de la zone subtidale, qui s'étendait sur un vaste domaine couvrant tout le Bassin Parisien, les effets des courants de marées et de la houle venant du large étaient peu ressentis. Des eaux relativement bien oxygénées et riches en nutriments ont permis le développement, sur ce fond vaseux, d'une faune benthique le plus souvent dominée par les huîtres du genre Nanogyra. Le bon état de conservation, sans usure, des coquilles (les deux valves sont parfois retrouvées en connexion) traduit un faible transport post-mortem. Les accumulations formant les lumachelles sont interprétées comme résultant d'épisodes sporadiques de tempêtes interrompant le déroulement de cette vie en eaux calmes (Pautrot et al. 2006).

D'autre part, les résultats d'une étude sédimentologique et paléontologique récente (Lathuilière et al. 2003) des formations équivalentes sur le site Bure (ANDRA), ont permis de préciser le contexte paléoenvironnemental des dépôts du Kimméridgien dans l'est du Bassin Parisien. Ces résultats suggèrent notamment que les changements lithologiques (transitions calcaires - marnes) enregistrés durant le Kimméridgien sont à mettre en relation avec des variations eustatiques mais aussi avec des changements climatiques.
Par exemple, les analyses isotopiques de l'oxygène (delta18O) effectuées sur les coquilles de Nanogyra indiquent une baisse significative de la température des eaux, accompagnant une transgression marine, au passage des Calcaires Blancs Supérieurs (Kimméridgien inf.) aux Marnes à Exogyres Supérieures (Kimméridgien sup.).


Bibliographie

LATHUILIÈRE B., GAUTHIER-LAFAYE F. BOULLIER A., CARPENTIER C., ELIE M., GAILLARD C., GROSHENY D., HANTZPERGUE P., HUAULT V., MALARTRE F., NORI L., RUCK-MOSSER R., WERNER W. (2003) - Paléoenvironnements du Kimméridgien de Bure. Colloque FORPRO La Grande Motte, 4p.

LATHUILIERE B., BOULLIER A., CARPENTIER C., HUAULT V. (2006) - Les brachiopodes oxfordiens et kimméridgiens du site de Bure. 7ème Colloque du GdR FORPRO. La Grande Motte 2-4 mai 2006, p.186.

CARPENTIER C., BRETON G., HUAULT V., LATHUILIERE B. (2006) - Crustacés Décapodes du Kimméridgien de Bure (Meuse, France). Geobios, 39, p. 617-629.

PAUTROT C, LE ROUX J. et BUFFETAUT E. (2006) - La plate-forme carbonatée du Jurassique moyen in A. LEXA-CHOMARD et C. PAUTROT "Géologie et géographie de la Lorraine". Serpenoise éd., p.112-117.

 


Auteur : Didier ZANY - Date de création : 11/03/2011

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