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Reculée du Cul Du Cerf : 3. Description

Panorama et hydrogéologie

Le site du Cul Du Cerf à Orquevaux (52) s'apparente aux célèbres reculées jurassiennes (Baume-les-Messieurs, Les-Planches-près-Arbois,...).

Il offre un superbe point de vue depuis sa lèvre sommitale (fig.1 et 6).

La plus grande prudence est requise car le bord du cirque est mal sécurisé.
(Une personne connaissant pourtant bien le site y a fait une chute mortelle en janvier 2018)

Fig.1 : Vue panoramique depuis la route D148

Il balafre le plateau calcaire boisé constituant le revers des côtes de Meuse dont l'altitude moyenne est voisine de 400m (1)(2).

Une grande partie de la série carbonatée d'âge Oxfordien Moyen (= Argovo-Rauracien des anciens auteurs) est ainsi mise à l'affleurement.

Cette série est observable en coupe lorsque l'on descend le petit sentier, une petite ravine abrupte, situé sur la droite du site. Lors de la descente, on observera des calcaires fossilifères (différents coraux, Brachiopodes, Echinodermes, Bivalves, Gastéropodes,...). Ils montrent des faciès variés : oolithiques, crayeux à radioles de Cidaridés et surtout une grande variété de faciès récifaux (fig.2 et 3).

Fig.2 : Bloc de calcaire corallien avec empreinte de surfaces calicinales de polypiers

Fig.3 : Position stratigraphique des terrains du Cul du Cerf (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM modifié = Correspondance avec le log de référence).

Au fond du cirque, au pied du cône d'éboulis, un réseau souterrain inondé descend 15 m plus bas, jusqu'à la base de la série carbonatée, jusqu'aux argiles du Callovien.

Aujourd'hui inaccessible car en partie effondré et encombré de blocs, ce réseau ouvert dans les calcaires à polypiers, a été exploré sur plus de 170 m par les spéléologues lors de différentes désobstructions et plongées (fig.4).

Fig.4 : Coupe du réseau karstique de la Manoise souterraine © ASHM 1957 pour la topo de la grotte flanc-nord et LM-CLRS-SCD 1988 pour la topo du réseau de base.

La direction du réseau est la même que celle de la vallée, N40°E, montrant s'il est nécessaire, l'origine karstique de la reculée qui progresse de manière régressive par creusement et effondrement successifs des salles du réseau souterrain.

Fig.5 : Exsurgence de la Manoise (ici à l'étiage) au fond du cône de la reculée

L'exsurgence du fond du cirque (fig.5) est une des sources de la Manoise, affluent du Rognon, lui même affluent de la Marne. En période de crues (voir par exemple: https://www.youtube.com/watch?v=n7breR40x-I), le réseau souterrain de la Manoise se met en charge et d'importants volumes d'eau sont expulsés par l'exutoire situé au pied du cône de la reculée.

Des exsurgences secondaires sont observables en aval du cirque le long des berges de la rivière.

Fig.6 : Dénivelé topographique

Ce cirque en forme d'amphithéâtre a des dimensions importantes : 200 mètres de large pour 70 mètres de profondeur, avec des pentes avoisinant les 45° (fig. 5 et 6). Ces pentes très raides sont le siège d'éboulis mobiles qui empêchent la fixation d'une quelconque végétation.

Cette reculée montre un bel exemple de travail d'érosion régressive active, celle-ci étant facilitée par l'importante altération chimique et mécanique des calcaires récifaux de l'Oxfordien moyen. Le cirque a ainsi reculé de 1,50 m durant les 30 dernières années soit à une vitesse moyenne de 5 cm/an.

 

Formations coralliennes du Jurassique supérieur

La succession des formations oxfordiennes du Cirque du Cul du Cerf a fait l'objet de relevés et d'études récentes (3) (4) (5) (6) qui complètent les données sur le développement de la plate-forme récifale du Jurassique supérieur en Lorraine.

Bien qu'inaccessible avec un groupe d'élèves, la totalité des formations carbonatées de l'Oxfordien moyen est observable en quasi continu sur 70 mètres d'épaisseur, le long des pentes de la reculée. On peut toutefois voir les différents faciès, plus ou moins en place, en empruntant par exemple le sentier (raide) qui descend depuis le belvédère jusqu'au fond du cirque. Il s'agit essentiellement de calcaires blancs à grains fins fossilifères parfois bioconstruits (patchs récifaux coralliens) entrecoupés d'épisodes oncolitiques ou oolitiques (cf. tableau).

 

Nom de la formation et épaisseur

Faciès / Lithologie Fossiles principaux Environnement de dépôt
Calcaire de Dainville (15m) Alternances de calcaires fins et calcaires oolitiques Rares (bioclastes de bivalves et de gastropodes) Lagon puis mégarides tidales (= soumises à l'action des marées)
Calcaires crayeux de Maxey (25m) Calcaires à faciès grossier à intraclastes, péloïdes et fossiles remaniés, puis calcaires fins crayeux à passées onco-oolitiques Coraux remaniés, bivalves divers, échinides réguliers (radioles), gastéropodes, brachiopodes, foraminifères (milioles) Plate-forme soumise au tempêtes (offshore supérieur) puis lagon (plate-forme interne : shoal au-dessus de la limite d'action des vagues de beau temps)
Calcaires coralliens d'Euville et Craie de Sorcy (5m) Bioconstructions récifales et sédiment inter-récifal (calcaires fins crayeux) Coraux, brachiopodes, échinides réguliers (radioles), bivalves divers, gastéropodes divers Plate-forme récifale soumise aux tempêtes (offshore supérieur)
Calcarénite d'Haudainville (5m) Calcaires oolitiques, oncolitiques et bioclastiques Coraux coloniaux, gastéropodes (nérinées), bivalves (pectinidés), échinides réguliers (radioles) Plate-forme interne, milieu régulièrement agité (shoal : au-dessus de la limite d'action des vagues de beau temps)
Calcaires coralliens
(10m ?)
Calcaires fins à coraux Coraux lamellaires et branchus, spicules d'éponges, bivalves (pectinidés) Plate-forme récifale soumise aux tempêtes (offshore supérieur)
Oncolithe de Foug (2m) Calcaire à oolites et oncolites Coraux coloniaux isolés, bivalves (pecténidés), gastéropodes (nérinées) Plate-forme interne, milieu régulièrement agité (shoal : au-dessus de la limite d'action des vagues de beau temps)
Calcaire à Coraux de Foug (8 m) Calcaires marneux à petites bioconstructions coralliennes Coraux coloniaux, spongiaires, bivalves (ostréidés, pectinidés, ...), échinodermes (crinoïdes et échinides), gastéropodes, brachiopodes Plate-forme récifale (offshore inférieur puis supérieur: entre limite d'action des vagues de tempête et d'action des vagues de beau temps)
Tableau : Formations carbonatées de l'Oxfordien moyen du Cul du Cerf (6)
(du bas vers le haut : de la formation la plus ancienne à la plus récente)

Les éboulis de pente ou ceux déposés au fond du cours d'eau (fig.7) depuis l'exsurgence constituent un bon compromis pour effectuer une récolte d'échantillons illustrant la diversité des faciès et de la faune récifale (fig. 8 à 11) : coraux scléractiniaires coloniaux (lamellaires, en boule ou branchus), radioles d'oursins réguliers (cidaridés), bivalves, gastéropodes (nérinées notamment), brachiopodes (térébratules).

Fig.7 : Eboulis accumulés sur le fond de la Manoise en aval de l'exsurgence

Quelques exemples de fossiles récoltés dans les éboulis:

Fig.8 : Les calices circulaires de la forme branchue du genre Stylosmilia (Corail)

Fig.9 : Les surfaces calicinales du genre Thamnasteria (Corail), caractérisées par l'absence de muraille et la contiguïté des cloisons entre calices voisins.

Fig.10 : Des fragments de radioles de Cidaridés (oursins réguliers)

Fig.11 : Un gastéropode commensal des constructions coralliennes, le genre Nerinea

Ces dépôts marquent la mise en place, durant l'Oxfordien, des barrières récifales de plate-forme sur le pourtour oriental du Bassin Parisien. Le développement des constructions coralliennes traduit la présence d'eaux limpides, à la salinité stable, oligotrophes, bien oxygénées et chaudes. Les analyses isotopiques (∂18O) effectuées sur des coquilles d'ostréidés ou de brachiopodes suggèrent des paléotempératures de l'eau de mer comprises entre 22°C et 30°C pendant l'Oxfordien moyen (4). Cette température clémente résulterait de l'influence de courants marins chauds remontant du sud en provenance de l'océan Téthys occidental (situé à l'emplacement de la Méditerranée actuelle).

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La reculée du Cul du Cerf est un site Natura 2000 remarquable en particulier par sa flore : Sabot de Vénus (Cypripedium calceolus) (fig.12), Céphalanthère rouge (Cephalanthera rubra)...

Fig.12 : Sabot de Vénus (P. Martin mai 2011)

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Bibliographie

(1) - Grandes vallées lorraines et karstification (2005) - Journées scientifiques de l‛Association Française de Karstologie - Livret-guide des excusions 15, 16 et 17 septembre 2005 - Composition et réalisation Stéphane Jaillet et André Paillet, Laboratoire EDYTEM, Université de Savoie.
Document téléchargeable en format pdf sur http://edytem.univ-savoie.fr/d/afk2005.html
http://edytem.univ-savoie.fr/d/afk2005/Livret-guide-AFK2005-.pdf

(2) - Porte P. (1997) - Le Cul-du-Cerf : étude géomorphologique d’une reculée. Mém. maîtrise géographie, Univ. Nancy II, 183p.

(3) Lathuilière B. et al. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine - Livret de terrain - Groupe Français d'Etude du Jurassique, G2R, Conseil régional de Lorraine.

(4) Carpentier C., Martin-Garin B., Lathuilière B. et Ferry S. (2006) - Correlation of reefal Oxfordian episodes and climatic implications in the eastern Paris Basin (France) - Terra Nova vol.18, pp. 191-201.

(5) Carpentier C., Lathuilière B., Ferry S. et Sausse J. (2007) - Sequence stratigraphy and tectonosedimentary history of the Upper Jurassic of the Eastern Paris Basin (Lower and Middle Oxfordian, Northeastern france) - Sedimentary Geology n°197, pp. 235-266.
 
(6) Carpentier C. (2004) - Géométries et environnements de dépôt de l’Oxfordien de l’Est du Bassin de Paris. Minéralogie. Université Henri Poincaré - Nancy I.

Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 05/05/2011 - Dernière modification : 04/07/2022

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