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La Citadelle de Bitche : 3. Description

Dans cette partie seront traitées successivement, la géologie du roc de la citadelle,
la géomorphologie du secteur et enfin l'utilisation du site par les hommes.

1. Géologie du roc de la Citadelle.

Le rocher de la Citadelle offre une coupe d'une partie du Buntsandstein sur près de 25 mètres de hauteur. Toutefois, la paroi rocheuse est souvent masquée par un parement en grès et l'observation directe est limitée par la présence des fossés. A l'intérieur de la forteresse, le plateau aménagé et les souterrains n'offrent que des vues fragmentaires sur les formations rocheuses : ce n'est d'ailleurs pas leur but premier !

Les affleurements du flanc oriental de la Citadelle.

Accès par le sentier qui fait le tour des remparts, à l'extérieur des fossés.
Les affleurements sont décrits à partir d'un trajet qui contourne la forteresse par le nord-est.

Affleurement (1) Vue sur le flanc sud-est de la Citadelle. La paroi gréseuse retaillée est partiellement altérée en surface. Elle permet néanmoins l'observation de deux ensembles superposés du Buntsandtsein. Dans le bas, affleure une partie des Couches de Karlstal constituées d'un grès fin, relativement tendre, à stratification quasi horizontale. Plusieurs unités déposées dans un contexte de vaste plaine inondable sont repérables en 1,2,3,4 ; elles sont séparées par des lignes obliques et sinueuses qui correspondent à des épisodes d'érosion. Un examen attentif permet l'observation de rides d'oscillation, de figures de dessiccation et de traces de bioturbation. Des dépôts éoliens sous forme d'amorces de dunes sont également présents en 3 (S. Bourquin et M. Durand : Excursion AGPT-ASF 2008). Au sommet, une corniche ceinture le pourtour de la butte, elle est formée de bancs gréseux à stratification oblique. Notée ici "zone rocheuse", elle marque la transition complexe - dans ce secteur - du Grès vosgien aux Couches intermédiaires.

La corniche apparaissant au sommet des remparts de la citadelle de Bitche (désignée à l'origine sous le nom de « Conglomérat de Bitche ») fait encore partie du Grès vosgien (M. Durand 2010). Il s'agit de la zone de grès conglomératiques qui est intercalée entre les Couches de Karlstal inférieures et supérieures (Karlstalfelszone). Dans ce secteur les couches de Karlstal supérieures ont donc été érodées (discordance de Hardegsen). Cet ensemble est coiffé par un grès conglomératique renfermant des petits galets de quartz et de quartzite aux formes souvent anguleuses et, par endroits, des éléments de dolomie et de silexites (cornalines) verdâtres ou roses. M. Durand propose  de  qualifier ce  dernier  de  « Conglomérat  de Grosbliederstroff » (d'après la Notice de la Carte géologique de Haguenau). Il constitue la base des Couches intermédiaires.

Le second affleurement à proximité est décrit dans la partie 3 : il permet de voir les effets de l'altération sur les grès.

Les affleurements de la rampe d'accès.

Agrandir la zone A Agrandir la zone B

Le flanc rocheux situé sur le côté gauche de la rampe d'accès à la forteresse permet l'observation du passage du Buntsandtein moyen au Buntsandstein supérieur.

Vue A

Cliché A : les derniers niveaux des Couches inférieures de Karlstal en grès rouge brique à litage horizontal sont surmontés de banc de grès plus grossiers, disposés en faisceaux arqués. Ils correspondent à la bande médiane conglomératique de la Karlstalfelszone.

Vue B

Cliché B : Coiffant cette série, par l'intermédiaire d'une surface de discordance, un lambeau de conglomérat franc sert d'assise au rempart. Il a été désigné sous le nom de Conglomérat de Grosbliederstroff.

La série de Karlstal s'est formée dans un contexte de vaste plaine d'inondation, sous un climat relativement aride. Lors des crues, les eaux s'étalent en abandonnant des lits de sables. La subsistance de vastes flaques  peu profondes crée alors les conditions favorables à l'apparition de rides, à l'installation de formes de vie éphémère et à la fin, de figures de dessiccation à la surface du sédiment. Par ailleurs, la zone balayée par les vents autorise la formation temporaire de dunes.

La série suivante traduit un changement de régime : les bancs de grès à stratification oblique et le conglomérat correspondent à des dépôts caractéristiques de chenaux en tresse.

On trouvera en Annexe 1 d'autres exemples du passage des séries, au nord de Bitche.

2. Le site de la citadelle : aperçu géomorphologique.

Vue panoramique du site occupé par la Citadelle, depuis le "Plateau de Bitche" à l'ouest de la ville. Au premier plan, la forêt recouvre le talus de la cuesta formée par le Buntsandstein. Celle-ci domine une plaine d'où émergent quelques monts, dont celui portant la Citadelle. Il s'agit des buttes-témoins de l'extension initiale du Buntsandtein supérieur dans cette partie du territoire. La plaine est occupée par la ville qui entoure le pied de la butte et à l'arrière-plan par le Camp militaire. A l'horizon, dans la partie gauche, le relief de côte se prolonge vers le nord-est tandis que sur la droite (est), son morcellement par le réseau hydrographique a créé toute une série de monts en cônes et trapèzes. Certains d'entre eux se situent déjà dans le Palatinat.

Remarque. Différents points de vue s'offrent au visiteur, le plus souvent depuis la plaine. Le panorama peut être étudié également depuis le sommet d'un tertre à l'intérieur de la Citadelle. Une table d'orientation existe à cet endroit.

Extrait de carte d'après Géoportail.fr. (Traitement 2 couches : géologie + altitude). Le tracé de la côte est souligné par le liseré bleu sombre figurant le "conglomérat". Il est d'abord orienté sud-nord puis s'incurve vers le nord-est à la hauteur de Bitche. On notera son aspect festonné, occasionné par l'incision de nombreux ruisseaux et la présence de plusieurs reliefs résiduels à l'avant de la côte, vers l'est. Le centre de la dépression plane ( Couches de Karlstal) contraste avec les buttes gréseuses du quart sud-est. Par ailleurs, les divers types de tracés hydrographiques liés à cette morphologie, sont également présents : cours en partie orthoclinal (en bleu clair) de la Horn, cours cataclinal (en vert) du Schwanenbach, cours anaclinal (en jaune) du ruisseau de Schorbach.

Voir aussi le profil topographique du secteur est-mosellan en Annexe II.

3. L'aménagement de la place forte : exploitation d'un site par l'Homme.

L'objet de ce paragraphe n'est pas de retracer l'histoire de l'aménagement du site, mais simplement d'évoquer l'utilisation des atouts naturels offerts par la géologie du site ainsi que les inconvénients ou problèmes existants.

Le site offre des atouts :

- une butte-témoin isolée dominant une plaine, suffisamment distante des premiers reliefs.

- une table rocheuse supérieure présentant une certaine résistance pour l'installation de bâtiments (voir à ce titre la reconstitution virtuelle de la Citadelle). Elle a un effet protecteur vis-à-vis des niveaux sous-jacents faits de grès plus tendres.

- un matériau de construction présent en abondance.

- un soubassement facile à tailler pour l'aménagement de souterrains.

Ce sont les travaux de fortification qui ont donné l'allure caractéristique en nid d'aigle rocheux à une masse passablement érodée et sans doute partiellement ennoyée sous les éboulis de pente, au départ. Les éboulis et sables dégagés dans le haut de la butte ont pu servir à l'aménagement du glacis.

Mais présente quelques points de faiblesse :

Affleurement (2) Flanc sud-est de la Citadelle. La plus ou moins grande résistance des grès face aux agents atmosphériques peut se lire sur cette face exposée vers le sud-est. Les bancs gréseux de Karlstal altérés portent ici une végétation de type callune dans leur partie supérieure faite de grès fins en partie argileux. Par endroits, la patine de teinte sombre se fragmente révélant un grès devenu friable. Au-dessus, la série de bancs au litage oblique appartenant à la zone rocheuse, à grain plus grossier, paraissent plus cohérents dans leur partie basale. Directement sous le mur, est conservée une portion de conglomérat fissuré. Il est possible de le retrouver sous cette forme dans d'autres secteurs de l'ouvrage. A noter par ailleurs, les nombreuses traces d'impacts de tirs présentes sur la paroi.

Le parement systématique de la partie basse du rocher a été réalisé sur les faces ouest et nord. Dans ces secteurs, la résurgence des eaux d'infiltration favorisée par le pendage des assises, la persistance de l'humidité en cas de précipitations et l'action du gel provoquent une altération rapide du rocher. Les travaux de préservation et de réparation de ce qui est devenu un monument ont pour objectif de limiter ces phénomènes. Ainsi des mesures ont été prises, visant à empêcher l'infiltration des eaux pluviales au sommet de la butte. Ailleurs, c'est le maintien d'une couverture végétale sur le glacis qui freine les effets du ruissellement.

Bibliographie

Collectif / Coordination Ménillet François (1989) - Notice explicative de la carte géologique de LEMBACH à 1/50000 ; BRGM éd.

 F. MÉNILLET,  avec  la  collaboration  de  Durand M.,  Genter A.,  Party J.-P.(2015) – Notice explicative, Carte géol. France (1/50 000), feuille Haguenau (2eédition) (198).Orléans : BRGM, 345 p.

Bourquin S. and Durand M. (2007) – The Permo-Triassic boundary and the early Triassic sedimentation in the western France, International workshop of the Triassic Subcommission octobre 2006. Mémoire Géosciences HS N°5, 74 p.

The Triassic of eastern France (fichier pdf de 16 Mo)

Lexa-Chomard A. et Pautrot C. (2006) - Géologie et géographie de la Lorraine. Ed Serpenoise.

Photographies :

Toutes les photographies ont été réalisées par le rédacteur de la fiche, à l'exception de la vue panoramique de Bitche publiée avec l'aimable autorisation de son auteur : J.C. Kanny Moselle-tourisme

Sites web :

Conservation et restitution architecturale de la citadelle de Bitche

Chemins de mémoire : la citadelle de Bitche

 


Auteur : Etienne FEUCHTER - Date de création : 28/05/2011 - Dernière modification : 15/10/2019

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)