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Marnes à Exogyra : 3. Description

Les affleurements montrent les faciès du sommet du Kimméridgien supérieur : série des marnes à exogyres supérieures (fig.2).

Figure 2 : Position stratigraphique des affleurements (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

Ces alternances de marnes grises et de calcaires marneux, plus massifs et indurés, sont fossilifères et riches en petites huîtres du genre "Exogyra" à l'origine du nom de la formation (fig.3 et 4). Le nom de genre Exogyra est depuis tombé en synonymie et a été remplacé par celui de Nanogyra. Les spécimens que l'on récolte dans les marnes kimméridgiennes appartiennent à l'espèce Nanogyra virgula (fig.5). D'autres fossiles de faciès ont aussi été observés : Térébratules, Gastéropodes (g. Cylindrobullina) et de nombreux Lamellibranches souvent à l'état de moules internes (une soixantaine de taxons a été répertoriée dans cette formation). Carpentier et al. (2006) indiquent également la présence de restes de Crustacés dans la même formation à Bure (55).

Figure 3 : Un banc calcaire des marnes à exogyres

Figure 4 : Un niveau très fossilifère

Comme en témoignent la bonne conservation et la faible usure des fossiles (fig.5), la sédimentation argilo-carbonatée du Kimméridgien s'est mise en place dans un environnement calme, à l'abri des effets de la houle et des courants, peu profond (une dizaine de mètres de profondeur) de la zone subtidale. Cette vaste vasière, qui s'étend jusqu'au centre du Bassin Parisien, est héritée des épisodes précédents de production carbonatée qui se sont déroulés durant l'Oxfordien, et qui ont fini par combler et aplanir les reliefs induits par les constructions coralliennes de la plate-forme de l'est du Bassin Parisien.

Figure 5 : L'huître Nanogyra virgula

Des accumulations de coquilles d'huîtres constituent les lumachelles rencontrées dans cette formation. Leur mise en place résulte vraisemblablement d'événements brutaux provoqués par des tempêtes (Pautrot et al., 2006).

Les coquilles de Nanogyra des marnes à exogyres ont par ailleurs servi de matériel d'étude pour l'analyse géochimique des isotopes stables (∂18O et ∂13C) des dépôts du Kimméridgien du site de Bure (Lathuilière et al., 2003). Ces études ont, entre autre, pour but de mettre en évidence des variations climatiques au cours du temps. Ainsi le passsage du Kimméridgien inférieur au Kimméridgien supérieur est marqué par une variation du rapport isotopique de l'oxygène ∂18O de 2,47 ‰, correspondant à des fluctuations locales d'une amplitude d'environ 11°C de la température de l'eau de mer (fig.6). Des changements climatiques (climat plus froid et plus aride à climat plus chaud et plus humide) durant le Kimméridgien sont également soulignés par des analyses palynologiques.

Ces interprétations sont à considérer dans le contexte paléoclimatique global du Kimméridgien proposé par d'autres auteurs et repris par C. Colombié (2002) : "Au Kimméridgien, le climat est globalement chaud et humide (Hallam, 1984 et 1985), avec un été dominé par la mousson (Oschmann, 1990). La différence de température entre les pôles et l’équateur est faible. Une période de “ greenhouse ” est, selon Hallam (1985), l’explication la plus vraisemblable à cette uniformité." Une période de greenhouse correspond à une période chaude de l'Histoire de la Terre due à un effet de serre important et se caractérisant par l'absence d'épisodes de glaciation et de calottes polaires. Ce terme s'oppose à "icehouse", période froide (telle que celle que nous connaissons actuellement depuis la fin de l'Éocène) caractérisée par une alternance d'épisodes glaciaires et interglaciaires et la mise en place de calottes polaires. Les changements climatiques soulignés par les analyses géochimiques du Kimméridgien lorrain traduisent donc des fluctuations se produisant au cours d'une période chaude de l'Histoire de notre planète.

Figure 6 : Evolution du rapport isotopique ∂18O des coquilles de Nanogyra du Kimméridgien de Bure
(d'ap. Lathuilière et al., 2003)

À hauteur de la borne du km16 de la D140 (fig.7), on observe la transition entre les alternances marno-calcaires du Kimméridgien et les premières strates de calcaire lithographique de la formation des Calcaires du Barrois du Tithonien (cf. fiche Aubréville). Ces calcaires micritiques marquent le retour de la sédimentation carbonatée et annoncent la grande régression marine de la fin du Jurassique : durant tout le Tithonien (ex-Portlandien), les dépôts se succèdent dans un environnement de moins en moins profond et de plus en plus confiné (Lathuilière et Pautrot, 2006). 

Figure 7 : Le passage Kimméridgien-Tithonien

Les marnes à exogyres étaient autrefois exploitées localement pour alimenter d'anciennes tuileries du Sud-Meusien à Ligny-en-Barrois, Demange-aux-Eaux, Gondrecourt-le-Château et Chassey (Leroux, 1978).

 

Bibliographie

LATHUILIÈRE B., GAUTHIER-LAFAYE F. BOULLIER A., CARPENTIER C., ELIE M., GAILLARD C., GROSHENY D., HANTZPERGUE P., HUAULT V., MALARTRE F., NORI L., RUCK-MOSSER R., WERNER W. (2003) - Paléoenvironnements du Kimméridgien de Bure. Colloque FORPRO La Grande Motte, 4 p.

CARPENTIER C., BRETON G., HUAULT V., LATHUILIERE B. (2006)
 - Crustacés Décapodes du Kimméridgien de Bure (Meuse, France).
 Geobios, 39, p.617-629.

COLOMBIÉ C. (2002) - Sédimentologie, stratigraphie séquentielle et cyclostratigraphie du Kimméridgien du Jura suisse et du Bassin vocontien (France): relations plate-forme – bassin et facteurs déterminants. Geofocus vol.4 - Thèse Dept. Géosciences, Géologie et Paléontologie, Univ. de Fribourg (Suisse), 200 p.

HALLAM A. (1984) - Continental humid and arid zones during the Jurassic and Cretaceous. Palaeogeogr. Palaeoclim. Palaeoecol. 47, 195-223.

HALLAM A. (1985) - A review of Mesozoic climates. J. geol. Soc. London 142, p.433-445.

LATHUILIÈRE B. et PAUTROT C. (2006) - Marnes à Exogyra du Kimméridgien in A. LEXA-CHOMARD et C. PAUTROT "Géologie et géographie de la Lorraine". Serpenoise éd., p.112-117.

LEROUX O. (1978) - Dossiers documentaires meusiens, n°11 - Géologie. Inspection académique - OCCE Bar-le-Duc éd.

OSCHMANN W. (1990) - Environmental cycles in the Late Jurassic northwest European epeiric basin: interaction with atmospheric and hydrospheric circulations. Sed. Geol. 69, p.313-332.
 


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 19/04/2012 - Dernière modification : 01/09/2013

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