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Oolithe de Bure et fer fort : 3. Description

L'Oolithe de Bure était autrefois exploitée comme pierre de taille sur plusieurs sites du sud de la Meuse (carrières de Bure, Givrauval, Reffroy, St-Joire, Tannois, Tréveray...). Très peu poreuse, elle a en particulier servi à construire les écluses du canal de la Marne au Rhin. Des fragments de cette roche ont également été retrouvés lors des fouilles de la cité gallo-romaine de Nasium (Naix-aux-Forges).

Ce site est en effet localisé à proximité (5km) de cette antique cité et de l'oppidum de Boviolles occupés par les Leuques dès la fin de l'âge du fer (Ier et IIème siècles av. J.-C.). Cette occupation s'explique par la géographie du site (éperon barré) et certainement par la présence sur les hauteurs de dépôts superficiels du Sidérolithique riches en fer fort (voir plus loin et fig.3). Une industrie métallurgique gauloise est d'ailleurs attestée par la présence de déchets et d'objets en fer (fibules) en cours de fabrication retrouvés sur place.

Figure 3 : Nodules de fer fort

1. Oolithe de Bure

L'Oolithe de Bure, datée du sommet du Tithonien inférieur (ex-Bononien inférieur pro parte), est un banc calcaire oolithique massif bien induré de 2 m d'épaisseur (fig.4).

Figure 4 : Contact Oolithe de Bure - Calcaires cariés

Cette roche correspond à une calcarénite grossière à oolithes et bioclastes (fragments de lamellibranches et d'échinides ou entroques - fig.5).

Figure 5 : Echantillon pétrographique d'Oolithe de Bure

Figure 6 : Entrée de la galerie d'exploitation de l'ancienne carrière au nord du Bois de la Charbonnière

Le banc est bien individualisé, limité au sommet par une surface durcie. Il a été scrupuleusement suivi par les carriers et même exploité en mines (galeries aujourd'hui effondrées ou d'accès condamné - fig.6). Le site est ainsi traversé de profonds sillons et d'importants tas de déblais bordent les excavations (fig.7).

Figure 7 : Ancien sillon d'exploitation recouvert par la végétation

L'Oolithe de Bure est interstratifiée entre deux ensembles de calcaires lithographiques. Sur le site de Reffroy, seul l'ensemble supérieur, correspondant à la formation des Calcaires cariés (fig.4, 8 et 9), est visible à l'affleurement. Cette formation regroupe plusieurs types de roches (Hilly et Haguenauer, 1979) : calcaires magnésiens ou dolomitiques, parfois argileux, toujours bioturbés (d'où leur nom). Bien que ceux du site de Reffroy en contiennent assez peu (fig.6), les Calcaires cariés sont généralement riches en fossiles, notamment en lamellibranches (genres Pinna, Trigonia, Cyprina, Nanogyra...).

Figure 8 : Echantillon pétrographique des Calcaires cariés

La base de l'Oolithe de Bure repose sur un niveau calcaire à débris de coquilles et éléments rougeâtres anguleux contenant quelques passées plus marneuses à petites huîtres, qui rappelle le sommet du Kimméridgien.

Figure 9 : Position stratigraphique des terrains étudiés (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

Les bioturbations (terriers) de ce calcaire sont comblées par des argiles de décarbonatation rougeâtres (terra rossa - fig.10).

Figure 10 : Argiles de décarbonatation accumulées dans les terriers des Calcaires cariés

L'Oolithe de Bure correspond à un faciès de dépôt caractéristique d'un environnement marin de haute énergie (shoal oolithique de rampe interne de plate-forme carbonatée). Cet épisode sédimentaire s'insère dans la grande phase de régression marine qui marque la fin du Jurassique dans le Bassin de Paris. Le milieu est de moins en moins profond et de plus en plus confiné: le centre du bassin devient progressivement un lagon évaporitique comme en témoignent la présence de calcaires dolomitiques (ex. : Calcaires cariés) et les bancs sulfatés d'anhydrite des faciès purbeckiens (Leroux et al., 2006).

2. Fer fort

À proximité des anciennes carrières de Reffroy affleurent plusieurs lentilles de formations superficielles, cartographiées comme des dépôts crétacés, mais qui pourraient aussi être datés de l'Éocène inférieur (?). Ces dépôts superficiels sont remarquables par leur richesse en accumulations ferrifères (encroûtements, rognons, gros grains, pisolithes ...) dispersées dans les labours (fig.11). Des petits fragments siliceux (fragments de silcrètes?), des petits graviers et des argiles sont associés aux débris des nodules ferrugineux.

Figure 11 : Échantillons de fer fort disséminés dans la terre des labours

Le fer fort, dont la teneur en fer peut atteindre 70%, contient de la silice mais ni carbonates, ni phosphore. C'est un minerai de fer (hématite + goethite) d'origine pédogénétique, parfois alluvionnaire, issu de l'altération météorique de formations continentales granitiques du socle ou de résidus insolubles des faciès carbonatés de la couverture sédimentaire. En Lorraine, ce minerai était ancestralement exploité jusqu'à la découverte du procédé Thomas (1878) qui permit l'utilisation du "fer faible" ou fer oolithique aalénien ou "minette", un minerai à faible teneur (35%), en le débarrassant de ses impuretés (carbonates et phosphore).

La genèse du minerai de fer fort est peut être liée à deux épisodes de formation semblables mais distincts dans le temps (Sidérolithique I et Sidérolithique II).

Le fer fort du Sidérolithique I correspondrait aux fragments d'une ancienne cuirasse latéritique dont on retrouve les reliques en place, coiffant des calcaires bajociens, à la "Borne de fer" près d'Aumetz (57). Les datations, par paléomagnétisme, attribuent à cette cuirasse, un âge de 120-130 millions d'années correspondant au Crétacé inférieur (Theveniaut et al., 2002 et Quesnel, 2003).

Une cuirrasse latéritique traduit la formation de sols sous un climat chaud et humide.

Au Crétacé inférieur, une phase de rifting en Europe de l'ouest (ouverture du Golfe de Gascogne, de la Mer du Nord et de l'Atlantique Nord) est à l'origine du soulèvement de la partie orientale du Bassin Parisien et de ses bordures (+550m en Lorraine d'après Quesnel, 2003). A cette époque, la Lorraine subit une phase de continentalisation favorable à la mise en place de profils d'altération latéritique sur les terrains exondés de la couverture mésozoïque.

La cuirasse latéritique aura ensuite été démantelée par une érosion ultérieure plus récente. Actuellement, on retrouve les débris disséminés de cette cuirasse accumulés sur les hauteurs, mêlés aux limons des plateaux, ou piégés dans les cavités karstiques des calcaires jurassiques (voir aussi la fiche sur les minières de St.-Pancré dans le Pays Haut ou de la Borne de fer près d'Aumetz).

Après une période d'érosion et de transgression marine au Crétacé supérieur, la phase de compression pyrénéo-provençale qui se produit au début du Tertiaire (Éocène), achève la structuration de la partie orientale du Bassin Parisien. Celle-ci revêt, à partir de cette époque, sa configuration actuelle. Les conditions climatiques qui prévalent à l'Eocène en Lorraine sont propices au développement de nouvelles cuirasses latéritiques et/ou d'encroûtements pédogénétiques siliceux (silcrètes) sur le substratum sédimentaire émergé. Il est possible que certaines concrétions de fer fort, lorsqu'elles sont associés à des éléments siliceux, résultent de cet épisode d'altération tardif correspondant au Sidérolithique II (Quesnel, 2003).

Bibliographie

HILLY J., HAGUENAUER B. (1979) – Guides géologiques régionaux. Lorraine–Champagne. Masson éd., 216 p.

LE ROUX J., PAUTROT C. et BUFFETAUT E. (2006) - La régression tithonienne, Cénomanien, gaize de l'Argonne in A. LEXA-CHOMARD et C. PAUTROT "Géologie et géographie de la Lorraine". Serpenoise éd., p.112-117.

QUESNEL F. (2003) – Paleoweathering and paleosurfaces from northern and eastern France to Belgium and Luxembourg: geometry, dating and geodynamics implications. Special Conference on paleoweathering and paleosurfaces in the Ardenne-Eifel region at Preizerdaul (Luxembourg) on 14 to 17 may 2003. Géologie de la France, 1, p. 95-104.

THÉVENIAUT H., WYNS R. et QUESNEL F. (2002) – Étude paléomagnétique de la Borne de fer. Journées du Partenariat de Recherche et de Développement entre le BRGM et l'ANDRA, Orléans, 5 mars 2002, Programme et résumés, p. 63-65.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 19/04/2012 - Dernière modification : 15/09/2012

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