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Pertes de l'Aroffe : 3. Description

Le bassin hydrographique de l'Aroffe est complexe (Fig. 2). Il doit être divisé en trois secteurs (Aroffe supérieure, moyenne et inférieure). L'Aroffe a une existence permanente à l'air libre uniquement de sa source à Gémonville (54) (Aroffe supérieure) et de Barisey Au Plain (54) à Rigny La Salle (55) où elle se jette dans la Meuse (Aroffe inférieure). Entre Gémonville (54) et Barisey Au plain (54), sur plus de 13 kilomètres, l'Aroffe n'occupe son lit que temporairement lors des épisodes de crues importantes, son lit étant le reste du temps à sec (Aroffe moyenne).

Fig.2 : Carte de localisation des principales pertes (M = Moche, HM = Haut du Moche, Fsol = Fosse des Soldats, FSou = Fond de la Souche) et résurgences de l'Aroffe

La partie qui nous concerne ici est l'Aroffe supérieure.

L'Aroffe "supérieure" (1) (2) est une petite rivière dont la source se situe au niveau des marnes micacées imperméables du Toarcien du Saintois près de Tramont-Lassus (54).

Son cours est de type cataclinal : il suit le pendage des couches géologiques orientées vers le centre du Bassin de Paris. L'Aroffe va ainsi recouper perpendiculairement les cuestas constituant successivement les Côtes de Moselle (Dogger) puis les côtes de Meuse (Malm) avant d'aller se jeter dans la Meuse.

L'Aroffe arrive jusqu'à Gémonville (54) mais sauf phénomène exceptionnel (orage, fonte des neiges ...) qui en augmenterait le débit, l'Aroffe se perd progressivement puis totalement dans des gouffres ouverts dans les calcaires coralliens diaclasés du Bajocien Inférieur (Fig. 3) et son lit se retrouve à sec dès la sortie du village (Fig. 4) (5).

Fig. 3 : Localisation des pertes dans les calcaires du Bajocien (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

Fig. 4 : Lit de l'Aroffe à sec entre Gémonville et Harmonville

Des textes historiques (5) décrivent le fonctionnement d'un moulin au centre du village de Gémonville ... moulin original s'il en est, car alimenté en eau par l'Aroffe mais sans canal de décharge ... vu que la roue du moulin se trouvait au dessus d'un gouffre qui engloutissait ses eaux en totalité! Ce vaste gouffre qui n'a jamais été exploré, a été comblé en 1901 pour éviter tout accident.

Le gouffre comblé n'absorbant plus en totalité les eaux de l'Aroffe, celle-ci poursuit actuellement son cours mais disparait tout de même très vite dans d'autres diaclases et deux autres gouffres (Le Moche, Le Haut du Moche) dès sa sortie du village (Fig. 5).

Fig. 5 : Site des pertes de l'Aroffe à la sortie de Gémonville

On y entend distinctement l'eau s'écouler dans les fissures ouvertes au fond du lit de l'Aroffe (observation faite en octobre 2012 à la sortie du village).

Le lit de l'Aroffe se poursuit ensuite vers Harmonville (88) dans une étroite vallée au fond de laquelle l'eau se perd encore en de nombreux autres endroits dont la Fosse des Soldats (Fig. 6) et le Gouffre du Fond de la Souche, en cas de crue importante qui ne serait pas absorbée par les trois premiers gouffres. Des travaux d'aménagements agricoles récents ont cependant parfois fait presque totalement disparaïtre les traces visibles de ces derniers gouffres (Fond de la Souche) dont l'existence n'est plus avérée que  par des dépôts marneux.

Sur le site de la Fosse des Soldats, en aval de Gémonville, lorsqu'il est en eau, à l'issue d'une période de crue (Fig. 6A), le lit de l'Aroffe offre un spectacle sonore, tout à fait singulier, généré par l'aspiration de l'air lorsque l'eau s'infiltre en profondeur au travers une multitude de pertuis se succédant le long des berges du cours d'eau (Fig. 6C). La perte principale de l'Aroffe de la Fosse des Soldats est matérialisée par une buse verticale scellée par un couvercle métallique. On y entend nettement la circulation souterraine de l'eau qui, en janvier 2013, s'infiltrait dans le sol par un pertuis à proximité (Fig. 6B).

Fig.6 : L'Aroffe en eau traversant les Prés aux Bois en aval de Gémonville (A) jusqu'au site de la Fosse des Soldats où s'observe la perte du cours d'eau (B); ouverture d'un pertuis d'absorption des eaux sur une berge de l'Aroffe lors d'une période de crue en janvier 2013 (C)

Le Gouffre du Fond de la Souche, distant de quelques centaines de mètres de la Fosse des Soldats, a été exploré par un groupe de plongeurs spéléologues sur plusieurs centaines de mètres. Il débute par 240 m de méandre puis 480 m de galeries confortables au fond desquelles s'écoule un beau ruisseau souterrain jusqu'à un siphon. Ce siphon aval a été  plongé sur 280 m (descente à - 8 mètres) jusqu'à ce que l'abaissement progressif de la voûte empêche toute progression dans une eau avec une visibilité très médiocre (6).

L'entrée du gouffre du Fond de la Souche, qui avait été aménagée avec des buses en béton, n'est plus visible en octobre 2012, obstruée par les dépôts marneux.

Lors de la crue d'orage du 4 mai 1937 (5), des communications entre les pertes de l'Aroffe et des résurgences éloignées ont pu être mises en évidence. Le 5 mai, la source de la Rochotte à Pierre-la-Treiche  et la Deuille de Crézilles étaient en crue alors que le niveau de l'eau baissait de 50 cm au Trou des Glanes à Moutrot. Le 6 mai, le Trou des Glanes était à son tour en crue avec 24 heures de retard sur les autres résurgences.

Un important réseau karstique (Fig. 2) (2) relie ainsi le plateau lorrain à la vallée de la Moselle distante de 30 kilomètres (1)(2)(3). L'eau de l'Aroffe qui se perd dans les différentes diaclases ou gouffres entre Gémonville (54) et Harmonville (88) fait résurgence dans la vallée de la Moselle près de Toul (54) à Pierre-la-Treiche (source de la Rochotte; voir Fiche n°153 Pierre-la-Treiche) et à Bicqueley.

Lors des crues importantes, des puits artésiens jouant le rôle de résurgences intermédiaires ou de puits de décharge (Tertres d'Autreville (voir Fiche Tertres d'Autreville), Deuille de Crézilles (voir fiche Deuille de Crézilles), Trou des Glanes (voir Fiche Trou des Glanes), Trou du Chahalot) permettent d'évacuer en surface une partie du débit du karst mis sous pression.

Ce système karstique complexe était suspecté et connu depuis plusieurs siècles (4)(5). Des travaux de coloration (1)  et des études de débit (2) ont confirmé les anciennes observations.

Bibliographie:

(1) J. LE ROUX et J. SALADO (1980) Fonctionnement des aquifères calcaires lorrains déduits des expériences de traçages colorimétriques, Service Régional Aménagement Eaux de Lorraine, 177 pages.

(2) A. WEHRLI (1996) Les modalités de la circulation de l'eau dans le bassin-versant topographique et hydrogéologique de l'Aroffe, Mémoire de DEA, Université de Metz, Département de Géographie, 178 pages.

(3) P. GAMEZ, F. LETOUZE et M. SARY (1985) Le bassin karstique de l'Aroffe, SPELUNCA Mem., n°14, pages 78 à 79.

(4) A. KIENTZ (2010) Les deuilles en Pays de Colombey. Etudes Touloises n° 135, article 2.

Les Etudes Touloises sont une revue trimestrielle du Cercle d’Etudes Locales duToulois

(5) J. OBELLIANNE (1963) La commune de Gémonville et le problème des eaux de l'Aroffe, Bulletin trimestriel de l'Académie et Société Lorraines Des Sciences, Tome 3, n° 2 Novenbre 1963.

(6) D. JACQUEMIN (1997) Info Plongée, Inventaire des siphons de Lorraine et de Champagne-Ardennes, Bulletin de la Comission Plongées de La fédération française ed Spéléologie, n° 75, Février 1997, page 8.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 05/11/2012

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)