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Fossé d'effondrement de Colombey : 3. Description

Le fossé de Colombey Les Belles est un graben étroit (moins de 500m de large) orienté NNE-SSO. Ce fossé d'effondrement fait partie d'un ensemble de structures similaires (fossés de Joinville, de Gondrecourt-le-Château, de Rémoville) affectant, sans les déformer, les terrains sédimentaires de la Lorraine centrale situés dans une bande est-ouest délimitée au sud par la faille de Vittel et au nord par l'axe du synclinal de Savonnières-en-Perthois (fig.2).

 

Fig.2 : Carte structurale simplifiée de la Lorraine (d'après Leroux in Hilly et Haguenauer, 1979)

Le fossé bordé de failles normales verticales, rectilignes et parallèles décale la puissante série du Dogger (fig.3 et 4).

Fig.3 : Localisation des limites du fossé d'effondrement

 

Fig.4 : Bloc diagramme et coupe géologique

Le cœur du fossé met à l'affleurement les faciès du Bathonien inférieur : Caillasse à Anabacia et Marnes à Rhynchonelles Inférieures, alors que les bords du fossé sont constitués de calcaires oolithiques de l'Oolithe Miliaire Supérieure datée du Bajocien supérieur (fig.4 et 5). Dans sa partie méridionale, ce fossé recoupe une structure plus ancienne, l'anticlinal d'Autreville d'axe NO-SE, dont la mise en place est issue de la phase compressive pyrénéo-provençale de l'Éocène (Leroux, 2000).

Le fossé de Colombey ainsi que ses contemporains de Removille, Gondrecourt et Joinville, sont attribués à une phase d'extension oligocène synchrone de celle du fossé rhénan (cf. fiche Distension en Alsace). L'effondrement du fossé de Colombey peut atteindre une trentaine de mètres dans sa partie méridionale (secteur d'Autreville - Leroux, 2000). Le rejet estimé au niveau du site étudié en bordure de la D974 avoisinnerait une vingtaine de mètres.

 

Fig.5 : Place du fossé de Colombey dans la colonne stratigraphique (données chiffrées = âges en millions d'années - © BRGM).

En traversant la D 974 (côté est), une petite carrière depuis longtemps abandonnée, avait été ouverte dans les calcaires du Bajocien supérieur : formation de l'Oolithe Miliaire Supérieure.  Le niveau de base de cette ancienne carrière qui sert aujourd'hui de terrain de motocross, est un bel interbanc constitué d'une dalle de calcaire massif pratiquement tabulaire (fig.6). Des blocs de calcaire oolithique plus ou moins fossilifère (moules internes de bivalves - g. Modiolus) s'observent dans les anciens fronts de taille de la carrière.

Fig.6 : Affleurements de calcaire oolithique du Bajocien

Les faciès du Bajocien terminal (traces de surface durcie) et du Bathonien inférieur seront facilement distingués dans les terrains agricoles en contrebas du parking (côté ouest de la route). 

Fig.7 : Le petit corail solitaire Anabacia (= Chomatoseris orbulites) à l'origine du nom de la formation éponyme

Dans le champ cultivé, il est facile de trouver des fossiles de Chomatoseris orbulites, ex-Anabacia (petit polypier solitaire en forme de bouton de guêtre - fig.7) caractéristique de la formation de la Caillasse à Anabacia (base du Bathonien inférieur).

Les Marnes à Rhynchonelles sont aussi très fossilifères (tab.1) et faciles à échantillonner dans les vestiges de la carrière d'argiles (autrefois exploitées pour la fabrication de tuiles) dans le parc voisin d'un petit abri en maçonnerie repérable au centre du fossé (fig.8).

Fossiles récoltés

Nom du fossile

Praeexogyra acuminata

Térébratule

Tubithyris globata (?)

Kallirhynchia yaxleyensis
Acanthothyris spinosa

Ammonite

(Périsphinctidé)

Tab.1 : Quelques fossiles des Marnes à Rhynchonelles Inférieures

Fig.8 : Localisation des affleurements dans le Bathonien inférieur à Moyen

Le lithofaciès est à dominante marneuse voire argileuse. On note toutefois l'occurrence de fragments calcaires plus indurés (="caillasses") contenant des oolithes ferrugineuses éparses. La dissémination de ces "caillasses" au sein de la formation marneuse résulte vraisemblablement d'une bioturbation importante (Brigaud et al., 2009). Certains auteurs (Gardet, 1947 ; Maubeuge, 1953 ; Laurin, 1984) ont fourni une description paléontologique détaillée de ces terrains. Autrefois considérées d'âge Bathonien moyen, ce sous-étage étant dorénavant obsolète, les Marnes à Rhynchonelles Inférieures sont désormais rattachées au Bathonien inférieur terminal (Lathuilière, 2008 ; Brigaud et al. 2009). Les fossiles principaux sont les brachiopodes, en particulier les rhynchonelles qui ont donné leur nom à la formation. Les spécimens les plus fréquemment récoltés apppartiennent à l'espèce Kallirhynchia yaxleyensis (= K. polonica sensu Gardet, 1947), formes caractérisées par une coquille à costulation fine, une valve brachiale fortement bombée et des rebords rectilignes (Laurin, 1984). Une autre espèce caractéristique de cette formation est Acanthothyris spinosa reconnaissable à sa costulation épineuse. Hormis les brachiopodes, on rencontre diverses espèces de bivalves, représentantes des ostréidés (P. acuminata) ou des trigonies (lamellibranches fouisseurs). Les ammonites, plus rares, sont également présentes. Il s'agit le plus souvent de morceaux de phragmocônes ou de loge d'habitation d'individus macroconques de grand diamètre, du groupe des Périsphinctidés pour lesquels l'identification au niveau de l'espèce (ou même du genre) s'avère délicate.

La faune des Marnes à Rhynchonelles Inférieures révèle donc une association de formes benthiques (brachiopodes, bivalves, serpules) et de formes pélagiques (ammonites). Le faciès argileux et le bon état de conservation des spécimens benthiques indiquent un milieu marin de dépôt calme de très faible énergie, ouvert sur le domaine pélagique et correspondant à un environnement de type offshore inférieur (= en dessous de la limite d'action des vagues de tempêtes) de la zone subtidale (Brigaud et al., 2009). D'un point de vue paléogéographhique, les Marnes à Rhynchonelles correspondent à des dépôts de matériel terrigène occupant les "sillons" marneux relativement peu profonds situés en contrebas des plates-formes bourguignone (au sud) et ardennaise (au nord) de la partie orientale du Bassin de Paris au Bathonien (fig.9 - Laurin, 1984; Rat, 1980).

Fig.9 : Principaux domaines du Bassin de Paris au Bathonien (d'après Rat, 1980).

I, II et III: respectivement plates-formes carbonatées ardennaise, bourguignone et armoricaine. A : sillon marneux de Lorraine et B, de la Loire. 1 : calcaires fins ; 2 : calcaires oolitiques de haute énergie ; 3 : épandages oolitiques et bioclastiques ; 4 : argiles, marnes et calcaires argileux ; 5 : terres émergées

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Le trajet emprunté par l'A31 aux environs de Colombey-les-Belles (fig.10) est remarquable : il a été choisi de couper le fossé perpendiculairement, de manière à minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques par infiltration en cas d'accident routier.

Fig.10 : Tracé de l'A31 autour de Colombey-les-Belles

 

Bibliographie

BRIGAUD B., DURLET C., DECONINCK J.-F., VINCENT B., PUCÉAT E., THIERRY J. ET TROUILLER A. (2009) - Facies and climate/environmental changes recorded on a carbonate ramp: a sedimentological and geochemical approach on Middle Jurassic carbonates (Paris Basin, France). Sedimentary Geology, n°222, p.181-206.

GARDET G. (1947) - Le Bathonien de la Lorraine. Bull. des Services de la Carte géol. de la France, t.45, n°217.

HILLY J. et HAGUENAUER B. (1979) - Guides Géologiques Régionaux - Lorraine Champagne. Masson éd.

LATHUILIERE B. (2008) - Eastern Paris Basin in Pienkowski, G. & Schudack, M. E. et al.: Jurassic, p.823-922. in Mc CANN T.: The geology of central Europe. Vol. 2: Mesozoic and Cenozoic, Geological Society, London, p.858-854.

LAURIN B. (1984) - Les Rhynchonellidés des plates-formes du Jurassique moyen en Europe occidentale. Cahiers de Paléontologie (section Invertébrés), CNRS éd.

LEROUX J. (1980) - La tectonique de l'auréole orientale du Bassin de Paris: ses relations avec la sédimentation. Bull. Soc. Géol. France, vol.7, t.XXII, n°4, p.655-662.

LEROUX J. (2000) - Structuration du nord-est du Bassin de Paris. Bull. Inf. Bass. Paris, vol.37, n°4, p.13-34.

MAUBEUGE P.-L. (1953) - Observations géologiques dans l'Est du Bassin de Paris (terrains triasiques moyen-supérieur et jurassiques inférieur-moyen). Thèse de doctorat Nancy Univ., 2 tomes.

RAT P. (1980) - in CAVELIER C., MEGNIEN C., POMEROL C. et RAT P.: Bassin de Paris. Géologie des Pays Européens: France, Belgique, Luxembourg, Dunod éd. Paris, p.433-484.

 


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 01/11/2012 - Dernière modification : 01/10/2014

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