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Grès alvéolés du Falkenstein : 5. Annexe I

L'EROSION ALVEOLAIRE (ALVEOLISATION) DES GRES DU FALKENSTEIN

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer le mode d'érosion en alvéoles qui ne concerne pas seulement les grès, ni uniquement les rochers naturels. Parmi les phénomènes invoqués, l'érosion par le vent a souvent été citée, mais aucune observation ne conforte cette hypothèse (cf déflation éolienne en milieu désertique). L'érosion alvéolaire est particulièrement active dans les zones en bord de mer (embruns salés) et dans les endroits où une roche poreuse est soumise à des phénomènes d'évaporation intense, éventuellement favorisée par le vent.

Sur le rocher du Falkenstein, les alvéoles existent sur la seule face sud-est (adret), au sein des bancs de grès situés dans la moitié inférieure de la barre. Ils sont voisins de zones d'exsudation d'eaux chargées en sels qui se déposent sous forme de trainées après évaporation de l'eau. Les alvéoles se développent souvent au détriment d'une surface plane (lèvre de fissure) exposée à l'air et respectent une géométrie qui tient compte de la stratification et des diaclases. Enfin, ils suivent une évolution par étapes qui les mène de la naissance à la disparition.

1) Etapes de la formation des alvéoles :

1a) Naissance des alvéoles

A gauche : paroi gréseuse dans le grand escalier. L'aménagement de la rampe du grand escalier a nécessité une taille du rocher qui se traduit par une série d'encoches en arc de cercle à concavité dirigée vers la droite. A une certaine époque, s'est formée une croûte superficielle qui est en train de s'altérer et de se détacher. Les encoches et irrégularités de surface commencent à se transformer en alvéoles qui s'agrandissent préférentiellement au sein des parties poreuses des lamines. (Remarque : un galet se trouve inclus dans un alvéole à la base de la série...).

A droite : détail de paroi alvéolée. Le diamètre des alvéoles s'agrandit au fil du temps, les parois s'amincissent jusqu'à se rompre, donnant naissance à des cavités au fond desquelles le processus peut recommencer.

1b)  Evolution des alvéoles

A gauche : détail de paroi au-dessus de l'accès au grand escalier. Des cavités de plusieurs décimètres semblables à des coupes sont séparées par des sillons profonds. A terme, certaines de ces structures pourraient se rompre augmentant ainsi la taille du surplomb.

A droite : détail de paroi à la base du rocher (cour basse). Les alvéoles devenus coalescents se sont allongés dans la direction verticale, avant d'être partiellement érodés.

 

A gauche : l'aménagement de pièces troglodytes a nécessité le renforcement des parois par des cloisons maçonnées. On pourra noter un début d'alvéolisation sur certains des blocs utilisés. Les ouvertures carrées pratiquées dans la paroi pour l'encastrement de poutres présentent un pourtour "lisse". Leur creusement s'est accompagné vraisemblablement d'une taille de la surface par le constructeur.

A droite : détail de paroi présentant un alvéole "plein" (diamètre estimé 20 cm). La masse centrale présente une stratification en continuité avec l'encaissant, une coloration brunâtre (enrichissement en oxydes de fer). Sa forme polyédrique et la proximité de cavités pourrait faire penser à l'évolution ultime d'une "coupe" dont il ne resterait que le pédoncule, elle ressemble également à une altération en boules plus connue dans la formation gréseuse supérieure des Couches de Karlstal sous le nom de Kugelfelshorizont.

 

2) Mécanisme de l'alvéolisation.

Les données suivantes sont tirées en grande partie d'une étude concernant la géométrie des alvéoles du grès par l'auteur canadien N. DOE (voir références en annexe II).

L'alvéolisation qui désigne le phénomène de formation des alvéoles nécessite l'interaction de plusieurs facteurs : une roche poreuse qui autorise la circulation de l'eau et des ions dissous, une surface exposée au soleil (aidé par le vent) qui favorise l'évaporation de l'eau de la roche et par ce biais la cristallisation des sels entre les grains. La croissance cristalline crée une pression qui rompt l'assemblage initial des grains de la roche.

Au fil du temps, le processus qui peut démarrer au niveau d'irrégularités dans la composition de la roche ou de creux même infimes de la surface ( sur une lèvre de fissure, par exemple) va gagner en profondeur.

1. La dépression offre à l'eau chargée en ions, un chemin plus court vers la surface et canalise le flux capillaire au détriment des zones hautes adjacentes qui constituent les futures cloisons. La forme des alvéoles et leur disposition vont dépendre des zones poreuses à l'échelle des lamines et se calquer sur le litage des grès.

2. Mais d'autres éléments interviennent comme l'obliquité de la paroi par rapport au rayonnement solaire : ainsi l'alvéole va s'approfondir jusqu'à un certain degré et s'allonger dans la direction verticale à cause des zones d'ombre qui limitent l'évaporation. La rupture des cloisons crée des cavités qui réamorcent le phénomène. Il peut être ralenti ou interrompu lorsque se présente une surface indurée au passage d'une faille ou d'une diaclase. En cas d'excès d'humidité, l'évaporation se déplace vers les cloisons qui ont alors tendance à se fragiliser.

3) Discussion

La nature des sels responsables de l'alvéolisation au Falkenstein n'a pas été établie. Si le chlorure de sodium semble être peu concerné a priori, il pourrait s'agir de sels de calcium, ce dernier élément étant présent dans le grès. Combiné aux composés d'origine naturelle présents dans le grès ou liés aux activités humaines  et présents dans l'air et dans l'eau de pluie, il va former des sulfates, carbonates, nitrates. Les composants à base de silice ou de fer, par contre, jouent un rôle conservateur en renforçant la cohésion de la roche.

L'utilisation de mortier de chaux pour la maçonnerie apporte son lot d'éléments solubles. Certaines portions de paroi dépourvues d'alvéoles et recouvertes de trainées blanches pourraient être en rapport avec les parties occupées jadis par les constructions.

L'âge des formations alvéolées, la vitesse du processus semblent se décliner en décennies voire en siècles. Des parties du roc autrefois couvertes de constructions pourraient avoir influencé le processus par endroits.

Les diaclases très présentes montrent des degrés de fracturation très variables : diaclases majeures, nécessitant l'installation de passerelles pour leur franchissement dans la partie sud-ouest, diaclases affectant de manière visible les bancs supérieurs et diaclases ordinaires ne concernant qu'un seul banc. Elles forment un réseau de fissures perpendiculaires dont la direction principale SO-NE est responsable du découpage de la barre rocheuse. Cette direction peut être mise en rapport avec la tectonique du secteur : la série gréseuse constitue une surface monoclinale à faible pendage vers le nord-ouest. Elles sont également à mettre en relation avec une dilatation localisée en rapport avec la contrainte lithostatique (disparition de la couverture secondaire supérieure par érosion) comme l'ont montré des études récentes. Cette fracturation modifie la perméabilité de la roche, facilite la pénétration et la circulation de l'eau dans certains panneaux et influence le développement des alvéoles. 

Parmi les autres facteurs d'érosion, l'action des variations de température et en particulier du gel doit être prise en compte. Ses répercussions sur le devenir des alvéoles est à envisager.

Conclusion

Le rocher du Falkenstein offre un bel exemple de différentes formes d'altération des grès du Buntsandstein retrouvées par ailleurs au niveau des constructions et monuments. Sa situation sommitale l'expose aux différents agents favorisant l'alvéolisation. Ce phénomène, qui donne un cachet particulier au site, ne doit pas faire oublier que les phénomènes d'érosion (destruction) sont à l'oeuvre.


Auteur : Etienne FEUCHTER - Date de création : 06/09/2013

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)