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Plutonisme du massif du Champ du Feu : 3. Description

Les affleurements sont décrits suivant les trois axes définis précédemment. En annexe 1, figurent quelques roches non visitées ici,  en complément. Une interprétation du magmatisme du Champ du Feu telle qu'elle a été proposée à l'aube des années 2000 est présentée  en Annexe 2. De nouvelles pistes seront développées dans le circuit géologique "subduction et collision dans les Vosges septentrionales".

A. La pénétrante nord

1. Le Rocher du Corbeau à Rothau  (A1).

Situation : directement à la sortie est de Rothau (rue des Déportés, D 130 : direction Natzwiller/Struthof) se situe une paroi rocheuse : le Rocher du Corbeau. Possibilité de se garer à proximité immédiate. L'affleurement peut être observé depuis le bas-côté opposé et touché depuis la banquette herbeuse à sa base. Prudence recommandée ! A noter que des travaux de réaménagement du chemin forestier situé à gauche de l'affleurement offrent une coupe de terrain remarquable, à l'abri de la circulation. (voir aussi : Activités réalisables).  


L'affleurement résulte en grande partie de travaux d'aménagement de la route, déjà anciens. La roche présente une pellicule d'altération, elle est couverte par endroits d'un enduit rouille et par de nombreux lichens. L'entaille pratiquée par la route révèle une roche non disposée en strates (massive) mais abondamment fissurée en un ensemble de blocs parallélépipédiques. (à comparer avec l'affleurement du Rocher du Loup en C2). La proximité d'un filon n'est peut-être pas étrangère à ce découpage.

  Échantillon de roche (éclat) : roche grenue à coloration rouge dominante ( = variété de granite de Fouday-Grendelbruch / Barembach). Présence d'orthose, de feldspath plagioclase à aspect trouble, de quartz interstitiel et de biotite "en nids". Il s'agit d'un intermédiaire entre granite monzonitique et granodiorite.

2. La carrière du Camp du Struthof (A2).

Situation : continuer sur la Départementale 130 en amont du site historique du Camp du Struthof. À 0,6 km du mémorial, la route arrive sur un replat qui présente sur la droite, une vaste aire en gravier. Un panneau signale la carrière et rappelle l'histoire de cet endroit devenu lieu de mémoire. Le front de taille envahi progressivement par la végétation s'étend le long d'un chemin qu'il faut suivre jusqu'à un "portique" pour accéder à un affleurement dégagé.


L'affleurement montre une roche massive très fissurée. On peut noter les arêtes et angles émoussés des blocs proches de la surface. Une arène sableuse grossière existe à la base de la paroi. On évitera toute intervention sur ce site historique. Les observations de roches peuvent être faites sur les nombreux blocs qui jalonnent le bord du chemin, en provenance des travaux d'aménagement du site du musée proche.

Échantillon à gauche. Passablement altéré, il révèle de grands cristaux de feldspath pris dans une masse de cristaux plus fins d'où se détachent des biotites et quelques baguettes d'amphibole (structure porphyroïde). Présence de quartz gris.

Échantillon de droite. Le granite rose-gris renferme du feldspath orthose (remarquer la taille de certains cristaux), des plagioclases, du quartz, du mica noir et un peu d'amphibole. Il s'agit d'un granite monzonitique (% orthose = % plagioclase).

À signaler : L'affleurement granitique du Struthof appartient au granite de Natzwiller. Celui-ci forme un gisement aux contours arrondis recoupant d'autres formations (massif circonscrit). Il s'agit d'un granite intrusif qui présente des faciès de bordure en plusieurs sites et contient des enclaves de granite de Waldersbach. Son cortège filonien est très développé.

B. La pénétrante ouest

1. Le filon de Fouday (B1).

Situation : à Fouday, prendre la Rue principale qui part vers le nord en direction de Solbach (D 957). Laisser le chemin de la gare sur la gauche et se garer sur une aire provisoire à la sortie de la localité (attention : garder libre l'accès à l'arrière des habitations). Emprunter à pied, sur 200 mètres environ, le chemin de la Folie qui chemine le long de la voie ferrée. L'affleurement est bien dégagé.

Affleurement de Fouday vu depuis le bas (en bordure de la voie ferrée). Le contraste des couleurs est saisissant. Au coeur du massif schisteux gris sombre, une masse rouge formée d'une roche dure et massive (largeur : une vingtaine de mètres) fait intrusion. Il s'agit d'une lame granitique appartenant au cortège filonien du granite de Natzwiller (Von Eller). L'ensemble est haché par un réseau dense de fissures verticales et obliques. La "fraîcheur" de l'affleurement permet des observations très détaillées.

Détails de l'affleurement : les zones de contact nord et sud entre le granite rouge et les schistes gris. La frontière est très nette. Toutefois, une observation détaillée révèle des transformations (coloration, aspect, structures) opérées dans une zone pluri-centimétrique de part et d'autre de la zone frontière.

Pour une description détaillée voir l'article consacré au site sur la lithothèque d'Alsace.

Échantillons de roche du site. À gauche, un fragment de "schiste". La roche se débite assez facilement en éclats à cassure esquilleuse. La couleur va du gris-noir au gris-vert. Il s'agit d'une roche sédimentaire (métamorphisée partiellement) à grain très fin, de composition argilo-siliceuse. La stratification est difficile à observer. Des restes de radiolaires ont permis de lui attribuer un âge dévonien moyen. Il s'agit d'une phtanite.

À droite, éclats de roche provenant du filon. De couleur rouge, la roche possède une structure porphyroïde. Elle contient au sein dune matrice microgrenue, de grands cristaux (brillants) de feldspath et de quartz, quelques minéraux noirs et par endroits, des inclusions sombres présentant un liseré clair à l'oeil nu (individu au centre). Observés à la loupe, ces éléments aux formes polygonales et aux angles émoussés révèlent un contenu cristallin fibreux entouré d'une fine gangue quartzeuse. Il s'agit de micro-enclaves arrachées à l'encaissant lors de la mise en place du magma granitique.

2. Le granite à enclaves de Waldersbach - anciennement granite de la Serva - (B2).

Situation : en aval du village de Waldersbach, existe un granite particulier qui ne forme pas d'affleurement au sens habituel (paroi...), directement accessible. L' absence d'aire de stationnement à proximité rend l'observation en groupe délicate. Des échantillons repérés dans un chemin d'exploitation seront présentés ci-dessous.

La roche montre (déjà) en surface un aspect hétérogène malgré la pellicule d'altération. En section (photo) apparaissent des masses sombres plus ou moins ovoïdes, finement cristallisées, aux contours légèrement arrondis, entourées d'un matériel beige à structure grenue. Le "liant" est composé de feldspath orthose et plagioclase souvent en phénocristaux, de quartz, de biotite et de rares amphiboles. Ce granite est apparenté à celui de Belmont proche. Les enclaves sombres correspondent la plupart du temps à des diorites. Ces dernières (échantillon de droite) possèdent du feldspath plagioclase plus ou moins altéré, du feldspath potassique, de l'amphibole au faciès particulier en aiguilles (Nadeldiorit), de la biotite et de rares quartz.

Détail du contact granite-enclave. La zone de contact entre les deux roches - d'apparence nette à première vue (photo précédente) - montre dans le détail quelques particularités remarquables : la bordure de l'enclave présente sur quelques millimètres une structure microgrenue où les amphiboles aciculaires sont absentes. Une seconde auréole à l'aspect coralliforme est formée de digitations microdioritiques. Dans les échancrures, s'introduit un granite d'aspect saccharoïde très clair, dépourvu de minéraux noirs. Au-delà, le granite reprend sa structure habituelle.

Cette roche singulière a été interprétée comme le résultat du mélange partiel de deux magmas de compositions différentes (Deschamps M. 1995). Selon cet auteur, l'arrivée d'un magma basique issu du manteau (température voisine de 1100°C) au sein d'un magma granitique (800°C) provoque en raison des différences de viscosité, la fragmentation du premier. Le refroidissement brutal (effet de trempe) de la bordure des enclaves limite les effets de contamination réciproque et freine leur cristallisation, tandis que le coeur de l'enclave passe par un palier de température qui favorise la croissance des cristaux d'amphibole. La baisse de température provoque également une contraction de ces corps qui libère un espace où vont cristalliser les derniers "liquides" du magma granitique riche en minéraux blancs.

À signaler : le granite à enclaves est apparenté avec celui de la bande nord du Champ du Feu (granite de Belmont).

3. Le "granite" du sommet du Champ du Feu (B3).

Situation : la crête sommitale entre la Rothlach et la tour du Champ du Feu offre des reliefs arrondis occupés par une lande. Elle se situe principalement au sein de la bande dite du Champ du Feu sud et n'offre guère d'affleurements notoires  Aussi, l'aménagement de parkings a mis à jour des blocs rocheux utilisés souvent pour délimiter des aires. Il faut rester prudent sur leur origine cependant...

  Fragment de bloc sur la piste de ski de la "Petite Serva" à l'arrière du chalet de secours. La roche grisâtre, à grain moyen, contient des feldspaths, du quartz, de la biotite et un peu d'amphibole. il s'agit d'une granodiorite appartenant à la bande du Champ du Feu sud.

À signaler : cette granodiorite se charge en enclaves sombres à proximité de la Bande médiane volcanique.

C. La partie commune au sud du carrefour de la Rothlach

1. Le rocher du Neuntelstein (C1).

Situation : situé à l'ESE du carrefour de la Rothlach, le rocher du Neuntelstein se présente comme une falaise abordable soit a. par le sommet (AR), soit b. par la base (AR) ou encore c. par un circuit combinant base et sommet.
a. Accès au sommet (altitude 971 m) : au carrefour de la Rothlach, prendre le sentier balisé par le Club Vosgien qui traverse la lande boisée de résineux et rejoint en une bonne vingtaine de minutes un abri ainsi que l'amas rocheux tout proche du Neuntelstein.
b. Accès à la base de l'abrupt : rejoindre par la route le départ de sentier qui se situe à 1,8 km du carrefour de la Rothlach sur la D 130 en direction du Hohwald. L'endroit est repérable par l'abondance de gros blocs qui jonchent la forêt de mélèzes. Tout près de la borne 16 (altitude 895 m) existe une possibilité d'arrêt pour car, sur le bord de la chaussée horizontale. À cet endroit, un sentier rejoint en montée la base du rocher (site d'escalade) au milieu des blocs (prudence lors des déplacements hors sentier).
c. Un raidillon qui part sur la droite rejoint la source de la Kirneck et poursuit jusqu'au sommet du Neuntelstein. Retour conseillé par le sentier du haut jusqu'au parking de la Rothlach où le bus aura attendu.

Le site du Neuntelstein est constitué d'un escarpement rocheux haut de 25 mètres sur environ 200 mètres de largeur. Il est formé d'une roche grise extrêmement dure, mais néanmoins fracturée et offre des possibilités d'escalade. Le versant au pied de la paroi est jonché de gros blocs détachés de la paroi aux périodes froides. 

Sommet du Rocher du Neuntelstein (971 m). Attention à l'abrupt ! Il offre par temps clair une vue sur le fossé rhénan et la Forêt-Noire, sur les sites du Mont Sainte-Odile et du Haut-Koenigsbourg. Les blocs rocheux exposés aux intempéries sont altérés en surface et recouverts de lichens.( Ne pas prélever d'échantillons). 

Échantillon de roche des environs du Neuntelstein. La roche grenue présente de grands cristaux de feldspath plagioclase et d'amphibole ainsi que des biotites et un peu de quartz. Il s'agit d'une diorite.

À signaler : la bande dioritique présente divers faciès selon les secteurs ainsi que des enclaves de roches sédimentaires transformées et de roches volcaniques variées. Il faut mentionner également l'existence de deux autres gisements de diorite :
- sur la bordure nord du massif, une bande discontinue est connue sous le nom de diorite de Muckenbach ; 
- au sein du granite à enclaves de Waldersbach un filon de diorite large d'une dizaine de mètres court depuis Le Trouchy jusqu'à la Magel. M. Deschamps considère ce dernier comme étant le filon d'alimentation probable du magma basique.

2. Le Rocher du Loup près du Welschbruch (C2).

Situation : Au carrefour (rond-point) du Welschbruch, prendre la direction Mont Sainte-Odile, Ottrott et poursuivre sur la D 426 jusqu'à une aire de stationnement située à 0,9 km. Là, emprunter à pied sur quelques mètres, un chemin en descente. Un panneau sur la gauche indique le Rocher du Loup tout proche. 

Le site naturel du Rocher du Loup est constitué par un chaos rocheux où les boules de granite atteignent des tailles métriques. L'érosion de l'arène superficielle ne permet pas l'installation de la hêtraie. L'endroit est colonisé par des mousses et des bouleaux. À son extrémité sud, un escarpement d'une dizaine de mètres plonge vers le vallon du ruisseau de la Kirneck.  

  Échantillon de roche. On pourra observer la roche sur quelques blocs issus de travaux à proximité immédiate de la route. De couleur rose, elle présente une structure grenue à microgrenue. Les minéraux reconnaissables sont le feldspath orthose, les plagioclases, le quartz et la biotite. On y observe des cavités (miaroles) tapissées de minéraux résultant d'une phase vapeur. Le granite est acide et de type hyperalcalin. Il s'agit du granite du Kagenfels.

À signaler : le granite du Kagenfels forme une bande arquée à travers la série des bandes de granitoïdes. Il apparaît comme un filon géant dont les bordures (voir Annexe 1) offrent des structures saccharoïdes à rhyolitiques. Il est accompagné également d'un complexe filonien développé dans sa partie sud.

3. La granodiorite du Hohwald (C3).

Situation : le domaine sud du massif du Champ du Feu comporte une série de granitoïdes dont la plus célèbre est la granodiorite du Hohwald responsable d'un métamorphisme de contact. Le site de référence est décrit dans les pages de géologie de la lorraine et de la lithothèque d'Alsace.

 

Échantillon. La roche grise et grenue contient des feldspaths potassiques jaunâtres, des plagioclases souvent translucides, du quartz gris, de la biotite et de l'amphibole.

À signaler : au contact des schistes de Steige qu'elle métamorphise, la granodiorite contient des enclaves de cornéennes. Dans sa partie nord, elle présente une structure porphyroïde et une plus grande richesse en quartz : faciès Louisenthal.

Sur la mise en place des magmas du domaine du Champ du Feu, voir l'annexe 2 


Auteur : Etienne FEUCHTER - Date de création : 22/01/2014 - Dernière modification : 14/05/2021

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