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Glissement de terrain à Sexey-aux-Forges : 3. Description

1. Les observations de terrain

La partie haute du village de Sexey-aux-Forges est bâtie dans une zone peu pentue. Des vestiges d'un château fort du XVème siècle appelé aujourd'hui "Le Manoir" attestent de l'ancienneté de cette partie du village. 

À l'opposé, la partie basse de la commune qui s'étend jusqu'à la rive gauche de la Moselle est établie dans le talus qui descend rapidement jusqu'à la berge de la Moselle canalisée.

Une grande partie du village est établie sur les marnes et argiles du Lias (fig.2a et b) ou sur des colluvions accumulées au pied de la Côte de Moselle.

Fig. 2a: Situation des Marnes et Argiles du Toarcien (Lias) dans la colonne
stratigraphique (âges donnés en M.a. = millions d'années - © BRGM)

Fig.2b: Coupe géologique passant par Sexey-aux-Forges

D'importants problèmes de génie civil sont récurrents dans la partie basse du village. Plusieurs observations peuvent en attester.

- D'une part des glissements de terrain épisodiques (fig.3) dans les jardins qui jouxtent les bords de Moselle allant, comme en 2010, jusqu'à encombrer et faire disparaître l'ancien chemin de halage, aujourd'hui transformé en piste cyclable (fig.4). Suite à cet événement des travaux sur le côteau ont été entrepris. Ainsi, 160 mètres de berge ont été décaissés sur 8 mètres de profondeur et stabilisés par un enrochement de 20.000 t de déblais et 28.000 t de rochers (d'après le Républicain lorrain du 11/09/2010).

Fig. 3: Loupe de glissement observée dans les jardins en juillet 2009 
(© Photo BRGM). La niche d'arrachement est bien visible.

Fig. 4a: Enrochement des berges de la Moselle (avril 2016)

Fig. 4b: Vue du chemin de halage en avril 2016 après dégagement
des colluvions glissées et stabilisation du talus

- D'autre part d'importants dégâts causés aux structures des constructions maçonnées. On pourra l'observer pour les murs d'enceinte des jardins qui sont fracturés ou déformés (fig.5a et b) et de façon encore plus critique pour diverses maisons d'habitation (fig.6) ou l'église Saint-Mansuy (fig.7). Construite à la même époque que le château, l'église qui a déjà dû être abbatue en 1865 puis rebâtie en 1870, est à nouveau fermée depuis le mois d'octobre 2014 après que d'importantes lézardes (fig.8a et b) soient apparues dans les murs et les voûtes, mettant la stabilité de l'édifice en péril.

  (a)  (b)

Fig. 5a et b: Dégâts causés aux maçonneries des jardins.

témoin en plâtre sur mur fissuré

Fig. 6:  Lézarde sur le mur d'une maison d'habitation. L'actualité des mouvements de terrain peut être mise
en évidence par l'observation du témoin en plâtre mis en place le 30 octobre 2000 et qui est fracturé. 

Fig. 7: Fractures (indiquées par des flèches rouges) sur l'église St Mansuy.

 (a)  (b)

 (c)

Fig. 8a, b et c : Déformations observées sur l'église ; gros plans sur les déformations subies
par les murs (a) et (b) (date : 27 avril 2016) et les ceintres ou voûtes de l'église (c) (date : 20 novembre 2015).
 (fig.8c ©  Photo Pierre Mathis L'Est Républicain)
Remarquer sur la fig.8b le fissuromètre Metland mis en place pour surveiller l'activité de la fissure.
Remarquer sur la fig.8c les voussoirs mis en place pour sécuriser la voûte.

Les colluvions (fig.9) apparaissent comme un mélange d'argiles et de plaquettes de marnes et de calcaires accumulés au pied de la côte de Moselle. Elles sont simplement plaquées sur les argiles et marnes du Lias.

Fig. 9: Colluvions (mélange d'argiles et de plaquettes de marnes et de calcaires)
observées en juillet 2009 au niveau d'une niche d'arrachement (© Photo BRGM)

Par sondage, ces argiles et marnes du Toarcien sont atteintes à moins 12 mètres sous les colluvions. Le nom évocateur de "Schistes-carton" (fig.2) qui leur a été donné à leur partie basale décrit de façon expressive leur organisation en feuillets et en dit long sur leurs propriétés rhéologiques.

Ces roches à composante argileuse sont à l'origine de phénomène de retrait-gonflement : les argiles s'hydratent et gonflent ou au contraire se déshydratent et dégonflent au gré des variations climatiques saisonnières. Sous climat tempéré, les sols sont généralement bien hydratés en raison des pluies régulières et c'est généralement un épisode de sécheresse qui constitue le facteur déclenchant (fig.10)

Fig.10: Illustration du phénomène de retrait-gonflement des argiles (© Minitère de l'Ecologie et du Développment Durable 2008)

Afin d'évaluer l'ampleur des phénomènes et avant d'entreprendre des travaux de consolidation de l'église, des sondages ont été effectués ; de plus, plusieurs types de fissuromètres (fig.11 a et b) ont été mis en place dès 2014, dont le suivi est assuré par le CEREMA (centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) de Nancy-Tomblaine.

« Un fissuromètre est un dispositif permettant de mesurer le déplacement relatif des lèvres d’une fissure ou d’une lézarde. Il est constitué de deux petites plaques en plexiglas, l’une graduée, l’autre pourvue d’une mire (croix rouge). Chacune des plaques est fixée au mur de part et d’autre de la fissure. Lorsque l’une ou les deux plaques s’écartent, la mire se déplace depuis la position « zéro » sur la grille graduée et enregistre le déplacement. Des relevés réguliers du fissuromètre permettent de caractériser le sens (horizontal ou vertical) du mouvement et sa vitesse. Ces déplacements peuvent être minimes (inférieur au mm) et passer inaperçus à l’œil nu. (1) »  Des relevés positifs (= déplacement de la mire vers la droite - fig.11a) indiquent un écartement des lèvres et un accroissement de la fissure alors que des relevés négatifs (= déplacement de la mire vers la gauche) signifient un rapprochement des lèvres et une fermeture de la fissure.

Fig 11a: Fissuromètre "Metland" mis en place pour la mise en évidence et la quantification
des déformations de l'église (27 avril 2016) - observation d'un déplacement vertical
vers le bas et horizontal en direction du NNE vers la Moselle.

Fig. 11b: Jauge "Saugnac" qui mesure de l'écartement des fissures (précision au 1:10ème de mm
par un vernier bien visible) mise en place à l'extérieur de l'église (29 juillet 2016) 

Bien que ces études soient encore en cours en 2016, les relevés réguliers des déformations ont confirmé le caractère saisonnier du phénomène de retrait-gonflement. "(...) les fissures se sont écartées jusqu'en juin de cette année. Elles se sont reserrées de juin à septembre et elles s'écartent à nouveau depuis (...)." (*)

A ce titre, il est toujours judicieux de comparer les mesures de fissurométrie avec les relevés pluviométriques pour la période considérée.

(*) Propos de Mr Christian Drouot, Adjoint au Maire de Sexey-aux-Forges parus dans L'Est Républicain, édition de Nancy Agglmomération du 21 novembre 2015.

2. Le Plan de Prévention des Risques (P. P. R.) mis en place

Dès 1999, à la demande de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, la Direction Départementale de l'Équipement de l'époque (D.D.E) a été chargée de mettre en place un Plan de Prévention des Risques pour la commune de Sexey-aux-Forges soumise aux aléas relatifs aux mouvements de terrain sur le côteau de la Moselle (2).

L'évaluation du risque lié aux phénomènes naturels doit prendre en compte deux principaux facteurs (source : site web de l'Université Virtuelle Environnement et Développement durable - UVED) :

- l'aléa, c'est-a-dire un "événement ou processus potentiellement dangereux, défini par une intensité (pourquoi et comment ?), une occurrence spatiale (où ?) et temporelle (quand ?, durée ?)";

- les enjeux et la vulnérabilité "liés à la présence humaine (personnes, habitations, activités économiques, infrastructures…) et qui traduisent la fragilité d’un système dans son ensemble et sa capacité à surmonter la crise provoquée par l’aléa".

Ainsi pour la commune de la Sexey-aux-Forges, les phénomènes de retrait-gonflement d'argiles constituent un des aléas à considérer (l'autre aléa est lié aux éboulements rocheux des falaises bordant la Moselle). Trois niveaux théoriques d'intensité (fort, moyen, faible) de cet aléa peuvent être définis, en fonction du contexte du local, prenant en compte l'existence de mouvements anciens ou actifs, la nature lithologique des terrains et la pente naturelle. Lors de l'établissement du P. P. R. sur la commune de Sexey-aux-Forges, ces niveaux d'intensité ont été  déterminés (aléas moyen à faible) et cartographiés (fig.13).

Fig.13: Carte des aléas liés aux phénomènes de retrait-gonflement d'argiles sur la commune de Sexey-aux-Forges (d'après le site web InfoTerre-BRGM)

Concernant la vulnérabilité, si les enjeux humains sont réduits, il n'en va pas de même quant aux biens et activités susceptibles d'être affectés par ces mouvements de terrain.

En conséquence, un zonage du territoire communal a été mis en place, incluant des mesures de prévention s'appliquant sur les secteurs communaux où le risque s'avère le plus élevé ; ainsi sur le secteur de l'église, classé en zone dite de protection, toute nouvelle urbanisation est interdite, et le développement ou l'extension de l'existant sont limités.

 

Bibliographie

(1) Barras A.V., Mathon C. (2001) – Reconnaissances géotechniques, instrumentation et suivi des mouvements du sous-sol du quartier Acajou (Le Lamantin, Martinique). – Rapport final – BRGM – RP59891-FR, 150 p., 43 ill., 4 ann.
(2) Arnoux C., Cruz Mermy D., Fischer C., Dubois A., Fourniguet G. (2006) – Inventaire départemental des mouvements de terrain de la Meurthe-et-Moselle. Rapport final. BRGM/RP-54826-FR, 114 p., 28 ill., 5 ann.
 
Dossier thématique proposé par le BRGM en téléchargement gratuit : ici.

 


Auteurs : Didier ZANY - Philippe MARTIN - Date de création : 11/04/2016 - Dernière modification : 22/11/2016

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