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Discordance infra-crétacée : 3. Description

Le site de Ville-sur-Saulx était célèbre pour être un point repère où la discordance infra-crétacée pouvait être observée. Celle-ci n'est plus objectivement observable.

Les vestiges des anciennes exploitations d'Oolithe vacuolaire (Pierre de Savonnières) sont encore visibles sous la forme de profonds sillons entaillant le plateau barrois entre Ville-sur-Saulx et Brillon-en-Barrois.

Ces sillons sont davantage des accès aux sites d'exploitation souterrains en galerie que des carrières. Ils permettaient l'évacuation des blocs produits (fig.2 et 3).

Fig.2  Sillon, trace d'une exploitation passée, colonisé par la végétation

Fig.3: Sillon, vestige d'une ancienne exploitation, permettant
d'accéder aux galeries et d'évacuer les blocs produits

L'exploitation s'est faite surtout en galeries. En effet, le niveau exploité n'excédant pas deux mètres de puissance, le volume à découvrir pouvait être trop important pour que l'exploitation en carrière soit rentable.

Ce type d'exploitation en galerie est devenu de type "industriel" dans les carrières de Savonnières-en-Perthois ou Brauvilliers (voir la fiche Pierre de Savonnières).

Il reste peu de traces de ces galeries qui sont toutes éboulées ou cachetées par les sédiments meubles du Crétacé qui ont flué. La seule galerie accessible qui a pu être pénétrée (fig.4 et 5), l'a été en rampant seulement sur deux mètres environ (taille d'un homme). Quelques strates sont encore visibles et celle de la base de la série en place correspond à une roche de teinte beige, marneuse (effervescence à l'acide) et sableuse, bioturbée, contenant quelques bioclastes (coquilles d'ostréidés) et des lithoclastes (ou intraclastes) infra- à plurimillimétriques de nature variable : calcaire oolitique (Oolithe vacuolaire), éléments (parfois pisolithiques) ferrugineux... Ces derniers étant vraisemblablement des débris remaniés de minerai de fer fort présent dans la région. Cette composition permet de rattacher ce banc au Valanginien (formation n°3 sur la fig.7). Si  tel est le cas, la discordance infra-crétacée doit se situer à quelques décimètres sous cette strate.

Fig.4: Entrée d'une galerie effondrée

Fig.5: Partie supérieure de la paroi de la galerie effondrée accessible en position
semi-couchée (le banc vert contre lequel est posé le manche du marteau
est du Valanginien : des marnes sableuses à lithoclastes ferrugineux)

L'Oolithe vacuolaire, appelée ausi Oolithe du Barrois, Pierre de Savonnières, de Brauvilliers, de Chévillon, de Combles, d’Haironville, de Ville-sur-Saulx (1)… est un calcaire oolithique du Tithonien supérieur qui ne doit pas être confondu avec un autre faciès, l'Oolithe de Bure, du Tithonien inférieur (voir les fiches correspondantes de Reffroy ou Givrauval). Cette formation constituerait les derniers terrains du Jurassique supérieur présents sur le site et sur lesquels reposeraient en discordance les terrains du Valanginien (fig.6).

Fig.6: Position stratigraphique des terrains présents à Ville-sur-Saulx

Les sédiments de découverte (peu épais à Ville-sur-Saulx) seraient ainsi composés, à la base, par les marnes sableuses du début du Valanginien (Crétacé inférieur) et, au sommet, par des argiles fossilifères très riches en tubes de serpules et coquilles d’huîtres, les Argiles ostréennes, du Barrémien inférieur (affleurant en surface par plaques en forêt). La formation intermédiaire des Calcaires à spatangues, de l'Hauterivien, n'a pas pu être observée à l'affleurement.

La discordance (qui se traduit par une surface d'érosion) en elle même n'est donc plus visible directement sur le terrain comme c'était le cas quand les carrières étaient exploitées, faute de fronts de taille dégagés permettant de voir le contact anormal entre calcaires du Jurassique et sables du Crétacé (fig.6 et 7). Pour les mêmes raisons, les différences de pendages, déjà peu marquées, et qui permettraient de mettre en évidence une discordance angulaire entre le Tithonien et le Valanginien ne sont pas repérables sur ce site. Seule la nature des sédiments permet de déceler la transgression avec des fragments de Jurassique ou de fer fort remaniés.

Fig.7: Coupe lithologique complète du Crétacé inférieur discordant sur le Jurassique
terminal relevée autrefois à l'entrée d'une des carrières de Ville-sur-Saulx
(lithologie redessinée d'après la figure I de la thèse de Corroy, 1925) (2).

Légende :
1 : Calcaires dolomitisés du Tithonien ; 2 : Lit d'ocre avec
Teredo sp. ; 3 : Marnes sableuses à intraclastes ferrugineux ; 4 : Grès ferrugineux compact ; 5 : Marnes sableuses fossilifères ; 6 : Calcaires oolithiques tendres, contenant à la base des ossements de reptiles et de poissons ; 7 : Calcaires jaunes rognoneux à Toxaster retusus avec intercalations marneuses à Exogyra aquila dans la partie supérieure ; 8 : Argiles à Liostrea leymeri  ; S.d.T : Surface de transgression ; @ : Acanthodiscus radiatus, Neocomites houdardi (ammonites trouvées à Ville-sur-Saulx d'après Roman, 1933).

L'origine de la discordance infra-crétacée est à mettre en relation avec les mouvements tectoniques se déroulant lors de l'ouverture du Golfe de Gascogne et de l'Atlantique Nord entre la fin du Jurassique et le début du Crétacé. Cet événement conduit au relèvement des terrains sédimentaires anté-Crétacé et aux prémices de la configuration actuelle en cuestas du Bassin parisien. Une phase d'émersion s'ensuit avec mise en place d'une cuirrasse latéritique (= ferricrète) à l'origine de la formation du minerai de fer fort (voir fiche de la Borne de fer à Aumetz et Sentier des Minières de St-Pancré en Moselle). Au Valanginien, depuis la Bourgogne, la mer se réinstalle, mais dans l'ouest de la région seulement (jusqu'à la longitude de Bar-le-Duc). Des dépôts transgressifs sableux discordants se mettent en place sur un substratum jurassique érodé et remanié. Selon les endroits (voir cartes et notices géologiques de Bar-le-Duc, de Revigny-sur-Ornain ou de Joinville et fig.6 & 8), le Valanginien (n2) peut ainsi reposer sur des formations tithoniennes de nature et d'âges différents : Calcaires cariés, tachetés ou tubuleux (j9a) pour les plus anciennes, Oolithe vacuolaire, Calcaires dolomitiques (j9b) pour les plus récentes.

Fig.8 : Coupe géologique à travers le Synclinal de Savonnières montrant la surface d'érosion et la discordance infracrétacées en Lorraine occidentale et territoires limitrophes (d'après Le Roux, 2014)[3] - cliquer sur l'image pour l'agrandir

Bibliographie

(1) FRONTEAU G. (2000) - Comportements télogénétiques des principaux calcaires de Champagne-Ardenne, en relation avec leur faciès de dépôt et leur séquençage diagénétique,Thèse de Doctorat en Sciences de la Terre, Université de Reims Champagne-Ardenne, 296 pages.

(2) CORROY G. (1925) -  Le Néocomien de la bordure orientale du Bassin de Paris, Thèse d'état en Géologie, Faculté des Sciences de Nancy, 334 pages.

(3) LE ROUX J. (2014) - La discordance du Crétacé sur le Jurassique à l'est du Bassin parisien. In "Le Bassin parisien, un nouveau regard sur la géologie". Gély J.-P. et Hanot F. (dir.). Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, Mémoire hors-série n°9, p.170.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 21/07/2016 - Dernière modification : 04/01/2023

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