Faille et fossé de la Marne : 3. Description
Le fossé de la Marne, dénommé également double faille de la Marne, s'inscrit dans une série de fossés tectoniques qui affectent la couverture sédimentaire mésozoïque de l'est du Bassin parisien et le sud de la région Lorraine, sur un territoire délimité par la faille de Metz au nord et celle de Vittel au sud (voir fiches Chassey-Beaupré, Removille ou Colombey par exemple). Ces fossés d'effondrement longs d'une dizaine à une trentaine de kilomètres tout au plus, sont étroits et bordés par deux failles parallèles. Si la plupart de ces grabens présentent une orientation NNE-SSO, celui de la Marne s'en distingue par sa direction quelque peu différente, N-S à NNO-SSE (fig.2).
Fig.2 : Carte structurale de la Lorraine méridionale
Dans le paysage, le fossé de la Marne s'inscrit en relief conforme, au fond d'une dépression topographique. Narcy se situe au centre du graben dont la lèvre occidentale est délimitée par une faille majeure, la faille de la Marne (ou de la Houpette). Celle-ci est à l'origine d'un dénivelé d'une quarantaine de mètres entre le compartiment effondré occupé par les terrains crétacés (altitude 190 m), sur lequel est implanté le village de Narcy, et le compartiment surélevé et ses calcaires tithoniens (altitude 230 m) à l'ouest de la faille (fig.3). Cette configuration donne l'illusion d'une réapparition de la cuesta de la Côte des Bars (Tithonien) pourtant distante d'une vingtaine de kilomètres plus à l'est (Ligny-en-Barrois). Les 70 à 80 mètres d'épaisseur de terrains qui séparent le Tithonien (Calcaires dolomitiques) et l'Albien (Argiles du Gault) (fig.4), au contact de la faille de la Marne, donnent la valeur du rejet de cette structure.
Fig.3 : Panorama sur le fossé de la Marne près du lieu-dit "le Jardinot" ;
vue depuis l'est en direction de l'ouest (cliquer sur l'image pour obtenir une interprétation).
Fig.4 : Place des terrains dans la colonne stratigraphique et importance du rejet de la faille de la Marne
L'autre bordure (orientale) du fossé est soulignée par une faille dont le jeu est moins prononcé dans la morphologie du paysage : les terrains surélevés, correspondant à la formation du Calcaire à spatangues d'âge Hauterivien (Crétacé inf.), descendent progressivement en surface structurale en direction du fossé (fig.3 et 6).
La nature des terrains au centre du fossé est difficilement accessible et vérifiable en raison du manque d'affleurements. D'anciennes carrières signalées dans le Bois Sottier ou au nord de Narcy, sur la carte géologique, et abandonnées depuis longtemps, ne sont plus aujourd'hui au mieux que tranchées ou talus enfouis sous la végétation. Il faut donc s'en référer aux relevés cartographiques qui indiquent la présence de la série argilo-sableuse du Crétacé inférieur (Barrémien à Albien) au centre du fossé (fig.5 et 6).
Fig.5: Carte géologique simplifiée du fossé de la Marne à Narcy
(cliquer sur la carte pour faire apparaître la colonne stratigraphique)
Fig.6: Coupe géologique passant par le Fossé de la Marne au sud de Narcy
(remarquer également la discordance des dépôts valanginiens n2 sur le Jurassique)
Le Calcaire à spatangues est finalement la seule formation que l'on peut échantilloner sous forme de pierres volantes, dans les labours, à l'est de Narcy de part et d'autres de la route menant à Savonnières. Ce calcaire beige très fossilifère, livre notamment l'oursin irrégulier "spatanguiforme" Toxaster retusus (fig.7) à l'origine du nom de cette formation néocomienne.
Fig.7: L'oursin Toxaster retusus du Calcaire à Spatangues (Hauterivien - Narcy)
Le fossé de la Marne a une double origine. La première est celle qu'il partage avec tous les autres fossés tectoniques du sud de la Lorraine dont la genèse est liée à la phase de rifting oligocène contemporaine de la formation du fossé rhénan alsacien (voir "la distension en Alsace" sur ce site).
L'autre origine est aussi plus ancienne et serait héritée de l'orogenèse hercynienne de la fin du Carbonifère. La faille de la Marne est en effet la seule (de l'ensemble des fossés tectoniques régionaux qui affectent la couverture mésozoïque) marquée par une anomalie gravimétrique de Bouguer importante (en plus d'une orientation différente). Les séries sédimentaires homogènes du Bassin parisien ne peuvent donc pas en être la cause. Une source plus profonde est à rechercher dans le socle. Si on associe cette anomalie à des variations de densité d'entités rocheuses en profondeur, celle-ci coïnciderait avec le passage latéral d'un compartiment de matériaux de densité élevée (anomalie positive) à un compartiment de matériaux de densité moindre (anomalie négative) : respectivement, séparés par la faille, le socle dévonien à l'ouest, et les bassins permo-carbonifères de Lorraine à l'est (fig.8).
Beaucoup plus tard, à la faveur des événements tectoniques de la fin du Paléogène, cette faille ancienne du socle varisque aurait rejoué, donnant naissance à un faisceau complexe de lanières bouleversant l'horizontalité ou la continuité des terrains sus-jacents plus récents (Leroux, 2014). Contrairement à la faille de la Marne, les failles néoformées, bordant les fossés tectoniques du sud de la Lorraine, n'atteignent pas le socle (ex. : fossé de Gondrecourt ou de Bicqueley - fig.9).
Fig.8: Anomalies gravimétriques et coupe interprétative du socle
situé sous la couverture sédimentaire de l'est du Bassin parisien ;
coupe est-ouest passant par la faille de la Marne (d'ap. Debeglia, 2014)
Fig.9: Coupe géologique E-O simplifiée de la Lorraine (extrémité sud-ouest)
montrant l'origine profonde de la faille de la Marne (d'après Gély et Hanot, 2014)
À noter également l'occurence de sources assez nombreuses (ex.: source Ste-Glossinde) dans le graben de Narcy en raison de la préservation des terrains crétacés et de leur lithologie, propice à la constitution de nappes aquifères : nappe des sables meubles de l'Aptien supérieur (Gargasien), nappe des sables et grès du Barrémien supérieur, nappe du Calcaire à spatangues de l'Hauterivien dont l'émergence, au contact des Argiles ostréennes barrémiennes imperméables par le jeu de la faille orientale du fossé, alimente la fontaine St-Pierre et le lavoir au sud du village (fig.1).
BIBLIOGRAPHIE
DEBEGLIA N. (2014) - Le socle du Bassin parisien d'après les données gravimétriques, magnétiques et les sondages profonds in GÉLY J.-P. ET HANOT (dir.) - Le Bassin parisien, un nouveau regard sur la géologie. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, Mémoire hors-série n°9, 228 p., 1 pl.
GÉLY J.-P. et HANOT F. (coord.) (2014) - Coupe géologique du Bassin parisien et du Fossé rhénan. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, Mémoire hors-série n°9, 1 pl.
LEROUX J. (2014) - La faille de la Marne in GÉLY J.-P. et HANOT F. (dir.) - Le Bassin parisien, un nouveau regard sur la géologie. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, Mémoire hors-série n°9, 228 p., 1 pl.
Auteurs : Didier ZANY - Philippe MARTIN - Date de création : 03/11/2016 - Dernière modification : 30/06/2017