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Musée de la Montagne : 3. Description

Les informations de cette fiche, en partie extraites des panneaux d’exposition du Musée, ne sont qu’un aperçu de ce que le visiteur pourra découvrir lors d’une visite du Musée de la Montagne.

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Le Musée Départemental de la Montagne situé dans le village de Château Lambert, témoigne de la vie quotidienne dans la montagne vosgienne au début du 20ième siècle, avant les profonds changements provoqués par la première guerre mondiale.

L'habitat, le mode vie local et l'agriculture traditionnels sont présentés. Un parcours propose aux visiteurs la découverte des métiers liés à la forêt et à l’artisanat du bois.

Une salle est consacrée au travail lié à la mine (creusement, évacuation des eaux d'exhaure au moyen de pompes en bois, sortie du minerai, traitement du minerai...). (fig.2, 3 et 4)

En effet, cette région du sud des Vosges a été un site important d'exploitation des métaux non ferreux, souvent à des fins militaires. Le cuivre a été le premier recherché dès le 17ième siècle pour fabriquer du bronze et couler des canons. Du plomb argentifère a été extrait pour frapper de la monnaie. Ce n'est que plus récemment, au début du 20ième siècle, que le molybdène a été exploité pour la production d’aciers spéciaux.

Depuis 1981, la mine de Château-Lambert est inscrite sur la liste supplémentaire des Monuments Historiques. Les réseaux souterrains sont classés au titre d´un arrêté préfectoral de biotope.


Historique.
L’exploitation des mines à Château Lambert a débuté à la fin du 16ième siècle sous le règne de Philippe II d'Espagne. Le Comté de Bourgogne (qui correspond peu ou prou à la Franche-Comté actuelle) était alors une possession des rois d’Espagne. L’exploitation du cuivre a eu un rôle important dans l’économie comtoise pendant tout le 17ième siècle. Mais l’épuisement des filons a conduit à l’arrêt définitif de l’activité en 1768.

A quelques kilomètres de là, les mines du Thillot (voir la fiche Les Hautes-Mynes du Thillot) qui exploitaient les mêmes gisements mais sur le versant nord du massif, appartenaient au Duc de Lorraine. Ce voisinage n’a pas été sans quelques tensions et les mineurs ont dû inventer un système (le cadran minier) qui leur permettait de ne pas franchir la frontière souterraine séparant les deux territoires ennemis.

Dans un second temps, l'activité minière s'est intéressée au molybdène. La découverte de l’intérêt de ce métal par Schneider pour durcir l’acier (il l’utilisa dans les blindages à la place du tungstène) à la fin du 19ième siècle a déclenché la reprise de l’activité minière à Château Lambert à partir de 1899. La molybdénite (MoS2) a d’abord été recherchée dans les haldes laissées par l’exploitation du cuivre (accumulation des roches stériles, c’est-à-dire dépourvues de cuivre) qui étaient faciles à exploiter. Puis en 1938, la Société française d’Etudes et Entreprises a lancé de nouvelles recherches de minerai et a réalisé une exploitation souterraine de 1942 à 1944. Elle reste à ce jour la seule exploitation primaire de minerai de molybdène jamais menée en France. 6000 tonnes de minerai à 0,37% de molybdène ont ainsi été extraits des mines de Château Lambert (http://www.societechimiquedefrance.fr/extras/Donnees/metaux/mo/cadmo.htm). Ce gisement était très rentable si l'on sait que le clarke (teneur moyenne d'un élément dans la croûte terrestre) du molybdène est fixé à 1,2ppm (http://www.mineralinfo.fr/sites/default/files/upload/documents/Plaquettes/brgm_plaquette_molybdene.pdf).

L’extraction du cuivre a débuté à La Tête du Midi (fig.6), là où les filons affleuraient, puis elle s’est poursuivie en profondeur et a nécessité le creusement de puits et de galeries pour suivre les filons. La dendrochronologie appliquée aux bois trouvés dans la mine (bois de soutènement, pompes, conduites d’eau, etc.) a aidé à établir les phases de l’exploitation minière. Une maquette réaliste de l’exploitation est présentée dans le musée (fig.2).

Fig. 2 : Maquette type d'une mine à Chateau-Lambert

De l’extraction du cuivre à la pointerolle et au marteau (fig.4), au lavage du minerai dans une sapine avant l’envoi vers la fonderie, toutes les étapes de l’exploitation sont décrites dans l’exposition, ainsi que les outils et métiers associés à chacune d’elles (fig.3). Des machines animées par la force hydraulique permettaient de broyer le minerai et des pompes éliminaient l’eau qui envahissait les galeries. Le travail des mineurs était rendu difficile par la dureté de la roche, le pendage des filons, l’omniprésence de l’eau, et l’atmosphère lourde et insalubre.

Panneau 2 Panneau 1

Fig. 3 : Panneaux explicatifs dans le musée (cliquer pour agrandir)

Fig. 4 : Anciens outils de mineurs retrouvés lors de fouilles dans les anciennes galeries de mine.

En contrebas de l'église, on peut accéder facilement par un petit sentier à la stolle (de Stollen = galerie en allemand) Saint Jean (fig.6) sur la rive droite de la rivière l'Ognon. Il s'agit de l'entrée d'une galerie orientée N70°E creusée initialement par De Gensanne en 1734 et dont le but était d'évacuer les eaux d'exhaure de la mine (fig.5) ; celle-ci a ensuite servi de galerie d'exploitation. Cette galerie, la plus récente du site, a en particulier été utilisée durant la seconde guerre mondiale pour la recherche de molybdénite.

Fig. 5 : La stolle Saint Jean, entrée de la galerie de l'ancienne mine en contrebas de l'église.

La "terrasse" bien marquée au bord de la rivière est le vestige d'une ancienne halde, emplacement où se trouvaient des ateliers de traitement du minerai et où les roches stériles étaient accumulées.

Une halde plus vaste (près de la stolle ou mine Saint Georges) est également visible au dessus de Chateau Lambert (fig.6).

Fig. 6 : Maquette  du Musée de la Montagne permettant de situer les différentes zones d'exploitation (galeries et déblais accumulés)

Géologie et gîtologie.
Le gisement est porté par un faisceau de six grands filons de quartz ou de pegmatites sensiblement parallèles et orientés NO-SE avec un pendage de 60° à 70° vers le SO ; leur puissance varie de 0,30 à 1,20 mètre. Ils sont encaissés dans un massif de syénodiorites situé au contact avec le monzogranite porphyroide à amphibole ou Granite des Ballons. Ces syénodiorites constituent de fait son faciès de bordure. 

La situation du gisement à sulfures de Château Lambert-Le Thillot et la zonation des minéralisations dans tout le Massif des Ballons est liée à la mise en place des différentes intrusions du Granite des Ballons durant le Carbonifère au Viséen Inférieur (datation U-Pb sur zircons à 340+-4 Ma par Schaltegger et al. en 1996)(Tabaud 2012).

(Voir fiche "Syénite-monzonite de la Tête Niqueuse" à venir).

Dans le musée, un plan et une coupe donnent la structure spatiale et géologique du gisement.

La pegmatite qui porte la minéralisation est principalement constituée de quartz laiteux et d'orthose, l'albite y est rare, le mica noir a été remplacé par de la chlorite, la calcite est assez abondante.
Les minéralisations de la pegmatite sont principalement constituées de sulfures (fig.7), minéraux de haute température qui attestent ainsi de la proximité de l'intrusion : chalcopyrite CuFeS2, molybdénite MoS2 et pyrite FeS2.
Quelques minéraux uranifères sont présents : brannérite (U4+,Ca)(Ti,Fe3+)2O6 et la forme oxydée Uraninite UO2, de la scheelite CaWO4 a été également signalée ainsi qu'un peu de galène (PbS) contenant des traces d'argent et dénommé "plomb argentifère".
Comme dans tous les gisements, différents minéraux secondaires représentant les différents stades d'altération du gisement sont présents : des oxydes de cuivre ou encore des carbonates de cuivre comme la malachite Cu2CO3(OH)2 ou l'azurite Cu3(CO3)2(OH)2  par exemple (fig.7).


Les minéralisations de basse température qui sont également associées à l'intrusion du Granite des Ballons, comme la Baryte (BaSO4) par exemple, sont quant à elles situées à plus de dix kilomètres de Château Lambert, comme à l'ancienne mine de Maxonchamp près de Rupt/Moselle (Vosges) ou à Houppach près de Masevaux (Haut-Rhin). Cet éloignement est en accord avec la taille de l'intrusion et avec  la zonation des minéralisations classiquement décrite autour d'un pluton granitique : cette distribution spatiale confirme une nouvelle fois la proximité et la parenté du gisement molybdifère de Château-Lambert avec l'intrusion mère des éléments chimiques révélés ici.

  échantillon de chalcopyrite

echantillons de minerai de cuivre altéré

Fig. 7 : Echantillons de molybdénite (à gauche), chalcopyrite sur quartz (à droite) et minéraux secondaires d'altération (en bas) : azurite (bleue) et malachite (verte).

Les déblais accumulés à proximité des entrées de mines dans les haldes renferment outre des éclats de syéno-diorite stériles, des blocs de pegmatites et de quartz laiteux issus des filons dépilés. Avec beaucoup de ténacité et de chance, on pourra peut-être y trouver des minéralisations de molybdénite et de chalcopyrite.

 

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Références documentaires :

Le site internet du musée : http://www.musees-franchecomte.com/index.php?p=242&art_id

Sur l’histoire des mines  http://www.ermina.fr/valorisation/ChateauLambert.html

Tabaud A.-S. (2012) Le magmatisme des Vosges : Conséquence des subductions paléozoïques (datation, pétrologie, géochimie, ASM). Thèse de Doctorat, Université de Strasbourg, EOST, 231 pages.

Schaltegger U., Schneider J.-L., Maurin J.-C. et Corfu F. (1996) Precise U-Pb chronometry of 345-340 Ma old magmatism related to syn-convergence extension in the Southern Vosges (Central Variscan Belt). Earth and Planetary Sciences Letters, 144, 403-419.

Documents du musée

Notice de la carte géologique BRGM Feuille de Giromagny n° 411

Notice de la carte géologique BRGM Feuille de Thann n° 412


Auteurs : Roger CHALOT - Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 06/07/2017 - Dernière modification : 01/10/2017

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)