Ophiolite du Thalhorn : 5. Annexe I
Ci-après est développée la reconstitution proposée dans des publications récentes par E.Skzrypek et al. (2011, 2014) et A-S.Tabaud (2012).
Les données des études récentes faites sur la zone des klippes (3) (4) (5) :
La géochimie des gabbros montre des affinités avec celle d’une dorsale à expansion lente, selon les éléments traces. Les datations par la méthode Sm-Nd donnent un âge de 372 ± 18 Ma soit Dévonien supérieur (limite Frasnien-Famennien). Il y aurait donc à cette époque une distension de la lithosphère qui permet une fusion partielle du manteau supérieur et l’injection de liquides magmatiques à l’origine des gabbros au sein du manteau lithosphérique.
Les gneiss du substratum retrouvés dans les klippes ont une histoire longue : : plusieurs événements majeurs les ont affectés notamment vers -1845 Ma et vers -2090 Ma ; le dernier événement enregistré se situant à -575 ± 29 Ma (5). Le dernier épisode de leur formation est donc d'âge néoprotérozoïque. Ce sont vraisemblablement des métagranites, pour partie au moins.
Les roches d'origine sédimentaire (schistes et conglomérats) indiquent l’existence d’un bassin profond à partir du Dévonien supérieur. Dans ce bassin, la partie sud comprend des matériaux volcaniques qui ne figurent pas au nord (Fig I.2). Les plus anciens sédiments sont datés du Faménnien par les fossiles, ce que confirme la datation Dévonien supérieur obtenue par la méthode Sm–Nd appliquée à des zircons détritiques.
La lithologie des klippes, qui comprend des éléments de croûte continentale (gneiss) et des éléments de manteau (gabbros et serpentinites), suggère une zone de transition continent-océan.
Des corrélations faites avec d’autres massifs varisques (ophiolite de la Brévenne dans le nord du Massif Central, zone de Badenweiler-Lenzkirch du sud de la Forêt Noire) conduisent à admettre l’existence d’un bassin d’arrière-arc d'accrétion océanique pour les Vosges du Sud, et plus largement dans la zone moldanubienne du système varisque (Fig I.1).
Les galets de roches de la croûte continentale et de roches du manteau trouvés dans les conglomérats vont dans le sens d’une zone de transition continent-océan, où la croùte continentale se fragmente, et le manteau apparait. Dans un tel contexte, le manteau lithosphérique progressivement exhumé et bréchifié, est soumis à l’érosion, libère des blocs qui s’accumulent dans des dépressions au pied de falaises sous-marines. Des lambeaux de croûte continentale subsistant au-dessus du manteau fournissent aussi des matériaux. Le conglomérat polygénique serait ainsi le résultat de l’érosion sous-marine de blocs juxtaposés continentaux et océaniques.
Les plissements et chevauchements, allant jusqu’à l’exhumation de parties profondes du bassin représentées dans les klippes, traduisent une inversion des mouvements d’extension au Viséen (= début du Carbonifère).
D’après les données géophysiques, une zone de faible densité existe sous la zone des klippes, ce qui correspondrait à l’existence d’une ride granitique sous les sédiments allochtones. Le granite des Crêtes se prolongerait ainsi sous l’unité allochtone (Fig I.3). Les filons de microgranite sont sans doute à relier à ce pluton. Leur disposition subparallèle à la stratification serait un argument en faveur d'un magmatisme quasi-synchrone de la déformation.
L'évolution géodynamique proposée (Fig I.4.)
La combinaison des données lithologiques, géochimiques et géochronologiques recueillies sur la Ligne des Klippes indique l’ouverture d’un bassin à composante océanique au Dévonien supérieur.
Un amincissement du substratum néoprotérozoïque s’est produit par l’étirement d’une marge continentale et la naissance d’une zone de transition continent-océan.
L’exhumation du manteau et le magmatisme basique à l’origine des gabbros, répondent aux caractéristiques d’une zone à expansion lente, probablement d’arrière-arc.
Ce bassin a reçu une sédimentation de plateforme au cours du Frasnien-Famennien (Dévonien sup.). Par la suite, il a été rempli par des sédiments de type flysch au moins au cours du Viséen inférieur, alors que sa fermeture commençait. La partie sud contient en outre des intercalations de matériaux volcaniques (tufs) que la partie nord ne possède pas, ce qui montre que quelque part vers le sud se produisait une activité volcanique intense. Il y aurait donc au sud une zone de subduction active à l'origine de ce volcanisme au cours du Viséen.
L’absence de roches volcaniques dans la partie nord du bassin s’expliquerait par l’existence d’un bloc de croûte continentale mis en place au cours du rifting continental et qui, faisant barrage, aurait séparé les deux parties du bassin.
Au cours du Viséen moyen, la couverture sédimentaire a été plissée et l’unité allochtone a été poussée sur l’unité autochtone, mais aussi, des fragments du fond du bassin (ophiolites) ont été exhumés, et se retrouvent aujourd’hui dans les klippes. La direction de compression était globalement NE-SO. Dans le même temps se sont produites des intrusions granitiques dans le soubassement (granite des Crêtes, et filons de microgranite).
Le bassin d’arrière-arc ouvert au Dévonien supérieur et fermé au Viséen moyen a pris naissance au sein du bloc Moldanubien en lien avec la subduction vers le nord de l’Océan Paléotethys, au cours de la fermeture du système varisque.
Fig I.1. La chaîne hercynienne
Fig. I.2: La lithostratigraphie du Dévonien-Carbonifère des Vosges du Sud (Skrzypek et al. 2011,Tabaud 2012)
Fig. I.3: Schéma structural des Vosges du Sud (Skrzypek et al. 2011)
Fig. I.4: Evolution géodynamique du bassin d'arrière-arc des Vosges du Sud, du Dévonien supérieur au Viséen moyen (d'après Skrzypek et al. 2011)
Auteurs : Roger CHALOT - Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 07/07/2017 - Dernière modification : 21/07/2023