La "sablière" de Berthelevaux est une immense carrière de grouine désaffectée ouverte dans un vallon qui entaille la Côte de Meuse entre Coussey et Sionne (doc4).

Doc.4: Vue de la carrière depuis la zone recolonisée.

Du fait de la hauteur du front de taille et des risques liès à leur instabilité, la carrière a été exploitée en paliers (doc5 et doc7)

Doc.5: Front de taille en paliers avec des accumulations de grouine au niveau de base de la carrière. Le massif rocheux visible au sommet du front de taille est inaccessible. C'est un des deux affleurements en place des calcaires oxfordiens épargné par l'altération.

La grouine est principalement utilisée comme granulat en tout-venant pour le remblais, les chaussées, les cours de ferme, les chemins ou les travaux de génie civil. Elle a servi également à la fabrication d'enduits pour les façades.

Cette carrière ouverte entre les deux guerres mondiales a connu un premier essor important dans les années 50 afin de fournir les matériaux de stabilisation de la piste de l'aérodrome OTAN de Damblain près de Lamarche (88). Mise en sommeil, elle a été réouverte dans les années 2000 lors de la construction du gazoduc "Marches du Nord-Est". 100 000 tonnes de grouine ont alors servi à caler les tuyaux au fond des tranchées dans la traversée des communes de Clérey-la-Côte, Ruppes, Martigny-les Gerbonvaux et Tranqueville-Graux.

Doc.6: Vue aérienne de la carrière. On distingue la zone réactivée dans les années 2000 et la zone de la carrière qui n'a pas été ré-exploitée et qui se trouve recolonnisée par la végétation. La forêt cultivée dessine les limites du plateau au sommet de la côte de Meuse. (© IGN-Géoportail).

Son abandon (définitif ? ou nouvelle mise en sommeil ?) date de 2005. Le site est devenu depuis un Espace naturel Sensible (ZNIEFF Berthelevaux). Un circuit pédagogique avec des panneaux explicatifs (doc7 et 8) a été tracé sur le site.

Doc.7: Panneau explicatif "historique" montrant le site tel qu'il se présentait à différentes époques.

Doc.8: Panneau "histoire géologique" qui décrit l'organisation du front de taille et raconte l'histoire des dépôts. Une frise illustrée permet de replaçer les différents épisodes dans la chronologie.

La grouine (ou "grèze" ou "groise") est une formation superficielle à petits éléments détritiques calcaires, le plus souvent anguleux, issus de l'altération mécanique des calcaires par le gel (= cryoclastie) et mêlés à un peu d'argiles de décarbonatation.

Les calcaires coralliens gélifs de l'Oxfordien moyen-supérieur (ex-Argovo-Rauracien - doc.9) qui étaient à l'affleurement ont été affectés par une forte altération physique sous climat périglaciaire (gélifraction) durant les périodes froides du Quaternaire récent, en particulier pendant le dernier épisode glaciaire du Würm (-70 000 à -10 000 ans BC).

Doc.9: Position des calcaires de l'Oxfordien (Jurassique supérieur) de la Côte de Meuse dans la colonne stratigraphique (© BRGM).

Les débris calcaires (gélifracts) ont une granulométrie qui varie d'un lit à l'autre allant de quelques millimètres à plusieurs centimètres (doc10).

Doc.10: Grouines cimentées de granulométrie variable.

A Coussey, la grouine est soit bien cimentée (doc.10), les débris calcaires sont alors solidement liés par un ciment carbonaté et forment d'énormes blocs "de béton naturel" faciles à échantillonner dans les éboulis, soit meuble, le liant étant alors constitué d'argiles orangées issues principalement de la décarbonatation de calcaires dont la composition devait être très légérement marneuse.

Si l'on excepte l'affleurement rocheux visible (mais inaccessible) au centre de la carrière (doc.5), la partie supérieure du front de taille est occupée par les niveaux de grouine cimentée. Des variations dans la nature du liant (ciment carbonaté ou matrice argileuse) se traduisent par une résistance différentielle à l'érosion bien visible sur les affleurements (doc.11 et 12).

Doc.11: Niveaux de grouine plus ou moins bien cimentés mis en relief par l'érosion différentielle.

Doc.12: Blocs instables de grouine cimentées dans la partie supérieure du front de taille de la carrière. (Il est fortement déconseillé d'essayer de s'en approcher).

Ces stratifications (niveaux de grouines plus ou moins grossières - doc.11 et 12) mises en relief par l'altération météorique peuvent être prises depuis le bas de la carrière pour des strates sédimentaires oxfordiennes.

Le niveau basal de la carrière est une accumulation de grouine meuble mêlée à de gros blocs de grouine cimentée qui ont dévalé la pente.

A mi-pente, dans une zone recolonisée, sur le bord d'un sentier qui grimpe en diagonale dans la carrière, un second affleurement rocheux, accessible celui-là, permet d'observer les calcaires oxfordiens en place (doc13).

Doc.13: Calcaires oxfordiens en place (le marteau donne l'échelle sur une ancienne surface inclinée = trace d'une diaclase).

Il est alors possible d'échantillonner un calcaire micritique riches en fossiles libres et solitaires pluricentimétriques (coraux solitaires, Gastéropdes, gros Pectinidés, et autres Lamellibranches divers - doc.14).

Doc.12: Fossiles de mollusques non fixés (Bivalves et Gastéropodes)

Certains faciès contiennent également des oncoïdes (doc.15), signe que le milieu devait être au moins temporairement agité. Les caractéristiques de ces faciès et les données cartographiques permettent de situer ces unités dans le Complexe récifal inférieur (sensu Carpentier, 2004), soit un âge Oxfordien moyen.

Doc.13: Niveau de calcaire oxfordien riche en oncoïdes.

Les calcaires de l'Oxfordien moyen-supérieur de la Côte de Meuse ont partout subi les mêmes assauts du gel et ont généré des grouines: voir les fiches Domrémy (88), Sorcy (55), Marbotte-Apremont (55) ou Senonville (55) ...

Bibliographie:

LATHUILIÈRE B., CARPENTIER C., ANDRE G, DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. & NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. Excursion Groupe Français d'Etudes du Jurassique, livret-guide, 117 pages.

CARPENTIER C. (2004) - Géométries et environnements de dépôt de l'Oxfordien de l'Est du Bassin de Paris. Thèse de Doctorat en Sciences de la Terre et de l'Univers soutenue à l'Université de Henri Poincaré Nancy I, 470 pp.