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Butte témoin de Montmédy : 3. Description

Géologie :

La région de Montmédy se situe à l'extrémité nord de la composante orientale du Bassin parisien où elle occupe le flanc nord de la structure synclinale de Luxembourg. À cet endroit, le relief de côte s'exprime dans le paysage, dominé par la partie la plus septentrionale de la Côte de Moselle. En aval de Thionville, quittant son alignement méridien, parallèle à la vallée de la Moselle, le front de côte se dirige vers l'ouest en s'orientant face au nord, suivant approximativement le tracé de la frontière franco-belge. Les localités lorraines de Longwy, Gorcy et Montmédy, qui se succèdent d'est en ouest, se sont implantées le long de cette ligne de relief (fig.2).

Fig.2: La Côte de Moselle et la rivière éponyme dans le relief de côte de l'Est du Bassin parisien (d'après Hilly et Haguenauer, 1979)

1 : Rebord oriental du Grès vosgien (Trias inf.) ; 2 : Côte de Lorraine (Trias moy.) ; 3 : Côte de l'Infralias (Jurassqiue inf.) ; 4 : Côte de Moselle (Jurassique moy.) ; 5 : Côte de Meuse (Jurassique sup.) ; 6 : Côte des Bars (Jurassique terminal) ; 7 : Côte d'Argonne (Crétacé inf.) ; 8 : Côte de Champagne (Crétacé sup.) ; 9 : Côte d'Île de France (Tertiaire inf.) - cliquer sur la carte pour l'agrandir

La ville haute et la citadelle de Montmédy sont bâties sur le revers de côte, au sommet d'un éperon découpé dans la Côte de Moselle par la Chiers et ses affluents (fig.3, 4 et 9). La ville basse de la cité se trouve au pied de la côte et dans la vallée de la Chiers (fig.3a). Depuis la pointe nord de l'enceinte de la citadelle, la vue sur la Côte de Moselle, son revers et la plaine alluviale du cours d'eau s'étend loin vers l'est, en direction de la frontière belge (région de Virton - fig.3b), et se poursuit en balayant l'horizon jusqu'à l'ouest (voir fig.9).

Fig.3a : Vue sur la ville basse de Montmédy et la Côte de Moselle en direction du NE - cliquer sur l'image pour obtenir une lecture du paysage

Fig.3b : Vue sur la vallée de la Chiers et la Côte de Moselle vers l'est en direction de la frontière avec la Belgique (cliché © BRGM) - cliquer sur l'image pour obtenir une lecture géologique du paysage

Le revers de la Côte de Moselle forme un plateau s'inclinant vers le sud / sud-ouest en raison du pendage des couches (marnes et calcaires du Jurassique moyen et inférieur) qui forment le sous-sol de la région (fig.4). Les calcaires du Dogger, plus résistants à l'érosion, constituent l'ossature des côtes qui dominent les dépressions et les vallées reposant sur des formations argileuses du Lias, moins résistantes. L'absence d'affleurements autour de la butte de Montmédy ne permet pas de suivre la succession in situ des différentes unités stratigraphiques. Les quelques pointements rocheux sont à rechercher le long du glacis de la ville haute, mais la végétation et les éboulis y sont denses et n'en facilitent guère l'accès.

Fig.4 : Coupe géologique à travers la Côte de Moselle passant par la butte de Montmédy (d'après les cartes géologiques Montmédy-Francheval et Stenay à 1/50 000) - cliquer sur la coupe pour l'agrandir 

D'après la carte géologique Montmédy-Francheval (Maubeuge, 1982), la série bajocienne du Jurassique moyen ou Dogger (fig.5), à lithologie calcaire dominante, comprend principalement des unités de calcaires oolithiques (Oolithe de Doncourt, Oolithe de Jaumont...) ou récifaux (Calcaires à polypiers) entrecoupés de formations plus marneuses (Marnes de Longwy, Marno-calcaires à Clypeus ploti...). Le minerai de fer toarcien-aalénien ne semble affleurer qu'au niveau du front de côte au nord ; il ne réapparaît plus dans la vallée de la Chiers, sur le revers de côte, aux altitudes où il devrait se trouver (fig.4).

Fig.5 : Position des roches locales dans la stratigraphie. (© BRGM)

En Lorraine centrale et méridionale, les formations bajociennes sont surmontées par les dépôts, à composante argileuse dominante, du Bathonien (Marnes à rhynchonelles) et du Callovien-Oxfordien inf. (Argiles de la Woëvre) qui constituent la vaste plaine de la Woëvre séparant la Côte de Moselle de la Côte de Meuse (fig.2). Dans la région de Montmédy, la plaine de la Woëvre est moins étendue du fait de l'occurrence de la Dalle nacrée (ou Dalle d'Étain voir la Fiche Senon), un calcaire oolithique puissant d'une cinquantaine de mètres, remplaçant une partie de la série des Marnes à rhynchonelles du même âge. Cette unité lithostratigraphique renforce ainsi le revers de la Côte de Moselle avant de laisser place à la plaine de la Woëvre (fig.6 et 7).

Fig.6 : Vue depuis la citadelle vers le SO - la Côte et la vallée de la Meuse (direction de Dun-sur-Meuse) sont visibles à l'horizon - cliquer sur l'image pour une lecture du paysage

Les calcaires oolithiques locaux ont été utilisés comme pierres de taille ou moellons pour construire les douves et les remparts (fig.7) ainsi que les habitations à l'intérieur de la citadelle (fig.8). Dans son ouvrage sur la géologie du département de la Meuse, Buvignier (1852) évoque également "l'exploitation nombreuse du minerai de fer" issu du calcaire ferrugineux (Toarcien-Aalénien) dans les localités au nord de Montmédy (Thonne-le-Thil, Thonnelle, Thonne-la-Long...). Le grès calcaire ferrugineux, autrefois appelé "macigno" d'Aubange (Domérien), a pu fournir des dalles ou des moellons mais souvent de qualité médiocre (Belanger, 2006).

Fig.7 : Rempart de la citadelle en calcaire local patiné gris, recouvert de mousses et lichens, et vue vers le SSE - cliquer sur l'image pour une lecture du paysage

Fig.8 : Une maison typique à l'intérieur de la citadelle bâtie en moellons de calcaire jaune-ocre du Bajocien (Calcaire à Polypiers). Le nettoyage des pierres a ravivé et révélé la couleur originelle du calcaire bajocien.

 

Histoire :

La citadelle de Montmédy a de tout temps occupé une place importante dans les systèmes militaires défensifs (fig.9).

C'est Charles Quint qui en fera une place forte en 1545. Montmédy occupe alors un point stratégique au sud du Luxembourg dans un territoire aux mains du Saint-Empire Germanique et de ses alliés espagnols.

Fig.9 : Vue des deux ponts-levis qui ferment l'accès aux deux enceintes défensives de la citadelle (à droite le pont-levis ouvrant sur l'exterieur avec vue vers le NO ; à gauche pont-levis donnant accès à la porte d'entrée dans l'enceinte intérieure) - cliquer sur les images pour une lecture du paysage

Les fortifications seront ensuite complétées et modifiées au XVIIème par l'architecte Vauban (fig.10) après la prise de la citadelle par les armées du Roi de France en 1657. Vauban s'inspirera pour cela des techniques de maîtres bâtisseurs italiens (Fabricio Siciliano pour la Cité de Navarrenx dans les Pyrénées Atlantiques...).

Un fait historique local et célèbre : Le Roi Louis XVI et Marie-Antoinette en fuite pensaient se rendre à Montmédy, cité royaliste qui leur était restée fidèle. Le roi et sa famille furent stoppés dans leur fuite et arrêtés non loin de Montmédy, à Varennes-en-Argonne, lors de la célèbre "Nuit de Varennes" du 22 juin 1791.

Fig.10 : Plan du XVIIème siècle montrant l'architecture typique Vauban. Carte extraite du "Fidèle et Vaillant Gouverneur" de Guillaume de Waha (1ère édition de 1648)  (© D. Garrot - Panneau explicatif Citadelle de Montmédy)

En 1870, les Prussiens assiègeront la ville qui sera très endommagée par les bombardements.

Après 1874, les nouvelles frontières doivent être renforcées. Ainsi, l'architecture actuelle du site avec ses nombreux abris souterrains (casemates, abris et soutes à munitions) date de la fin du XIXème, suite aux remaniements réalisés selon les plans du Général Séré-de-Rivières qui adaptera la citadelle aux progrès de l'artillerie.

Montmédy servira alors de casernement à l'armée française jusqu'en 1914. Le fort sera évacué au début de la guerre en 1914 mais sa garnison, partant renforcer le front de Verdun, sera décimée et capturée par l'armée allemande. Cette dernière se servira alors de Montmédy comme d'une base arrière pour alimenter ensuite le front de Verdun.

Après la Première Guerre Mondiale, la citadelle de Montmédy ne jouera plus aucun rôle stratégique.

Fig.11 : Vue des remparts vers le SSE (en direction du Collège Jean d'Allamont)

Pour de nombreuses photos des parties inaccessibles de la citadelle et son historique détaillé, voir le site très documenté des passionnés Julie et Cédric Vaubourg, consacré aux fortifications construites ou modifiées par le Général Séré-de-Rivières et plus particulièrement les pages dédiées au site de Montmédy.

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Les auteurs tiennent particulièrement à remercier Véronique et Thiérry Freytag, Professeurs au Lycée de Stenay, pour leur aide précieuse sur le site.

 

Eléments de bibliographie et sitologie:

I. BELANGER (2006) - Carte de Meix-devant-Virton - Virton n°71/1-2 - Notice explicative - carte géologique de Wallonie à 1/25 000. Ministère de la Région Wallonie - Direction générale des Ressources naturelles et de l'Environnement, Namur.

N.A. BUVIGNIER (1852) - Statistique géologique, minéralogique, minérallurgique et paléontologique du Département de la Meuse. J.B. Baillière, Paris Ed., 694 p. et 32 planches.

J. HILLY et B. HAGUENAUER (1979) - Lorraine, Champagne. Collection "Guides Géologiques Régionaux". Masson, Paris Ed., 216 p.

P.L. MAUBEUGE (1982) - Notice de la Carte Géologique n°88 au 1/50000 Feuille de Montmédy-Francheval, BRGM Ed., 32 p. - lien de consultation.

J. et C. VAUBOURG - http://fortiffsere.fr/secteurmaubeuge-verdun/index_fichiers/Page428.htm


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 24/08/2022 - Dernière modification : 05/08/2023

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)