Un tertre est défini comme un "monticule d'élévation métrique à plurimétrique, en forme de cône aplati, constitué de sédiments fins mis en place au droit d'une émergence temporaire, considérée comme une cheminée d'équilibre impénétrable. Morphologie qui peut être en cours de construction ou déconnectée d'une activité hydrologique" (source : http://ikare.loterr.univ-lorraine.fr).

Quatre tertres émissifs, petits monticules aplanis d'une cinquantaine de centimètres d'élèvation (fig.2), peuvent être mis en évidence dans la vallée du Nanhol (ou Nanheul) entre Baslieux et Pierrepont.

Fig.2: Vue de trois principaux tertres (= au premier plan et ondulations du sol en lisière de forêt) proches de la confluence entre le ruisseau du Vallon-du-Fond-de-la-Roche et le Nanhol (ou Nanheul).

Dans cette région karstique (fig.3), les rivières empruntent tantôt un cours aérien quand les débits d'eau sont importants et le karst saturé, tantôt seulement un parcours souterrain quand les débits sont insuffisants pour saturer le karst (voir aussi Pertes de l'Aroffe et Tertres d'Autreville ou Perte de la Meuse et Résurgence de la Meuse).

Fig.3: Localisation des tertres et autres phénomènes karstiques dans la vallée du Nanhol (ou Nanheul) entre Baslieux et Pierrepont ainsi que dans le vallon du Fond-de-la Roche (cartographie © IKARE).

Légende : demi-lune convexe marron = tertre ; demi-lune concave marron = travertin ; disque bleu = source ; disque rouge = perte ; Disque blanc cerclé de noir = doline = fond argileux non étanche ; disque brun pointé = mardelle = fond argileux étanche = mare (© IKARE ).

Les tertres de Baslieux sont des "cheminées d'équilibre" installées à l'aplomb de la partie aval du cours souterrain emprunté par le ruisseau du Fond-de-la-Roche juste avant la confluence de son cours temporaire aérien avec le Nanhol. Lorsque le débit et la pression de l'eau dans le réseau karstique devient trop importante, une partie de l'eau en excès sort en bouillons au sommet de ces monticules (voir les "Tertres d'Autreville" et les "Bouillons de Delut" fiche St-Laurent-sur-Othain).

Le ruisseau du Fond-de-la-Roche est pérenne (fig.3 et 4) et s'écoule dans un ravin encaissé perpendiculaire au Nanhol. Il reçoit également en rive gauche les eaux d'une source pétrifiante, le "Cron Roch ou "Cron de la Roche" (voir l'annexe 1 et la figure 10).

Fig.4: Le Ruisseau du Fond-de-la-Roche pérenne en février 2023.

Le ruisseau du Fond-de-la-Roche recoupe et entaille les formations calcaires du Bathonien inférieur et du Bajocien supérieur (fig.5).

Fig.5: Colonne stratigraphique locale du Jurassique moyen et position des tertres de Baslieux - âges en M.a. à gauche (illustration © BRGM)

Des calcaires variès, fossilifères (à rhynchonelles, bivalves, gastéropodes, polypiers...), à passées oolithiques, caractéristiques de la série carbonatée de plate-forme du Dogger, peuvent être échantillonnés dans le lit du ruisseau (fig.6).

Fig.6: Calcaires fossilifères et à calices de polypiers échantillonnés au fond du ruisseau.

La perte progressive du ruisseau était bien observable (et audible par un écoulement qui était sonore !) en aval lors de notre visite en février 2023 (fig.7), période d'étiage après une longue période de plus de 30 jours sans précipitations.

Fig.7: La perte du Ruisseau du Fond-de-la-Roche en février 2023 ( vue vers l'aval).

Le ruisseau montrait alors un lit totalement à sec en aval (fig.7) alors qu'il était encore en eau avec un débit de plusieurs L/s quelques dizaines de mètres plus en amont (fig.4).

Quand le débit est trop faible, il semble que toute l'eau disparaisse dans un karst caché au fond du lit du ruisseau, sans arriver à le saturer.

Quand le débit est plus important (période pluvieuse, orage...), le karst étant alors saturé, le ruisseau s'écoulera de façon torrentielle dans son lit aérien et confluera avec le Nanheul ou Nanhol (voir aussi l'Aroffe). Des travaux pour endiguer son cours aérien temporaire ont d'ailleurs été entrepris par les services de la Direction Départementale Territoires pour éviter que ses crues n'envahissent et n'endommagent la route D125.

En période de saturation, le réseau karstique est mis en pression (voir aussi Tertres d'Autreville) et des cheminées d'équilibre résurgentes rejettent vers le haut une eau chargée d'argile qui contribue ainsi à l'élévation des petits tertres émissifs (fig.8 et 9).

Ces argiles sont issues de l'altération chimique par décarbonatation des calcaires légérement marneux du Jurassique moyen. Cette argile héritée est emportée par le ruissellement et collectée dans le réseau souterrain dans lequel elle s'accumule quand le débit est faible allant jusqu'à créer des bouchons. Elle peut être remise en suspension et ré-entraînée lors de phénomènes de débouchage pendant les périodes de crues.

La charge estimée (dans le karst des calcaires du Bathonien - Gamez et al., 1979) dans l'eau d'un ruisseau (hors crue) est généralement faible (0,05 g/l), l'eau n'étant plus limpide mais restant assez claire. En période de crue, la charge est multipliée par 10 ou plus (0,5 g/l ou davantage), l'eau étant alors turbide, très trouble et de couleur marron.

L'eau qui est ramenée en surface par les cheminées émissives est suffisamment chargée en argile pour que sa décantation permette l'établissement de petites buttes ou tertres (exemple des "Bouillons" de Delut- Gamez, 1977 - Gamez et al., 1979  ; exemple des Tertres d'Autreville - Gamez et al., 1985 ; Wehrli, 1996).

Fig.8: Vue de la structure d'un tertre = en monticule aplani avec un orifice sommital.

Les bouches émissives peuvent aisément être retrouvées et observées (fig.8) au sommet de chacun des tertres.

Fig.9: Bouches émissives des tertres de Baslieux avec leurs évents latéraux.

Ces bouches sont la trace laissée par la sortie des "bouillons" qui sourcent au sommet des tertres lors de leurs émissions d'eaux boueuses.

Bibliographie:

Fister V. (2012) - Dynamique des écoulements dans les aquifères calcaires de bas plateaux : de l'identification à la quantification des types de circulation. Exemple des formations triasiques et jurassiques dans le Nord-Est de la France. Thèse de doctorat, Université de Lorraine, Metz, 292 pages.

Gamez P. (1977) - Etude géomorphologique d'un bassin-versant karstique : les Bouillons de Delut (Meuse). Mémoire de Maîtrise en Géographie, Université de Metz, 64 pages.

Gamez P., Gras F. et Sary M. (1979) - Le revers de la Dalle d'Etain en Lorraine Septentrionale : Un exemple de l'influence du karst sur la géodynamique externe. Annales de la Société Géologique de Belgique, Tome 102, pp. 47-52.

Gamez P., Letouze F. et Sary M. (1985) - Le bassin karstique de l'Aroffe, SPELUNCA Mem., n°14, pp. 78-79.

Site IKARE

Wehrli A. (1996) - Les modalités de la circulation de l'eau dans le bassin-versant topographique et hydrogéologique de l'Aroffe, Mémoire de DEA, Université de Metz, Département de Géographie, 178 pages.