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Travertin de Boismont : 3. Description

La tufière de Boismont

Le site de la "tufière" de Boismont, appelée également "Les Roches" dans le passé (fig.2), est une imposante masse de travertin située en contrebas du village de Boismont dans un méandre de la Crusnes.

Fig.2 : "Les Roches" de Boismont en 1903 ; le méandre de la Crusnes apparait à gauche (carte postale ancienne).

Le site que l'on rejoignait facilement autrefois (fig.2) s'est progressivement fermé (fig.3) pour devenir presque inaccessible en 2023. Une végétation luxuriante a envahi les lieux et des propriétés privées clôturées en empêchent maintenant l'accès depuis le village.

Fig.3 : La "Tufière de Boismont" en 2009, vue de face et vue latérale (© BRGM).

Une station d'épuration a été construite à la base des roches, juste à côté d'une source pétrifiante (fig.4). Les volées d'escaliers qui descendent à la station d'épuration permettent un unique accès latéral à la fontaine pétrifiante par l'est. L'eau dévale vigoureusement la pente en construisant des petits bassins en travertin ou tuf calcaire, appelés gours qui débordent les uns dans les autres.

Fig.4 : La "source pétrifiante" et ses gours en 2023.

Plusieurs autres tufières ou "crons" sont localisées près de Boismont, en rive droite de la Crusnes, entre le village et la confluence du Nanhol ou Nanheul avec la Crusnes (voir ENS du Cron de Boismont et l'extrait de carte géologique).

Les eaux de la source pétrifiante se sont chargées en carbonates en traversant les calcaires du Bajocien supérieur (fig.5) comme c'est aussi le cas à Baslieux.

Fig.5 : Colonne stratigraphique locale du Jurassique moyen et position du substratum des travertins de Boismont - âges en M.a. à gauche (illustration © BRGM)

Formation des tufières :

Les calcaires du Bajocien sont intensément karstifiés. Les eaux météoriques peuvent dissoudre du CO2 et devenir acides ; elles deviennent alors agressives et dissolvent les calcaires (i) qu'elles pénètrent ; elles déposeront plus loin les carbonates qu'elles ont dissous lorsqu'elles pourront se dégazer (ii), soit en réapparaissant dans une galerie fossile ou à l'air libre.

(i) Dissolution des carbonates par les eaux acides contenant du CO2 : CaCO3 + CO2 + H2O  -->  Ca2+ + 2HCO3-

(ii) Précipitation des carbonates par dégazage du CO2 dissous:  Ca2+ + 2HCO3-   -->  CaCO3 + CO2 + H2O

Ces dépôts sont apparentés à des concrétions (comme le sont aussi les stalactites) ; ils sont formés en masse et rapidement, jusqu'à plusieurs mètres de dépôts par siècle parfois, par les tufières appelées localement "fontaines pétrifiantes" ou "crons". Les roches sédimentaires produites par précipitation sont des "tufs calcaires" ou "travertins-pierres de Tivoli" (fig.6) : des roches poreuses, vacuolaires (riches en vides ou empreintes laissés par la disparition des débris des végétaux précédemment encroûtés), peu denses, concretionnées, parfois litées, et surtout faciles à creuser ou à découper. Leur nom de tuf tient à leur ressemblance (porosité, légèreté, couleur...) avec le tuf volcanique. Pour éviter toute confusion, le terme de travertin s'impose dorénavant.

De part leurs propriétés, ces roches ont souvent été utilisées comme matériau de construction pour bâtir des voûtes (du fait de leur légèreté) et des cheminées (elles n'éclatent pas à la chaleur). Elle servaient également pour la production de chaux.

La formation des tufières est favorisée par:

- la présence d'êtres vivants photosynthétiques ou chlorophylliens connus comme précipitant le calcaire : des Bryophytes (Eucladium verticillatum en particulier), des Tracheophytes (Myryophyllum, Elodea, Potamogeton...), des Algues vertes, des Bactéries photosynthétiques... Ces êtres-vivants contribuent à une décalcification biogène de l'eau et montrent souvent un dépôt calcaire, des encroûtements, sur leurs parties immergées [1 et 2].

- des eaux froides plus riches en CO2 et donc plus concentrées en carbonates dissous qui, en se réchauffant, se dégazent et favorisent la précipitation des carbonates dissous ;

- l'agitation de l'eau avec un écoulement turbulent ou en cascade qui favorise le dégazage ;

- l'orientation du griffon de la source au sud (vallon ensoleillé) qui favorise l'évaporation ;

- la présence de roches contenant des sulfates (gypse ou anhydrite - comme c'est, par exemple, le cas à Klang en Moselle).

Fig.6 : Le travertin de Boismont (photo de gauche © BRGM 2009 - photo de droite près de la source en 2023)

Plusieurs autres tufières ou "fontaines" pétrifiantes sont décrites sur ce site à Baslieux à quelques kilomètres de Boismont, à Lucey près de Toul, en Meurthe-et-Moselle ainsi qu'à Klang dans la vallée de la Canner, en Moselle.

 

Références bibliographiques:

[1] Pentecost A. (2005) - Travertine. Springer-Verlag Berlin-Heidelberg Ed., 445 pages.

[2] Symoens J.J., Duvigneaud P. et Vanden Berghen C., en collaboration avec Dewit J. et Kiwak A. (1951) - Aperçu sur la végération des tufs calcaires de la Belgique. Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique, Tome 83, Fascicule 3, pp. 329-352.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 22/02/2023 - Dernière modification : 03/05/2023

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