Epandages alluviaux Tanconville (54) : 3. Description
Description du site
Les carrières de Tanconville et celle de Gogney (voir aussi la fiche Gogney) exploitent les graves silteuses (dépôts hétérogènes de galets, graviers et sables siliceux) des épandages alluviaux du Quaternaire ancien, antérieurs à l'épisode glaciaire du Riss/Saalien, reposant en discordance sur le substratum sédimentaire mésozoïque (Muschelkalk). Leur datation, attribuée au Pliocène sur les cartes géologiques, pourrait en fait correspondre au stade glaciaire isotopique OIS16 du Cromérien (Pléistocène moyen), c'est-à-dire un âge compris entre 610 000 et 650 000 ans (Occhietti et Kulinicz, 2009).
Ces dépôts anciens sont entaillés sur 200 mètres de long et sur une hauteur de 15 mètres par l'exploitation (fig.3).
Fig.3 : Vue d'un front de taille de la carrière en sommeil (mars 2024). (Les pistes observées ont été laissées par le passage de grands ongulés).
Fig.4 : Cliché montrant l'alternance des dépôts de graves mal classées et de silts (fins, blancs, verdâtres, peu cohérents). Les petits bouleaux donnent l'échelle car il était impossible de s'approcher du front de taille.
Des niveaux lenticulaires plus ou moins discontinus riches en galets mous de silts blancs ou verdâtres alternent avec les niveaux de graves plus grossières (fig.4, 5 et 6) .
Fig.5 : Niveaux lenticulaires plus ou moins discontinus riches en silts clairs au milieu de dépôts plus grossiers.
L'énergie devait beaucoup varier au cours du temps (variations saisonnières, alternances de périodes de réchauffement / refroidissement climatiques cycliques) comme le montre le classement anarchique des graves.
Fig.6 : Niveau de graves mal classées (noter la présence de galets mous de silts verdâtres déposés parmi du matériel plus grossier).
Les galets sont essentiellement issus du remaniement du Conglomérat Principal de la couverture sédimentaire triasique (galets de quartzite, phtanite, lydienne...).
Fig.7 : Un échantillon du matériel exploité dans la carrière : sable, graviers divers, galets (quartzites divers, quartz laiteux, phtanite, lydienne et grès vosgien).
Quelques galets de grès vosgien (fig.7), d'autres plus rares de granite altéré ainsi que deux fragments de roches sédimentaires, l'un en calcaire fin micritique et l'autre, silicifié fossilifère (fig.8), provenant vraisemblablement du Muschelkalk, ont aussi été observés.
Fig.8 : Galet de matériel siliceux fossilifère au premier plan. Noter la différence de cohésion entre les galets mous en silt et la roche fossilifère siliceuse qui est indurée.
Les niveaux proches de la surface sont plus oxydés (action de l'eau d'inflitration).
Des vestiges de structures de cryoturbation (fig.9), associées aux cycles gel-degel d'anciens pergélisols peuvent être observées sous forme de dômes - voir aussi les fiches Le Pré J'Espère (88) et Dombras (55) pour d'autres figures comparables.
Fig.9 : Figure en dôme causée par l'action des cycles gel-dégel sur le sous-sol. Noter la présence de nombreux galets mous et de lentilles de silt verdâtre. (Le petit pin sylvestre donne l'échelle: impossibilité de s'approcher du front de taille)
L'autorisation d'exploitation, qui a débuté en 2005, a été renouvelée en 2018 pour 250 000 t/an.
Mise en place des dépôts
Les dépôts alluvionnaires du Quaternaire ancien de Tanconville sont interprétés (Occhietti et Kulinicz, 2009) comme des épandages alluvionnaires distaux de piémont dont les produits se sont accumulés en limite du rebord gréseux du Massif vosgien soumis à l'érosion glaciaire - voir aussi fiche sur la paléoterrasse de Saint-Gorgon (88).
D'après Occhietti et Kulinicz (2009), la mise en place des sédiments grossiers (à galets dominants), est attribuée à un étalement de débris sur une étendue relativement plane, sous faible tranche d'eau, à travers un large réseau hydrographique à régime en tresses. Durant l'épisode glaciaire du Cromérien, ce réseau est alimenté par des écoulements fluvioglaciaires (= eaux de fonte glaciaire) dévalant les contreforts gréseux pentus du massif vosgien alors recouvert d'une calotte glaciaire (fig.10).
Fig.10 : Contexte de mise en place des épandages alluviaux de Tanconville d'après leur cartographie actuelle sur fond de carte géologique et du relief (NB : les moraines n'ayant pas été conservées, les contours de la callotte glaciaire sont purement hypothétiques).
Des figures sédimentaires caractéristiques de faisceaux arqués ont permis de déterminer un sens général d'écoulement en direction de l'Ouest (N 260°). Les ensembles lenticulaires à granulométrie plus fine correspondaient à des accumulations de fond de chenaux délaissés entre des barres de galets. Ces épisodes sédimentaires résulteraient d’un forçage externe, régional, témoignant de phases climatiques à plus faible apport hydrique (avec baisse générale de débit).
Enfin, la quasi complétude verticale de la séquence sédimentaire, globalement granodécroissante, et l'absence de surface d'érosion majeure au sein de la formation, indiquent que celle-ci a été générée au cours d'un seul épisode de dépôt de longue durée, pouvant coïncider avec une grande phase climatique du Quaternaire.
Les épandages qui, autrefois, occupaient une plaine alluviale (points bas), sont actuellement positionnés sur des points hauts, en inversion de relief dans le paysage. Cette configuration résulte de l'action des agents de la dynamique externe qui a façonné la topographie et le creusement des vallées actuelles du bassin de la Vezouze, postérieurement à la mise en place des épandages anciens (fig.11).
Fig.11 : Évolution de la morphologie du paysage autour de Tanconville au cours du Quaternaire (profil altimétrique © IGN-Géoportail 2024)
Bibliographie:
Occhietti S. et Kulinicz E. (2009) - Terrasses et épandages alluviaux antérieurs au Riss/Saalien à la périphérie Nord-Est des Vosges , France. Quaternaire, 20, (1), pp. 93-116 ; lien de consultation.
Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 08/03/2024 - Dernière modification : 21/05/2024