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Glissement de terrain Château-Salins (57) : 3. Description

Un glissement de terrain (= aléa) est un déplacement gravitaire généralement lent (de quelques millimètres par an à quelques mètres par jour) d'une masse de terrain sur une pente - voir aussi le dossier gouvernemental sur les géorisques.

Le phénomène peut se combiner à un autre aléa, le retrait-gonflement d'argiles, dans le cas d'un sol à composante argileuse dominante.

Fig. 2: Profil altimétrique à l'emplacement du site étudié

Ces deux conditions sont réunies sur le site étudié près de Château-Salins (fig.2 et 3) : pente importante (20% et plus - fig.2) et sous-sol composé de formations argilo-marneuses du Keuper supérieur (Marnes irisées supérieures et/ou Argiles de Chanville - voir aussi les fiches Sexey-aux-Forges, They-sous-Vaudémont en Meurthe-et-Moselle ou Novéant-sur-Moselle en Moselle). Le sommet de la butte est occupé par les Calcaires à Gryphées et les Grès du Rhétien (fig.3).

Fig.3 : Colonne stratigraphique locale (illustration © BRGM).

Plusieurs autres sites avec des glissements de terrains similaires ont été recensés par le BRGM à proximité du lieu étudié (fig.4). Ils s'inscrivent dans la zone à exposition forte de la carte de l'aléa "retrait-gonflement des argiles" (fig.5).

Fig.4 : Carte des glissements de terrains recensés par le BRGM près de Château-Salins

Fig.5 : Carte d'exposition à l'aléa "retrait-gonflement des argiles" autour de Château-Salins

On peut ici parler de glissements superficiels car des signes sont visibles en surface : bourrelets dans un pré, arbres penchés (fig. 6 à 8).

Fig.6 : Glissement de terrain observable sur une image satellite de 2022. (© IGN-Géoportail 2024) - cliquer sur l'image pour visualiser une schématisation théorique en 3D du phénomène

Fig.7 : Vue du glissement depuis la colline en face du site. La "langue frontale et des bourrelets" sont visibles au centre du cliché. Noter également le port des arbres qui tentent de retrouver un port vertical et atteste bien du glissement des couches du sous-sol - cliquer sur l'image pour visualiser une interprétation

Fig.8 : Vue du "front" du glissement ; la "langue" ou bourrelet frontal est bien visible au centre du cliché. Les arbres fruitiers (à droite et au fond à gauche) affectés par le glissement ont corrigé leur port : le tronc est incliné mais les branches ont retrouvé en partie la verticale (géotropisme).

Ces mouvements de terrain sont liés au comportement rhéologique des roches soumises à l'application de contraintes tendant à les déformer (fig.9). Les roches peuvent subir des déformations discontinues conduisant à la rupture ou des déformations continues (fluage). Sous l'effet de contraintes croissantes (fig.9A), la roche peut se déformer de manière réversible (comportement élastique) puis de manière irréversible (comportement plastique) avant la fracturation (comportement cassant).

Selon leur aptitude à résister à une déformation (fig.9B), on distingue des roches compétentes (cassantes ou fragiles) qui cassent avant de subir une déformation plastique (ex. : calcaire, grès, granite...) et les roches incompétentes (ou ductiles) qui se déforment de manière importante avant de rompre (ex. : gypse, argiles).

Fig.9 : Courbes contrainte / déformation des roches dans différentes situations (unités arbitraires) - d'après Bordi et al. 2018 modifié

Outre du fait de sa nature, la compétence d'une roche est également dépendante de la pression, de la température, de la vitesse de déformation et de la présence de fluide.

Ainsi, à température (T) constante, lorsque la pression (P) augmente avec la profondeur, la ductilité des roches s'accroît. À pression constante, l'augmentation de température produit les mêmes effets sur le comportement de la roche qui devient plus ductile. Pour des phénomènes se produisant en surface, ces facteurs (P et T) sont négligeables ici.

La présence de fluide et la pression supplémentaire qu'il exerce sur la roche augmente la déformation : une roche est d'autant plus déformable que sa concentration en fluide (ex.: eau) est grande (fig.9D).

Si la vitesse de déformation s'accélère, le domaine élastique augmente et le domaine plastique diminue (tirer lentement sur un cylindre de pâte à modeler, l'étire alors qu'un coup sec, le casse en deux).

Le facteur temps intervient également (fig.9C) : le fluage correspond à la déformation d'une roche soumise à une contrainte constante pendant une durée longue. Le fluage est d'abord réversible et élastique, puis devient irréversible et plastique avant d'entrer dans une phase de déformation permanente, qui, à terme, peut conduire à la rupture.

Les argilites et marnes du Keuper possèdent les propriétés d'une roche incompétente, en raison de la microstructure en feuillets des minéraux argileux qui composent la roche. Soumis à une contrainte, les feuillets glissent facilement les uns contre les autres. Dans le cas présent, positionnées sur un dénivelé important, ces roches subissent une contrainte constante contrôlée par la gravité (fig. 2), ce qui initie le fluage des argiles.

Lors des précipitations, l'eau pénètre facilement l'espace entre les feuillets des minéraux argileux, phénomène responsable du gonflement des argiles. Lorsque la roche se charge en eau, celle-ci exerce une contrainte supplémentaire qui tend à accroître la ductilité et faciliter la déformation continue. Lors du retrait de l'eau, en période de sécheresse, la roche devient plus compétente et ce changement de comportement favorise alors la rupture. Avec le réchauffement climatique actuel, les épisodes d'intempéries et de sécheresse deviennent de plus en plus intenses, ils augmentent ainsi brutalement la vitesse de déformation des roches et réduisent d'autant la durée et le facteur temps menant à la rupture et aux mouvements de terrain.

Dans ce contexte, le risque sur l'environnement pourrait s'avérer potentiellement dangereux face à un tel aléa. Néanmoins, en l'absence de constructions, de voies de communication, d'infrastructures importantes ou de patrimoine naturel à protéger, les enjeux restent limités dans la zone considérée (une prairie arborée) et le risque actuel demeure négligeable.

 

Bibliographie - sitographie

BORDI C., SAINTPIERRE F., ALGRAIN M., BOUDJEMAI R., CLAUCE H., GUIPPONI O. et KRAUSS Y. (2018) - Mémento Géologie - BCPST 1re et 2e années - Vuibert éd.

FIOLLEAU S. (2020) - Étude des mécanismes de déformation d'un glissement-coulée par une approche multi-méthodes. Mécanique des solides [physics.class-ph]. Université Grenoble Alpes ; lien de consultation.

Dossier documentaire et vidéos sur les géorisques - consulté en mai 2024 : www.georisques.gouv.fr/minformer-sur-un-risque/mouvement-de-terrain

Site InfoTerre du BRGM - dossiers "Ressources pour l'éducation" et "Risques naturels" : "Mouvements de terrain" - consultés en mai 2024 : https://infoterre.brgm.fr


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 08/03/2024 - Dernière modification : 15/06/2024

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)