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Saline d'Einville : 3. Description

La saline actuelle et les vestiges du passé

La Saline d’Einville (fig.4), ouverte en 1871, est une saline indépendante, filiale du groupe Salins. Elle ne se visite pas. L'activité d'extraction du sel du sous-sol local a définitivement cessé à Einville, comme dans toute la vallée du Sânon.

Dans cette vallée, d'autres salines étaient autrefois en exploitation à Sommerviller (sel ignigène entre 1858 et 1966 = "Sels de la Mouette" = Saline Dubuisson), à Crévic (Saline Jeannette entre 1873 et 1934) et à Maixe (entre 1881 et 1966) (fig.1) (3).

La Saline d'Einville raffine désormais du sel à partir de saumures venant du site de Dombasle-Varangéville (voir fig.1) appartenant aux Salines de l'Est et Salins du midi, et inclus dans le même groupe industriel Salins. Elle produit 28 000 tonnes de sel par an.

Fig. 4: Façade de la Saline d'Einville (Groupe Salins) en mars 2024.

Le sel est extrait du gisement du Keuper moyen (formé il y a 200-227 M.a. - fig.5), le plus important de Lorraine et qui s’étend en profondeur jusqu’en Champagne.

Fig. 5: Place du gisement salifère lorrain dans la colonne stratigraphique (les chiffres à gauche correspondent aux âges en millions d'années - illustration © BRGM).

Auparavant, cette unité de production était autonome et exploitait des saumures obtenues après injection d'eau douce (Saline de Maixe ou Sainte-Marie), dissolution et pompage de saumures à 30% de sel (300g/l) à 200 m de profondeur.

Une autre saline, la Saline Saint-Laurent (1859-1965) exploitait quant à elle du sel gemme en mine (1872-1962) (3).

Ces deux techniques sont par ailleurs toujours en œuvre dans la région de Nancy :
- Dissolution pour alimenter les soudières Novacarb à Laneuveville-devant-Nancy et Solvay à Dombasle-sur-Meurthe
- Mine de sel gemme à Varangéville (voir les fiches Varangéville et Haraucourt).

Plusieurs vestiges historiques de ces deux techniques d'extraction du sel ont été préservés à Einville :

- Le chevalement d'extraction de la Mine Saint-Laurent (fig.6), en cours de restauration, situé à la "Corvée sur les Magasins", au 29 rue des Magasins 54370 Einville-au-Jard (fig. 7 et 8).

Fig.6 : Chevalement de la Mine Saint-Laurent à Einville-au-Jard en mars 2024 (cliquer sur l'image pour une vue rapprochée)

Fig.7 : Ascenseurs de la Mine Saint-Laurent en 1935 (© C.H.L.F.R. Einville).

Fig.8 : Transport dans la Mine Saint-Laurent en 1910. (Remarquer le réseau déjà électrifié!) (© C.H.L.F.R. Einville).

- Un des nombreux chevalements de sondage (fig.9) servant au pompage des saumures et qui a été reconstruit en 1997 près de la Saline d'Einville actuelle (ancienne Saline de Maixe ou Sainte-Marie).

Fig.9 : Chevalement de sondage reconstruit en 1997 près du site de la Saline actuelle d'Einville-Site Maixe-Sainte-Marie.

Un peu d'Histoire (1) (2) (3)

La révolution industrielle, le contexte géopolitique qui fait suite à l'occupation de la Moselle après 1870 (perte des sites d'exploitation de sel à Sarralbe et Dieuze en Moselle occupée), les nouveaux modes de transports (arrivée du chemin de fer dans la vallée de la Meurthe et mise en service du Canal de la Marne au Rhin) vont entrainer une réactivation des industries salicoles en Lorraine (fig.10)(3).

Fig.10 : Etablisssements salicoles dans les vallées de la Meurthe et du Sânon. © Delus et al. 2020 (3)

Dès 1870, le sous-sol riche en sel est exploité dans la région d'Einville-au-Jard. Deux salines sont en concurrence, la Saline de Maixe devenue Sainte-Marie, exploitée par la Société Hannezo et la Saline Saint-Laurent exploitée par la Société Colombier (2) avec des concessions de 99 ans.

L'utilisation de 10 salles d'évaporation en parallèle autorisait une production annuelle de 7000 à 8000 tonnes de sel grené ignigène dès 1874.

Entre 1871 et 1875, un puits de mine est  foncé à la Saline Saint-Laurent. L'exploitation en galeries débute en 1887. 35 000 tonnes de sel gemme sortiront de la mine dès la première année d'exploitation et seront valorisés à la Soudière Solvay de Dombasle-sur-Meurthe.

Le sel y sera exploité, comme c'est toujours le cas à la Mine de Varangéville de nos jours, en galeries larges (les chambres) de 10 à 15 mètres et hautes 4,5 mètres avec conservation de piliers de sel pour le soutènement (fig.11, 12, 13).

En 1908, 48 000 tonnes de sel gemme sortent de la mine et 8000 tonnes de sel ignigène sont produits, ce qui place la Saline d'Einville au 5ème rang des Salines de l'Est (2).

A partir de 1950, la production commencera à décliner et la mine fermera définitivement en 1962, la concession n'étant pas perpétuée.

Fig.11 : Plan de la Mine en 1943 (remarquer la symétrie du chantier où galeries et piliers de sel sont représentés) (© C.H.L.F.R. Einville).

Fig.12 : Travail des mineurs à la Mine Saint-Laurent (© C.H.L.F.R. Einville).

Le sel gemme est utilisé en agriculture comme "pierres à sel" pour les animaux d'élevage, dans l'industrie chimique pour produire du carbonate de soude (Procédé Solvay) et comme sel de deneigement.

Le sel "grené", raffiné en grains, était obtenu par évaporation dans des poêles à sel rondes ou rectangulaires. L'activité a culminé durant la seconde guerre mondiale ; la saline employait alors 200 saliniers (et/ou mineurs). Cette usine de raffinage a définitivement fermé en 1965. Les saliniers et mineurs ont été ré-employés sur les sites de Dombasle et de Varangéville appartenant au même goupe Salins.

Dans l'enceinte de la saline actuelle (site de Maixe ou Sainte-Marie), les vestiges de la dernière poêle à sel ronde du XIXème (fig.13) attestent des techniques historiques d'extration du sel lorrain à partir des saumures.

Le sel obtenu était dit "ignigène", obtenu après chauffage, comme c'était déjà le cas dans des petits godets en terre cuite à Marsal à l'époque gallo-romaine (Musée du sel de Marsal).

Fig. 13: Vestiges d'une poêle à sel à Einville

La poêle ronde en tôles rivetées, fermée par un dôme, faisait 7 mètres de diamètre et 1 mètre de haut, dimensions qui optimisaient l'évaporation à haute température, nécessaire à l'obtention de petits cristaux de sel fin (2). Elle était alimentée en saumure à 30% de sel dissous (300g de sel par litre d'eau) et chauffée au charbon lorrain (fig.14).

Une poêle ronde fermée fonctionnait à haute température (ébulition). Elle était couplée à 2 poêles rectangulaires ouvertes qui fonctionnaient à température plus basse (entre 50 et 75 °) réutilisant ainsi l'énergie "perdue" à la sortie de la poêle ronde (2).

Fig.14 : Poêle ronde dans les années 1950 à la saline de Maixe Sainte-Marie à Einville (© C.H.L.F.R. Einville).

Les grandes poêles rectangulaires de 14 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur et 0,7 m de profondeur étaient principalement utilisées pour produire le "gros sel" (fig. 14 et 15) (2).

Leurs vestiges ont totalement disparu. Le sel grené, en grains, raffiné, produit par évaporation était mis à sécher quelques heures sur le manteau supérieur de la poêle (fig.13 et 14). Du sel "humide" était produit en 24 heures et du sel "sec" en 48 heures. Le coût de production était élevé, contraint par la dépense énergétique.

Fig.15 : Grande poêle rectangulaire à la saline Sainte-Marie à Einville (© C.H.L.F.R. Einville). Remarquer l'utilisation du bois (charpentes, volets, raclettes, sabots...), matériau encore d'actualité à la Saline de Dombasle-Varangéville, et seul capable de résister à la corrosion !

Cette technique de production de sel grené ignigène en Lorraine (Salines de l'Est) était complémentaire de celle des marais salants (Salins du Midi...) dans lesquels le sel est obtenu après évaporation sous l'action combinée du vent et du soleil avec un coût énergétique nul !

Les différentes unités de production ont progressivement fusionné pour former la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est en 1968. cette société est une filiale du groupe Salins, un des principaux groupes saliniers européens.

A la Saline d'Einville, deux procédés d'extraction et de raffinage du sel sont utilisées:

Une fraction du sel raffiné est toujours produit "à l'ancienne" avec la technique de poêles à sel modernes qui permettent la cristallisation de grains de sel automorphes. Ce sel de qualité "gastronomique" (équivalent de "la fleur de sel" extraite des marais salants) est toujours récolté "à la main".

Une second procédé plus rentable d'un point de vue énergétique, le procédé Piccard, développé dès 1885 et privilégié dans les salines de nos jours, permet cette fois une production "industrielle" automatisée de sel raffiné. Il utilise un principe voisin de celui de la pompe à chaleur. La saumure évaporée par de la vapeur comprimée dégage par ébulition une nouvelle vapeur qui sera à son tour utilisée dans le processus. La bouillie de sel (humide) obtenu est reprise en continu dans une essoreuse puis le sel (sec) est extrait. Le système économise environ 50 % d'énergie par rapport aux poêles à sel classiques et le sel obtenu est plus pur (2).

 

Bibliographie-Sitologie:

(1) Documents historiques de Serge Husson et Francis Dinvaux en particulier "Le sel à Einville-au-Jard" - fichier pdf téléchargeable.

(2) Le Coin des Becs salés

(3) Delus C., Lejeune T., Mathis D., Rochel X. et François D. (2020) - Étude historique du bassin versant de la Meurthe. Rapport Final LOTERR. EPTB Meurthe-Madon, 287 pages.


Auteurs : Didier ZANY - Philippe MARTIN - Date de création : 10/03/2024 - Dernière modification : 23/05/2024

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