SVT Lorraine > Géologie Lorraine > Travertin de Lasauvage (Luxembourg) >

Travertin de Lasauvage (Luxembourg) : 3. Description

Un cron (ou cranière) est une accumulation de tuf calcaire qui se dépose sur une pente, au griffon d'une source suspendue, sortant d'un massif de roches carbonatées[1]. La roche nouvellement formée par précipitation est une roche blanche, très poreuse (donc peu dense), appelée tuf calcaire ou travertin.

Le cron de Lasauvage n'est plus actif. La source (aujourd'hui tarie) qui lui a donné naissance jaillissait sur le versant oriental de la vallée du ruisseau de la Côte Rouge (bassin versant de la Chiers) où se loge le village et qui entaille le plateau calcaire de la Côte de Moselle.

Un gros fragment de la tufière de Lasauvage (7500 m3 environ soit 25mx20mx15m) s'en est détaché en 1880 (fig.3) et repose actuellement en bordure de la route près de l'église de la commune (fig.4).

Fig.3 : Le gros bloc détaché de la tufière constituant le Cron de Lasauvage au début du XXème siècle (carte postale ancienne).

Fig.4 : Le Cron de Lasauvage, état en 2025.

D'autres gros fragments peuvent être également être observés en forêt dans la pente en arrière du bloc principal (fig.5).

Fig.5 : Autre élément de la tufière dans la forêt derrière le bloc principal.

Le gros bloc détaché en 1880 s'est ensuite lui-même à nouveau fragmenté un siècle plus tard en 1993 (fig6).

Fig.6 : La fracture dans le bloc de travertin apparue en 1993 est bien visible au niveau des pieds du géologue. (Etat en 2025)

La précipitation du carbonate de calcium qui constitue le travertin est favorisée lorsque l'eau souterraine libère son CO2 dissous au contact de l'air : ré-équilibrage air (plus pauvre) - eau (plus riche) des concentrations en CO2. La diminution de concentration de CO2 dissous dans l'eau a pour effet la précipitation du carbonate de calcium, selon la réaction : Ca2+ + 2HCO3- --> CaCO3 + CO2 + H2O.

Ce phénomène est par ailleurs accentué par la photosynthèse, consommatrice de CO2, par les micro-organismes et les végétaux de surface.

Pour une explication détaillée de la formation de ces massifs de tufs calcaires (précipitation des carbonates dissous)[2], voir l'article de G. Michard (2022)[3] sur la fontaine de Réotier (Hautes-Alpes) et les fiches suivantes :

- en Meurthe-et-Moselle, Travertin de Boismont, Tertres de Baslieux, Roises de Lucey ;

- en Moselle, Carrière de gypse de Klang (fontaine tufeuse).

De nombreux autres crons sont connus dans la même province géologique, en "Lorraine belge", dans la Gaume[1][4][5] : Gros cron de Lahage à Tintigny, Cron de Montauban à Buzenol, Cron de La Haie de Han à St.-Léger...

Le tuf calcaire ou travertin de Lasauvage se montre riche en empreintes de racines, de tiges et de rameaux feuillés issus des différents végétaux qu'il a emprisonnés au moment de sa formation (fig.7, 8, 9 et 10). Certaines empreintes foliaires rappellent la feuille du noisetier ou du tilleul voire celle de l'aulne (fig.10), d'autres, au limbe linéaire, ressemblent à celle de certains saules (fig.10). La paléoflore et l'âge exact de la tuffière ne semblent pas avoir fait l'objet d'une étude publiée mais compte-tenu de la diversité des feuillus de différentes essences actuelles, qui témoignent d'un climat tempéré, on peut raisonnablement admettre une édification durant l'Holocène (postérieurement à la fin de la dernière glaciation, il y a 12 000 ans), sans plus de précision.

Fig. 7: Manchons calcaires autour de cavités correspondant à des empreintes de racines dans le tuf

Fig. 8: Rameaux d'arbres ou d'arbustes fossilisés

Fig. 9: Amas de feuilles fossilisées

Fig. 10: Détails de quelques feuilles fossilisées illustrant la paléo-diversité végétale qui existait aux abords de la tufière - A : noisetier ou tilleul (?) ; B : saule (?) ; C : 3 espèces différentes (flèches) dont noisetier ou tilleul (?) au centre à gauche.

 

Par ailleurs, le travertin étant poreux, l'eau d'infiltration (rechargée en CO2) y circule facilement, redissolvant le calcaire, lors de son transit. Celui-ci précipite à nouveau à la faveur d'un retour à l'air libre (exsurgence, suintement pariétal) et d'un dégazage de l'eau, donnant naissance à une nouvelle génération de concrétions carbonatées (fig.11).

Fig.11 : Concrétions carbonatées néoformées en surface du cron de Lasauvage 

Lasauvage possède un musée sur la géologie qui peut compléter la visite de la tufière : le Musée Eugène Pesch qui expose une belle collection de fossiles, de minéraux et d’outils de mineurs, en lien avec les gisements luxembourgeois de minérai de fer de la Minette (voir la fiche de Differdange ou celle d'Hussigny-Godbrange sur ce site par exemple). Ce musée est gratuit mais ouvert uniquement les dimanches après-midi (sauf les mois d'hiver).

 

Éléments de bibliographie:

[1] Coûteaux M. (1969) - Formation et chronologie palynologique des tufs calcaires du Luxembourg belgo-grand-ducal. In: Bulletin de l'Association Française pour l'Etude du Quaternaire, vol. 6, n°3, pp. 179-206.

[2] Pentecost A. (2005) - Travertine. Springer-Verlag Berlin-Heidelberg Ed., 445 pages.

[3] Michart G. (2022) - La Fontaine de Réotier (Hautes-Alpes)… et l'acidification des océans. https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/systeme-carbonate.xml (consulté le 21 août 2025).

[4] Symoens J.-J. et Van Der Werf A. (1951) - Note sur les formations de tuf calcaire des environs de Consdorf (Grand-Duché du Luxembourg). Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique, Tome 83, page 213.

[5] Symoens J.J., Duvigneaud P. et Vanden Berghen C., en collaboration avec Dewit J. et Kiwak A. (1951) - Aperçu sur la végération des tufs calcaires de la Belgique. Bulletin de la Société Royale de Botanique de Belgique, Tome 83, Fascicule 3, pp. 329-352.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 02/03/2025 - Dernière modification : 06/10/2025

Suite Retourner à l'accueil Géologie de la Lorraine Suite Suite de la fiche Lasauvage (Lux) : 4. Activités réalisables

Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)