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Cône de déjection de Longemer : 3. Description

Le Lac de Longemer, long de près de 2 km, occupe une ancienne vallée glaciaire[1][2], d'une largeur de 500 mètres, en forme de U à fond plat (fig.3). 

Fig.3: Profil altimétrique montrant l'ancienne vallée glaciaire à fond plat

La rivière Vologne, qui prend sa source à la Fontaine Nicole près du Collet, traverse le Lac de Retournemer fermé par un verrou puis celui de Longemer retenu par une moraine frontale, avant d'abandonner la vallée principale dite "des lacs" pour se diriger vers le nord-ouest dans une vallée encaissée, sorte de drain d'origine tectonique (voir une carte ICI).

Un cône de déjection (fig.2, 4 et 6) s'est formé, à la manière d'un delta, par progradation dans le Lac de Longemer au débouché du vallon étroit de la Basse de la Mine (pour un autre exemple de cône de déjection actuel : le cône de Boscodon-Hautes-Alpes, voir l'annexe 1 ; ou dans une autre dimension encore, les cônes de déjection en zone aride de la Vallée de la Mort en Californie). Les sédiments détritiques (majoritairement grossiers, mal triés et à débris anguleux - voir un exemple ICI ou en annexe 1) qui composent un cône de déjection sont d'origine fluviatile. Aux abords du lac de Longemer, ils ont été apportés de façon soudaine lors de crues (épisodes de fonte des neiges) par le torrent de la Basse de la Mine. En s'immergeant dans le lac, ils ont pu construire un mini delta progradant [3][4]. La mise en place combinée du delta et de son cône alluvial nourrissier peut alors constituer un système hybride qualifié de cône deltaïque ou fan delta [6].

L'arrivée dans la masse d'eau stagnante du lac, couplée à une rupture de pente, entraînent la diminution de la vitesse et donc de l'énergie de l'eau courante du torrent : les sédiments transportés sont freinés et se déposent en constituant un relief en forme d'éventail ou de cône [2][3][4][5]. À chaque crue, de nouveaux matériaux affluent et un tri granulométrique s'opère. Les matériaux grossiers, blocs, galets, graviers (rudites) se déposent les premiers (= topset / cône proximal) alors que les sédiments les plus fins, silts et argiles (pélites) s'en vont plus à l'avant et gagnent le fond du lac (= bottomset / cône distal). Entre les deux, dans la partie deltaïque immergée, les sables (arénites) se déposent sur une pente raide allant jusqu'à 15° (= foreset du front de delta)[2][3][4] (fig.4).

Fig.4A : Modèle de dépôt (coupe longitudinale) dans un delta progradant[4]

Fig.4B : Modèle de dépôt (coupe longitudinale) dans un cône de déjection : (1) coulées boueuses, (2) galets, (3) sables et graviers, (4) silts et argiles[7].

Les dépôts se sont mis en place durant l'Holocène au Quaternaire récent après la déglaciation du Massif Vosgien (= formations tardiglaciaires d'après la notice de la carte géologique de Gérardmer).

Le site a été considérablement modifié et aménagé durant la seconde moitié du XXème siècle (comparer fig.6 et fig.2).

Situé sur une propriété privée et complétement aménagée, il est donc de ce fait inaccessible pour y effectuer des coupes de sondage qui auraient illustré les modèles de la figure 4. Plus en aval, dans la vallée de la Cleurie,  des structures de delta (fig.4A), d'origine glacio-lacustre, peuvent être approchées dans la carrière de Pré j'Espère (fiche Le Tholy 3).

Fig.5 : Photographie aérienne du site tel qu'il se présentait dans son état naturel avant 1965, avant son urbanisation (© IGN-géoportail)

Le site reste cependant intéressant par les observations du paysage en perspective que l'on peut en faire.

Il est en particulier bien définisssable depuis le ciel (fig.2, 5 et 6), le bélvèdère de la Roche du Diable (voir ici) en bordure de la route de Colmar qui gravit le Col de la Schlucht (D417) ou depuis la Chaume du Haut Gazon (fig.7) accessible par un chemin depuis la Chaume de Balveurche ou par un sentier escarpé qui grimpe sur l'ancienne piste de ski alpin du Collet. 

Fig.6 : Vue aérienne de la Vallée des Lacs (vue de face, vers l'amont) : deux petits deltas progradants occupent la rive droite du Lac de Longemer, la Butte Bilon et la Basse de la Mine (© A. Humbert)[8]

Fig.7 : Point de vue sur le Lac de Longemer et le cône de déjection depuis la chaume du Haut Gazon

Fig.8 : Autre point de vue sur le Lac de Longemer et les deux cônes de déjection (la Basse de la Mine et les campings au premier plan et la Butte Bilon au second plan) depuis la Roche des Vieux Chevaux (alt. 984 m) au sud du lac (été 2023)

A noter la présence de deux autres petites structures progradantes sur le Lac de Longemer où se concentrent les apports du Ruisseau des Plombes pour constituer la Butte Bilon (fig.1, 6 et 8) siège d'un ancien ermitage et ceux du ruisseau St Jacques.

 

[1] LORY P. (1918) - Sur la morphologie et les dépôts glaciaires des Hautes-Vosges centrales. Annales de l'Université de Grenoble, Tome XXX, pp. 139-156.

[2] FLAGEOLET J. C. (2002) - Sur la trace des glaciers vosgiens. CNRS ed., 212 pages.

[3] GILBERT G.K. (1885) - The topographic features of the shorelines. US Geol. Surv. Rep., 5, Washington DC, pp. 75–123.

[4] LOGET N. (2005) - Dynamique de l'érosion fluviatile consécutive à une chute du niveau de base. L'exemple de la Crise de Salinité Messinienne. Thèse de Doctorat. Université de Rennes, 217 pp.

[5] HJULSTRÖM F. (1935)Studies of the morphological activity of rivers as illustrated by the river Fyris, Bull. Geol. Inst. Univ. Uppsala, Volume 25, pp. 221-527.

[6] NEMEC W. & STEEL R.J. (1988) - What is a fan delta and how do we recognize it ? In Fan deltas : Sedimentology and Tectonic Settings, Blackie publ., W. Nemec and R.J. Steel ed ; lien de consultation.

[7] BEAUCHAMP J. - Sédimentologie - Chapitre 5 - Les dépôts continentaux - https://www.u-picardie.fr (consulté le 29 octobre 2025).

[8] HARMAND D. et HUMBERT A. (2017) - Lecture des paysages lorrains. Université Ouverte des Humanités (UOH) : La Vallée des Lacs à Longemer.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Date de création : 29/08/2025 - Dernière modification : 30/10/2025

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