Carrière VICAT de Viterne : 3. Description
L'ancienne carrière de Viterne présente trois fronts de taille, d'une hauteur de 10 m à 15 m chacun, se succédant par paliers. Toutes les formations affleurantes sont datées du Bajocien (fig.2 et 3).
De la base de la carrière vers le sommet, on distingue:
- Le premier front de taille (F1 - fig.4): il est actuellement peu accessible en raison des risques d'éboulement et des blocs qui encombrent sa base.
On peut toutefois reconnaître trois ensembles, du bas vers le haut :
- Le deuxième front de taille (F2 - fig.5) : situé au dessus du premier, il repose sur une surface interne au Calcaire à polypiers inférieur.
La base du front de taille présente, jusqu'au deux tiers de sa hauteur, le sommet du Calcaire à polypiers inférieur. Cette formation est caractérisée par des biohermes à coraux passant latéralement à de bancs calcaires stratifiés de nature variable..
Les strates, épaisses de 10 à 30 cm en moyenne, sont constituées de calcaire bioclastique de type wackestone, packstone ou grainstone, de couleur beige ou grise (matière organique) voire même de marnes. Des fossiles (coquillles souvent recristallisées) de bivalves (genres Chlamys, Plagiostoma, Trichites entre autres), de gastéropodes (genre Bourguetia), de brachiopodes (térébratules et rhynchonelles) peuvent être récoltés.
Un bioherme, BH1 (fig.6), est situé au niveau du coude est du front de taille : il s'agit d'un ensemble formé de coraux branchus et lamellaires recristallisés, noyés dans une matrice carbonatée micritique (voir micrite).
Un autre bioherme, BH2, se trouve sur la partie ouest du front de taille mais il est difficile d'accès.
Le sommet du deuxième front de taille montre, sur le dernier tiers de sa hauteur, la formation de l'Oolithe cannabine. Le contact avec la formation sous-jacente (Calcaire à polypiers inférieurs), visible au-dessus du bioherme BH1, est marqué par une bioérosion intense (terriers remplis de dépôts ferrugineux). Il caractérise une probable surface d'émersion (Lathuilière et al. 2003).
- Le troisième front de taille (F3 - fig.7) : le plancher est formé par l'Oolithe cannabine (fig.8) dont les éboulis recouvrent le sommet du front de taille médian F2. Le front de taille supérieur montre essentiellement la formation du Calcaire à polypiers supérieur : il s'agit de calcaires blancs massifs, à patine noire, plus fins que ceux du Calcaire à polypiers inférieur. On y rencontre également des oolithes, des bioclastes (bivalves du genre Trichites notamment). La partie ouest du front de taille offre quelques constructions récifales coralliennes en place. La structure construite est visible de près à la base de la formation (1,50 m à 2 m d'épaisseur) ou sur les gros blocs d'éboulis.
Au niveau du coude ouest du front de taille, le plancher de la carrière présente des déformations (ondulations) liées à la compaction différentielle des biohermes du Calcaire à polypiers inférieur par rapport à leurs faciès latéraux.
Les paléoenvironnements correspondant aux formations décrites ont été proposés par différents auteurs : Durand et al. (1989), Geister et Lathuilière (1991), Guillocheau et al. (2002), Lathuilière (2000), Lathuilière et al. (2003).
Tous ces dépôts se sont constitués en domaine de plate-forme carbonatée présentant des écosystèmes à coraux.
Certaines structures sédimentaires caractéristiques de tempestites observées dans le calcaire à entroques plaident en faveur d'un milieu de type offshore supérieur (limite d'action de la houle de tempête) évoluant vers un environnement de type shoreface plus proximal, pour le sommet de la formation (apparition progressive d'oolithes).
Le milieu de dépôt de l'Oolithe à Clypeus angustiporus correspondrait à un environnement de type "shoal" oolithique, achevant le cycle de diminution de la profondeur commencé dans la formation du Calcaire à entroques.
Le Calcaire à polypiers inférieur marque l'installation brutale des premières constructions à coraux dont la morphologie correspond à des formes d'éclairement et de profondeur moyens, avec une dérive bathydécroissante (Lathuilière et al. 2003).
La production carbonatée récifale est interrompue par la formation de l'Oolithe cannabine caractérisée par la présence d'oncoïdes résultant de l'activité combinée d'algues et de foraminifères (genre Nubecularia) encroûtants.
Enfin le Calcaire à polypiers supérieur marque le retour de constructions récifales dont les formes et les tailles de colonies s'accordent avec une très faible profondeur et un éclairement maximal (Lathuilière et al. 2003).
Le sommet de la formation est marqué par une suface d'arrêt de sédimentation avec perforations et huîtres fixées, correspondant à la discontinuité vésulienne reconnue en Europe de l'Ouest. La partie sommitale de la carrière laisse apercevoir, en limite de forêt, les premiers mètres des Marnes de Longwy, formation mal nommée qui est faite d'un calcaire rognoneux riche en oncoïdes à nubéculaires et qui commence le Bajocien supérieur.
Une autre carrière, stratigraphiquement quasi-équivalente, située de l'autre côté de la route est aujourd'hui exploitée par la société COGESUD. Elle se termine dans le Calcaire à polypiers supérieur.
Cette société exploite également à proximité, une autre carrière à Bainville, qui présente les mêmes formations depuis le Calcaire à polypiers inférieur jusqu'aux Marnes de Longwy.
Remerciements
Nous tenons à remercier M. le Pr. Bernard Lathuilière (Laboratoire G2R - Université de Nancy) de sa généreuse et précieuse collaboration au cours de la rédaction et de la relecture de cette fiche.
Bibliographie
DURAND M., HANZO M., LATHUILIERE B., LE ROUX J. et MANGOLD C. (1989) - Excursion en Lorraine - Nancy 3-5 mai - Livret Excursion Guide Univ. Nancy I, Labo. GES, inéd. 1-60.
GEISTER J. et LATHUILIERE B. (1991) - Jurassic coral reefs of the northeastern Paris Basin (Luxembourg and Lorraine). Excursion A3. - VI Intern. Symp. on fossil Cnidaria incl. Archaeocyatha and Porifera, Munster, Excursion guidebook, 1-112.
GUILLOCHEAU F., ROBIN C., DAGALLIER G., ROBIN F.-X. et LE SOLLEUZ A. (2002) - Le Jurassique de l'Est du Bassin de Paris. Bull. Inf. du Bass. Paris, vol. 39, n°3, 23-27.
LATHUILIERE B. (2000) - Coraux constructeurs du Bajocien inférieur de France. Geobios, Lyon, 1ère partie, n°33, 51-72; 2ème partie, n°33, 153-181.
LATHUILIERE B., CARPENTIER C., ANDRE G., DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. et NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. 20-21-22 septembre; livret de terrain excursion - G2R/CG54/Groupe Français d'Etude du Jurassique.
De la base de la carrière vers le sommet, on distingue:
- Le premier front de taille (F1 - fig.4): il est actuellement peu accessible en raison des risques d'éboulement et des blocs qui encombrent sa base.
On peut toutefois reconnaître trois ensembles, du bas vers le haut :
- Le Calcaire à entroques forme le plancher de la carrière ; des blocs reconnaissables à leur patine rousse et présentant de nombreux cristaux (entroques) peuvent être échantillonnés parmi les éboulis.
- L'Oolithe à Clypeus angustiporus forme le tiers médian du premier front de taille : il s'agit d'un calcaire oolithique blanc à bioclastes.
- Le Calcaire à polypiers inférieur couronne l'ensemble sur le tiers supérieur du front de taille : cette formation se reconnaît à ses couches grises à aspect noduleux.
- Le deuxième front de taille (F2 - fig.5) : situé au dessus du premier, il repose sur une surface interne au Calcaire à polypiers inférieur.
La base du front de taille présente, jusqu'au deux tiers de sa hauteur, le sommet du Calcaire à polypiers inférieur. Cette formation est caractérisée par des biohermes à coraux passant latéralement à de bancs calcaires stratifiés de nature variable..
Les strates, épaisses de 10 à 30 cm en moyenne, sont constituées de calcaire bioclastique de type wackestone, packstone ou grainstone, de couleur beige ou grise (matière organique) voire même de marnes. Des fossiles (coquillles souvent recristallisées) de bivalves (genres Chlamys, Plagiostoma, Trichites entre autres), de gastéropodes (genre Bourguetia), de brachiopodes (térébratules et rhynchonelles) peuvent être récoltés.
Un bioherme, BH1 (fig.6), est situé au niveau du coude est du front de taille : il s'agit d'un ensemble formé de coraux branchus et lamellaires recristallisés, noyés dans une matrice carbonatée micritique (voir micrite).
Un autre bioherme, BH2, se trouve sur la partie ouest du front de taille mais il est difficile d'accès.
Le sommet du deuxième front de taille montre, sur le dernier tiers de sa hauteur, la formation de l'Oolithe cannabine. Le contact avec la formation sous-jacente (Calcaire à polypiers inférieurs), visible au-dessus du bioherme BH1, est marqué par une bioérosion intense (terriers remplis de dépôts ferrugineux). Il caractérise une probable surface d'émersion (Lathuilière et al. 2003).
- Le troisième front de taille (F3 - fig.7) : le plancher est formé par l'Oolithe cannabine (fig.8) dont les éboulis recouvrent le sommet du front de taille médian F2. Le front de taille supérieur montre essentiellement la formation du Calcaire à polypiers supérieur : il s'agit de calcaires blancs massifs, à patine noire, plus fins que ceux du Calcaire à polypiers inférieur. On y rencontre également des oolithes, des bioclastes (bivalves du genre Trichites notamment). La partie ouest du front de taille offre quelques constructions récifales coralliennes en place. La structure construite est visible de près à la base de la formation (1,50 m à 2 m d'épaisseur) ou sur les gros blocs d'éboulis.
Au niveau du coude ouest du front de taille, le plancher de la carrière présente des déformations (ondulations) liées à la compaction différentielle des biohermes du Calcaire à polypiers inférieur par rapport à leurs faciès latéraux.
Les paléoenvironnements correspondant aux formations décrites ont été proposés par différents auteurs : Durand et al. (1989), Geister et Lathuilière (1991), Guillocheau et al. (2002), Lathuilière (2000), Lathuilière et al. (2003).
Tous ces dépôts se sont constitués en domaine de plate-forme carbonatée présentant des écosystèmes à coraux.
Certaines structures sédimentaires caractéristiques de tempestites observées dans le calcaire à entroques plaident en faveur d'un milieu de type offshore supérieur (limite d'action de la houle de tempête) évoluant vers un environnement de type shoreface plus proximal, pour le sommet de la formation (apparition progressive d'oolithes).
Le milieu de dépôt de l'Oolithe à Clypeus angustiporus correspondrait à un environnement de type "shoal" oolithique, achevant le cycle de diminution de la profondeur commencé dans la formation du Calcaire à entroques.
Le Calcaire à polypiers inférieur marque l'installation brutale des premières constructions à coraux dont la morphologie correspond à des formes d'éclairement et de profondeur moyens, avec une dérive bathydécroissante (Lathuilière et al. 2003).
La production carbonatée récifale est interrompue par la formation de l'Oolithe cannabine caractérisée par la présence d'oncoïdes résultant de l'activité combinée d'algues et de foraminifères (genre Nubecularia) encroûtants.
Enfin le Calcaire à polypiers supérieur marque le retour de constructions récifales dont les formes et les tailles de colonies s'accordent avec une très faible profondeur et un éclairement maximal (Lathuilière et al. 2003).
Le sommet de la formation est marqué par une suface d'arrêt de sédimentation avec perforations et huîtres fixées, correspondant à la discontinuité vésulienne reconnue en Europe de l'Ouest. La partie sommitale de la carrière laisse apercevoir, en limite de forêt, les premiers mètres des Marnes de Longwy, formation mal nommée qui est faite d'un calcaire rognoneux riche en oncoïdes à nubéculaires et qui commence le Bajocien supérieur.
Une autre carrière, stratigraphiquement quasi-équivalente, située de l'autre côté de la route est aujourd'hui exploitée par la société COGESUD. Elle se termine dans le Calcaire à polypiers supérieur.
Cette société exploite également à proximité, une autre carrière à Bainville, qui présente les mêmes formations depuis le Calcaire à polypiers inférieur jusqu'aux Marnes de Longwy.
Remerciements
Nous tenons à remercier M. le Pr. Bernard Lathuilière (Laboratoire G2R - Université de Nancy) de sa généreuse et précieuse collaboration au cours de la rédaction et de la relecture de cette fiche.
Bibliographie
DURAND M., HANZO M., LATHUILIERE B., LE ROUX J. et MANGOLD C. (1989) - Excursion en Lorraine - Nancy 3-5 mai - Livret Excursion Guide Univ. Nancy I, Labo. GES, inéd. 1-60.
GEISTER J. et LATHUILIERE B. (1991) - Jurassic coral reefs of the northeastern Paris Basin (Luxembourg and Lorraine). Excursion A3. - VI Intern. Symp. on fossil Cnidaria incl. Archaeocyatha and Porifera, Munster, Excursion guidebook, 1-112.
GUILLOCHEAU F., ROBIN C., DAGALLIER G., ROBIN F.-X. et LE SOLLEUZ A. (2002) - Le Jurassique de l'Est du Bassin de Paris. Bull. Inf. du Bass. Paris, vol. 39, n°3, 23-27.
LATHUILIERE B. (2000) - Coraux constructeurs du Bajocien inférieur de France. Geobios, Lyon, 1ère partie, n°33, 51-72; 2ème partie, n°33, 153-181.
LATHUILIERE B., CARPENTIER C., ANDRE G., DAGALLIER G., DURAND M., HANZO M., HUAULT V., HARMAND D., HIBSCH C., LE ROUX J., MALARTRE F., MARTIN-GARIN B. et NORI L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. 20-21-22 septembre; livret de terrain excursion - G2R/CG54/Groupe Français d'Etude du Jurassique.