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Centre Académique pour la Scolarisation des enfants allophones Nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs

Centre Académique de Ressources pour l’Education Prioritaire

Langue de communication, langue de scolarisation
Article mis en ligne le 14 avril 2014
dernière modification le 2 juillet 2014

par CASNAV CAREP Nancy-Metz

Par Catherine Colnot, anciennement formatrice au CASNAV-CAREP de Nancy-Metz

Entrer dans la langue de communication constitue une première étape indispensable dans l’apprentissage du français mais elle est à dépasser rapidement pour faire travailler les enfants non francophones sur une langue plus diversifiée dans ses formes et ses emplois, nécessaire à la scolarisation et aux apprentissages.

La langue de communication

C’est la langue utilitaire qui permet de « se débrouiller » dans les situations de communication courante.

Caractéristiques de la langue de communication :

- Linguistique : elle véhicule un registre de langue standard, avec les caractéristiques de l’oralité, souvent sous forme de dialogues.

- Ouverture culturelle : elle favorise la connaissance de « l’autre », du pays d’accueil, ses rites, ses habitudes, son univers pour créer une familiarisation, réduire une distance.

- Contenus : ils sont liés aux conventions sociales (exemple : les manières de se saluer) et à la vie quotidienne (lexique courant, actes linguistiques et culturels de la vie sociale : se présenter, demander quelque chose, faire des achats, ...)

La langue de communication est très dépendante des interactions avec autrui. Elle est donc très immédiate et contextualisée. Les tournures linguistiques et le lexique employés sont directement liés aux référents présents au moment où on en parle : objets, évènements, actions... Les méthodes de français langue étrangère permettent exclusivement l’enseignement/apprentissage de cette langue de communication. 

Rôle primordial des interactions langagières et du type de relances utilisées par l’enseignant.

Le langage et l’appropriation de la langue se développent dans les interactions adultes/enfants. Il est donc primordial d’être attentif à la qualité des relances : reprises et reformulations des essais de l’enfant par l’adulte contribuent à faire évoluer son système linguistique en construction. « Quand les propositions de l’adulte s’appuient sur ce que dit l’enfant, quand elles sont des réponses aux essais de l’enfant, on peut observer non seulement un allongement des énoncés de l’enfant mais aussi une reprise de ces fonctionnements proposés par l’adulte, d’abord immédiatement dans des contextes linguistiques identiques, et ensuite en différé dans d’autres contextes » (Canut Emmanuelle, L’apprentissage du langage oral en maternelle : rôle, modalités et enjeux des interactions langagières entre adultes et enfants, in CASNAV-CAREP de Nancy-Metz, Académie de Nancy-Metz, Conférence du 21 mars 2007). 

Le français langue seconde et de scolarisation

Pour les enfants allophones vivant en France, la langue française n’occupe pas la même place que pour les apprenants en français langue étrangère vivant à l’étranger, car la maîtrise du français conditionne leur réussite scolaire. Tous les apprentissages s’effectuent dans cette langue, notamment l’alphabétisation pour les enfants migrants qui arrivent avant six ans.

Le français langue de scolarisation a le statut de langue de transmission pédagogique et d’enseignement.

À l’école maternelle, il s’agit exclusivement de la langue orale. Le français oral fonctionne essentiellement par groupes de souffle, sans accentuation sur les mots, ce qui rend difficile le découpage de la chaîne sonore et le travail d’identification en mots. Le passage à l’écrit facilite la prise de conscience des signes linguistiques dans une langue seconde mais ne peut être systématisé qu’avec des enfants apprentis lecteurs, dès le cours préparatoire.

En maternelle, c’est donc prioritairement à l’oral qu’il convient de travailler sur la production (verbalisation) et la réception (compréhension) des messages avec les enfants non francophones, même si des activités de familiarisation avec le monde de l’écrit peuvent leur être proposées parallèlement, tout comme aux autres enfants de la classe.

Pour s’adapter au monde scolaire, à son fonctionnement et ses attentes, il est nécessaire de développer une langue nécessaire à la vie de l’écolier : vocabulaire renvoyant au matériel scolaire, aux supports et activités, aux consignes... Il est important d’axer l’enseignement sur la compréhension et d’insister aussi sur la communication scolaire.

Pour aider les enfants à se repérer dans la langue seconde, il est important :

- de faire de la langue orale un « objet d’études » en favorisant les comportements métalinguistiques. Les interrogations spontanées sur le fonctionnement de la langue sont à encourager (qu’est ce que ça veut dire ? comment ça s’appelle ?...). Les essais logiques de construction syntaxique erronés sont à interpréter comme les signes de l’application d’une règle implicitement construite. Exemple : « il a prendu »... Cette construction syntaxique montre que l’enfant a intériorisé la règle générale de formation du passé composé. C’est dans l’interaction verbale avec l’enseignant, en lui renvoyant la forme morphologique correcte de son essai que l’enfant va peu à peu l’intérioriser et la mémoriser.

- de proposer à l’enfant d’effectuer de temps à autres des manipulations orales pour mieux comprendre le fonctionnement de la langue. Des jeux structuraux ou des situations spécifiques portant sur la « grammaire de l’oral » lui permettront de conquérir petit à petit les formes du discours oral : le vocabulaire, la prononciation et la syntaxe. Ces éléments sont indispensables à la communication et à l’apprentissage de la lecture et de la langue écrite.

Voir Outils pour la classe > Jeux pour parler 

- d’être attentif à la construction des concepts. En apprenant une langue, l’enfant n’apprend pas que des formes linguistiques, il apprend aussi des concepts. Le concept est une représentation mentale, sous forme d’image mentale pour les petits qui associe :

 le mot qui le désigne : le signifiant sonore (forme orale) et visuel (forme écrite) ;
 les attributs, les caractéristiques, les propriétés ;
 des exemples d’illustration, souvent prototypiques, en partie ou en tout.

Exemple : le concept de chien

- Signifiant : le mot CHIEN.
- Caractéristiques : mammifère, 4 pattes, aboiement, poils...
- Exemples : mon chien, celui des voisins, les chiens dans la rue, sur des photos ou films...

Si l’enfant parvient à relier un spécimen nouveau, inconnu dans son champ d’expériences et de connaissances au concept, cela signifie qu’il maîtrise le concept. À l’inverse, un signe qui renvoie à un seul référent disponible chez l’enfant montre que le concept n’est pas construit parce que l’enfant n’est pas capable d’y rattacher d’autres représentations. Exemple : le chien, c’est uniquement le fox-terrier des voisins mais pas le caniche ou le berger allemand croisés dans la rue.

Lors de l’apprentissage de la langue seconde, en maternelle et au début du cycle 2, l’enfant allophone continue à construire des concepts et à le nommer dans sa langue d’origine, tout en devant mémoriser un nouveau signifiant en langue seconde. C’est une double opération pour lui qui lui demande beaucoup d’efforts et de temps. Pour l’aider à élaborer des représentations mentales et à en mémoriser la forme sonore en langue française, il convient :

de favoriser la structuration de la langue première accompagnant et soutenant l’apprentissage de la langue seconde, en travaillant dans la mesure du possible en partenariat avec les familles et autour d’outils bilingues notamment.

de travailler autour de concepts faisant partie du champ culturel ou d’expérience de l’enfant. Construire une « culture commune » dans la classe autour d’une sortie ou d’un spectacle, d’un album, de fêtes et évènements, de rituels scolaires, d’expérimentations dans la découverte du monde et dans le domaine artistique... est un principe pédagogique qui devrait fonder les projets de classe. Proposer un travail à propos du Carnaval, par exemple, nécessite de construire une culture commune autour de ce thème : beaucoup d’enfants ne vivent pas d’expérience de déguisement dans leur champ culturel familial, surtout dans les familles étrangères où cette tradition n’existe peut-être pas ou pas sous la forme culturelle française. Mettre à disposition des enfants une grande malle remplie de vêtements et accessoires vestimentaires est sans doute le meilleur moyen de leur faire vivre cette expérience, tout en construisant en situation, le lexique associé aux vêtements.

de lui proposer le plus possible des supports concrets (objets à manipuler, toucher, classer) ou/et vivants (animaux, êtres humains...) et des représentations imagées les plus diversifiées possibles du concept abordé : photos, images, imagier, logos et représentations diverses, illustrations de livres pour enfants, œuvres d’art...L’enseignant peut se constituer petit à petit une banque d’images référentes et laisser à disposition permanente des enfants imagiers et référentiels. Pour reprendre l’exemple du thème de Carnaval, si on évoque les personnages traditionnels tels Arlequin, Pierrot, Colombine... dans une comptine, une chanson ou un livre, il faut penser à en rapporter des représentations : marionnettes, pantins, photos ou films, prospectus publicitaires présentant des déguisements, livres de littérature de jeunesse aux illustrations diverses, tableaux artistiques ou mieux encore, assister à un défilé où ils sont représentés, si c’est possible...

→ d’aborder lexique et catégorisation de pair. Manipuler des objets et des représentations iconographiques à regrouper par famille ou par thème est une bonne stratégie pour apprendre et mémoriser des mots (ce que l’objet ou l’image représentent) et des concepts (les familles ou thèmes auxquels ils appartiennent). Plutôt que de mémoriser des listes de mots appartenant à un champ lexical, il est préférable de procéder par comparaison (similitudes, différences, contraires...) et contrastes fonctionnels (exemple : dans les meubles, différence entre armoire, étagère, buffet, commode...) et perceptifs (exemple : les objets doux et piquants).

Plus les rencontres avec un même mot sont fréquentes, plus les liens que les enfants établissent entre ce mot et d’autres sont solides, plus ils les mémorisent.

Voir Outils pour la classe > Jeux de structuration du lexique en maternelle

Langue de scolarisation et décontextualisation 

La langue de scolarisation est une langue qui nécessite une décontextualisation.

Transférer des compétences linguistiques et langagières apprises en situation à une situation décontextualisée. Si on propose, par exemple, un jeu de rôle mettant en scène l’achat de nourriture dans le coin marchande de la classe, l’enfant est capable de décontextualiser s’il réutilise certains éléments en dehors de cette situation particulière, par exemple lors d’une sortie au marché du quartier pour faire des courses :

  • actes de langage sociaux et culturels : saluer l’autre, actes de politesse, produire une demande claire, demander le prix...
  •  outils linguistiques propres à la demande : je voudrais..., est ce que vous avez ?...
  •  vocabulaire spécifique.

La perception auditive (éventuellement visuelle) d’un signe doit activer le concept et non pas le seul référent présent dans la situation immédiate. Cela nécessite de travailler sur des opérations de catégorisation. Les jeunes enfants éprouvent des difficultés à construire des catégories et à établir des relations catégorielles entre les différents éléments. Savoir catégoriser permet pourtant de réussir un grand nombre de tâches scolaires et de la vie quotidienne. Les relations catégorielles sont impliquées dans toutes les opérations cognitives : identifier, déduire, désigner, représenter, abstraire, mémoriser, apprendre...
Pour apprendre à construire ces catégories, il y a nécessité de proposer des situations et supports où on peut associer, disperser et assembler divers éléments de différentes manières. Une série d’images mobiles permet de procéder à ces opérations sans s’enfermer dans des représentations figées.

(Le jeu CATÉGO chez Hatier propose une démarche et des jeux de catégorisation sur ce principe, en utilisant une banque d’images mobiles et diversifiées.)

Exemple : une pomme n’est pas seulement un fruit, comme l’orange ou la cerise. C’est aussi un dessert comme le chocolat ou les gâteaux. Elle a une queue comme les radis ou les haricots verts. On peut en faire du jus comme la tomate ou la carotte. Elle peut être verte comme les petits pois, rouge comme le coquelicot et jaune comme le soleil...
Avec des images mobiles, ce sont les enfants qui essaient de construire des catégories et de les justifier, ils procèdent ainsi à des opérations cognitives.

La langue écrite est une forme de communication décontextualisée, surtout en milieu scolaire où elle a, dès le cours préparatoire, un statut de langue de transmission pédagogique et de consignes.
En maternelle, des activités sur la langue et le code écrits peuvent être proposés aux enfants non francophones tout comme aux autres enfants de la classe, sous forme de :

  • contact avec différents types d’écrits et usages culturels de ces écrits
  •  travail avec des albums de littérature de jeunesse et autour des livres : lecture, familiarisation avec les formes écrites d’un discours et compréhension d’un récit
  •  dictée à l’adulte : production de petits textes
  •  repérage de mots isolés au sein d’une phrase, d’un texte, découverte du principe alphabétique et syllabique
  •  découverte des réalités sonores de la langue