4ème Journée Académique des langues Anciennes 9 février 2011

Conférence de Madame Franchet d’Espèrey
La traduction dynamique

 

    La journée académique des langues anciennes du 9 février 2011 a réuni de très nombreux collègues de l’académie. Madame Franchet d’Espèrey, professeur à la Sorbonne, a exposé sa méthode de traduction « dynamique » qui  aborde la phrase latine dans son déroulement et se refuse à la « disséquer ». 
    Des ateliers de pratique ont ensuite permis aux enseignants de s’approprier la méthode à la fois plus rapide et plus motivante pour les élèves.
    Voici le compte rendu de la conférence.
* * *

Introduction : La pratique courante de la traduction ne perçoit pas toujours la notion de phrase latine qui exprime une cohérence de la pensée.

Visées de l’enseignement du latin

  • Faire sentir que la langue est structurée selon des catégories très générales, qui correspondent à la réalité du monde. La langue reflète la réalité.
  • Faire sentir la dynamique de la phrase : une phrase exprime une pensée, elle avance en même temps que la pensée.
  • Faire sentir qu’il y a dans la phrase, et en particulier dans la phrase complexe, une hiérarchie avec des éléments premiers et des éléments seconds.

Vue d’ensemble des programmes

1. Lire le latin. Comparaison avec le français. Ordre des mots / système à flexion.

La phrase, en français, commence généralement par le sujet. La phrase latine qui peut commencer par un complément ou un verbe s’organise selon une dynamique différente qui crée une tension vers ce qui suit.

2. Système flexionnel. Cas et fonction. Morphologie. Les pronoms.

Le premier mot crée la première orientation de lecture, constamment réorientée au fil des mots.
Il ne s’agit pas de remettre les termes dans l’ordre de la phrase française, mais de lire dans l’ordre de la phrase latine. On est ainsi amené à envisager différentes possibilités avant de parvenir au sens.
Cas particulier des pronoms : même si les manuels l’envisagent tardivement, il est bon de voir et de mémoriser les pronoms dès les premiers cours.
Ainsi un extrait simple des Ménechmes de Plaute [voir documents en annexe] permet de découvrir les principaux pronoms, ego, hic, tu, qu’il s’agira de mémoriser, puis quid ? et les possessifs. Le texte simple et vivant se prête à la mise en scène accompagnée de gestes, qui aident à la compréhension et à la mémorisation.
Les cas : Les inscriptions se prêtent bien à l’apprentissage des cas dès les premiers cours de latin. Le datif désigne le dédicataire (Dis Manibus), le nominatif renvoie au dédicant. Le génitif désigne souvent la filiation et l’ablatif exprime le moyen (sua pecunia) [voir documents en annexe].

3. Groupe nominal. Expansions du nom.

Types possibles de syntagmes

  • Nom + adj. (qualificatif ou grammatical ; participe) >>> accord
parua uilla ; haec uilla ; uilla mea ; uilla ab hostibus deleta
  • Nom + génitif >>> génitif (pas d’accord)
patris uilla ; huius uilla

Équivalences structurelles

  • Équivalence adjectif / génitif. Cela explique les deux modes d’expression de la possession : uilla mea / patris uilla.
  • Équivalence adjectif qualificatif (ou participe passé) / relative : Villa ab hostibus deleta / uilla quae ab hostibus deleta est

La relative : elle s’accroche au nom, au pronom. Le pronom relatif représente son antécédent, il en garde le genre et le nombre.

La corrélation is…qui : des exercices de manipulation aident à comprendre le fonctionnement de la relative [voir documents en annexe]

4. Groupe verbal. Le verbe comme moteur de la phrase

Le verbe a un rôle déterminant. Un verbe transitif actif crée l’attente d’un accusatif ; un verbe d’état celle d’un nominatif, un verbe au passif permet d’attendre un ablatif avec ou sans préposition. Afin de se familiariser avec l’organisation de la phrase latine, il est conseillé d’apprendre de petites phrases.

5. Expression des circonstances. Elles sont secondes dans la hiérarchie de la phrase

  • La notion de circonstance : élément qui se rattache au verbe plus indirectement que l’objet ou l’attribut. Hiérarchie. Nom ou proposition.
  • L’espace et le temps ; l’opposition accusatif/ablatif.
  • Les valeurs de l’ablatif
  • L’ablatif absolu
La particularité de l’ablatif absolu, c’est qu’il contient deux ablatifs en interaction qui forment un sens complet, comme une mini-phrase : partibus factis, me uiuo, Cicerone consule.
  • La succession temporelle : coordination, subordination, participe apposé et participe à l’ablatif absolu.
  • Différents types de propositions subordonnées circonstancielles selon leur lien logique avec l’idée/l’action  principale : temps, cause, conséquence, but, condition, concession.
>>> Bien repérer les relations entre ces divers types de circonstances.
La langue et la pensée sont liées dans le déroulement de la phrase et des propositions.
6. La phrase complexe et la hiérarchie dans la phrase
  • Les deux niveaux : propositions / syntagmes.
  • La subordination et la hiérarchie entre les propositions.
  • La fonction objet (équivalence structurelle entre un COD au niveau de la phrase simple et une proposition complétive d’objet (infinitive, propositions au subjonctif avec ou sans ut/ne, interrogative indirecte.) au niveau de la phrase complexe.
  • Les constructions avec enclave.
7. Articulations de la phrase
  • Parallélismes, corrélations et balancements (et…et, cum…tum, nec…nec….) Les mots outils sont à mémoriser ; constructions en chiasme ; asyndètes ; anaphores.
  • Les constructions « en facteur commun »
C’est aussi un point nodal : quand on a compris ces  types de structure, on a fait un grand pas dans la perception du système de la langue.
ConclusionIl s’agit de remettre à l’honneur la notion de phrase dans le sens où elle exprime une pensée. Cette dynamique s’accompagne du souci de la hiérarchie.
La phrase est un corps vivant dans lequel il convient de délimiter les éléments pour mettre en évidence la construction, mais sans se laisser tenter par une réorganisation sur le modèle de la phrase française.
La traduction suppose deux lectures successives :

  • une première lecture dynamique et inductive qui émet des hypothèses de sens en fonction des cas et des éléments de structure.
  • une deuxième lecture, déductive, qui prend la phrase dans sa globalité et résout les énigmes.

Annexe : Documents « La dynamique de la phrase latine »

Marie-Anne Lefort

 Monsieur Jacotot a eu la gentillesse de nous envoyer le document-support de sa propre intervention (Nouveaux débouchés pour les élèves des classes préparatoires littéraires, l’apport de la BEL). Chacun peut naturellement faire connaître ce document aux collègues et élèves intéressés.Le télécharger.

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