8ème journée académique des Langues Anciennes 25 février 2015

Les propositions de plusieurs enseignants nous ont incitées cette année à renouveler quelque peu la formule de la « Journée des langues anciennes ». Une collègue qui avait pu assister à une master class du groupe de recherche réuni autour de Florence Dupont et qui en était revenue enthousiaste nous a suggéré de la contacter. Nous avons donc tenté notre chance, sans trop y croire. Florence Dupont a répondu aussitôt et favorablement à notre invitation. Il s’agissait ensuite de trouver une date car ce groupe est très actif et organise de nombreuses rencontres à Paris et en province.  Cette master class aura lieu le mercredi 25 février 2015 (de 14h à 17h). Elle se déroulera au CDN Nancy-Lorraine, Théâtre de la Manufacture qui a proposé de nous accueillir, le CRDP étant occupé à ce moment-là. Elle portera sur le théâtre qui est la spécialité de Florence Dupont, comme le révèle son abondante bibliographie : elle a écrit de nombreux essais (sur le théâtre romain, l’acteur à Rome, la tragédie grecque…) ; elle a traduit Plaute, tout le théâtre de Sénèque et a même collaboré à certaines mises en scène.

Une master class sur l’Antiquité grecque et romaine


Destinées aux enseignants du secondaire et des CPEG, sur le thème de l’ « écart »,  plusieurs master class ont été  organisées à Paris et en province tout au long de l’année 2013-2014.

Comment aborder l’Antiquité ? Quel usage en faire ? Qu’est-ce que l’Antiquité « fait » au monde contemporain ? Ces questions servent de fil conducteur à des ateliers animés par des enseignants et chercheurs (philosophes, anthropologues, littéraires, historiens…) réunis autour de Florence Dupont. Les ateliers portent toujours sur des thèmes transversaux  comme la famille, le genre, mythe et récits, oralité et écriture, l’étranger, le personnage… Ils doivent permettre la diffusion d’une recherche interdisciplinaire, en cours, sur le thème de l’écart. Cette notion permet de remettre en question certaines ressemblances illusoires entre l’Antiquité et la Modernité et de penser des catégories modernes selon une autre historicité.

Florence Dupont par elle-même


Pour présenter sommairement Florence Dupont et sa démarche je me servirai ici d’entretiens parus dans différents magazines ou d’articles qu’elle a signés dans le Monde.


Latiniste et anthropologue, elle écorne quelques certitudes : « Le grand récit de l’humanisme classique dominait l’étude de l’Antiquité. Appelons ce récit le « miracle grec » : il affirmait que la Grèce et Rome étaient le berceau de notre civilisation occidentale. Ces deux sources originelles nous auraient légué la démocratie, la réflexion philosophique, le théâtre et, plus généralement, la civilisation. » (…) « Jean-Pierre Vernant et Pierre Vidal-Naquet se démarquaient déjà du miracle. En se rattachant à l’anthropologie de Claude Lévi-Strauss, ils ont regardé l’Antiquité comme un autre monde, un monde en soi et non comme l’origine de toute civilisation. Au fond, disaient-ils en substance, « Les grecs sont des sauvages comme les autres » ! Ils voulaient découvrir l’altérité radicale des Anciens. »(1)


Son travail de recherche s’appuie donc sur la notion d’écart : « Il fallait briser cette illusion généalogique. C’est la tâche, entre autres, que se donne le groupe « Antiquité territoire des écarts », que nous avons créé, et qui s’adresse à tous ceux qui ne jugent pas les Humanités classiques « inutiles », mais cherchent un usage nouveau de l’Antiquité. » (…) « Avec le groupe de recherche que nous avons fondé cette année, nous souhaitons regarder ce monde ancien comme un laboratoire. » (1)


Je ne résiste pas au plaisir de vous citer l’analogie que Florence Dupont développe pour définir le lien entre poésie latine et poésie grecque : «Je crois que l’on a beaucoup trop intellectualisé l’Antiquité. (…) Je préfère rappeler que les odes d’Horace étaient chantées, et leur rendre leur musique plutôt qu’y chercher à tout prix une pensée profonde. (…) Chanter en grec est une façon d’être romain. Un poète comme Horace cherchait à faire chanter le latin comme le grec chantait pour lui. C’est le principe du western spaghetti qui est un vrai western, mais n’est pas, de toute évidence, un western américain. Il y a un double plaisir : le plaisir en soi, et le plaisir de sa variante, sans que rien d’italien y soit expressément affirmé. C’est ce qui se passe avec la poésie en latin. » (2)


Elle développe le même genre d’analogie savoureuse pour démontrer la nécessité de « jouer » le texte antique : « Un texte de théâtre ancien est un corps mou, un bernard-l’ermite qui a besoin de la coquille d’un autre, mais peut s’installer dans toutes sortes de coquilles. La seule chose qu’il ne puisse pas faire, c’est s’en fabriquer une lui-même. » (3)


Quand on lui demande si elle ne s’intéresse pas plus au monde contemporain qu’au monde antique elle répond : « Je pense qu’ils ne sont pas dissociables. Ni pour les antiquisants, qui ont intérêt pour leur survie à s’intéresser aux débats contemporains, ni pour personne, car il en va de notre mémoire à tous. (…) Une mémoire commune et multiple, latine et grecque, païenne et chrétienne a longtemps uni les rives de la méditerranée. (…) C’est aussi l’une des grandes leçons de l’Empire romain : chaque cité avait sa langue, ses coutumes et en même temps, tous étaient d’une façon ou d’une autre citoyens romains. L’humanité y était simultanément une et multiple. » (2)


Bibliographie : elle n’est pas exhaustive mais correspond à mes lectures personnelles, aux ouvrages qui ont fait date et, parfois, ont suscité la polémique

  • L’Antiquité, territoire des écarts, entretiens avec Pauline Colonna d’Istria et Sylvie Taussig, Albin Michel (2013)
« Ce livre n’est ni une biographie intellectuelle ni une ego-histoire : c’est un roman d’apprentissage dialogué. L’apprentissage n’est pas une lente progression mais un éternel retour à l’ignorance. »
  • Le Théâtre romain, avec Pierre Letessier, Armand Colin (2012)
  • Rome, la ville sans origine, Gallimard, Le Promeneur (2011)
  • Aristote ou le vampire du théâtre occidental, Aubier (2007)
  • L’Invention de la littérature, La Découverte (1994)
  • Homère et Dallas, Introduction à la critique anthropologique, Hachette (1990)
  • L’Acteur-roi, le théâtre dans la Rome antique, Les Belles Lettres (1985)

Elle a également traduit tout le théâtre de Sénèque et deux comédies de Plaute

  • Les Tragédies de Sénèque, Traduction et introduction aux éditions de l’Imprimerie nationale, 2 vol., 1991 et 1992
  • Plaute, la Marmite, Pseudolus, Actes-Sud (2002)

Articles :
(1)    « L’invitée : Florence Dupont », Télérama 3310, 19/06/13 (au moment de la sortie de L’Antiquité, Territoire des écarts)
(2)    « Entretien avec Florence Dupont : Démythifier l’Antiquité », Article de la rubrique « Entretien », Mensuel N°251 – août/septembre 2013 (au sujet des master class)
(3)    « Jouer le texte n’est pas jouer…, par Florence Dupont », Le Monde, 10/07/2009 (à propos d’Aristote ou le vampire du théâtre occidental)

Florence Marchand

Deux ateliers ont été menés

La tragédie antique

Les fantômes

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