Après nous avoir exposé les aléas des découvertes et redécouvertes du site (villageois qui vendent pierres et statues de marbre, un ministre des Beaux Arts qui se moque du sanctuaire que Constantin jugeait toto orbe pulcherrimum, bout de mur retrouvé par des enfants qui construisent une cabane, intervention de l’armée…) notre guide, devant l’amphithéâtre, justifie le choix parfois décrié des gradins de bois qui le protègent de l’air destructeur. Ils ont été préférés à une sphère comme celle de Bercy qui s’intégrait mal au paysage. Le rouge orangé de l’iroko, un bois africain imputrescible, qui a pu étonner au début, se métamorphose sur l’ordre de Cronos en couleur de pierre et redonne ainsi vie à l’amphithéâtre classé au huitième rang dans tout le monde romain. Sa forme semi-elliptique n’est pas originale dans la Gaule romaine, c’est pourquoi Mme Bertaux préfère parler d’amphithéâtre gallo-romain. Nous allons d’une parodos à l’autre en traversant le corridor sous lequel passe la cloaca maxima et en montant les trois séries de gradins (maeniana) d’où nous contemplons l’arène. Puis nous nous rendons vers le village. Grâce aux savantes explications de notre guide, la cave d’une maison devient la porte monumentale du sanctuaire antique, la boulangerie un temple et l’ancien garage Citroën les thermes. L’église quant à elle recouvre le bassin sacré, alimenté par quinze kilomètres de canalisations souterraines. Quelques vestiges font deviner la forme de la basilique et d’un portique qui servait de dortoir aux pèlerins.
Nous échappons aux assauts de Zéphyr le temps de contempler une des plus grandes mosaïques du monde romain avec ses 224 m². En plongeant notre regard dans ses tesselles de calcaire et de pâte de verre, nous nous transportons à Rome, dans les thermes de Caracalla dont la mosaïque se compose d’un décor quasi identique. Son panneau central représente une scène de comédie ou un pèlerin qui avec sa houlette souhaite rencontrer Apollon. Les emblema des quatre coins dessinent des animaux ressemblant à un tigre, à une panthère, à un loup et à un sanglier. Symbolisent-ils les saisons, les jeux de l’amphithéâtre ou les origines géographiques des voyageurs ? Le musée épouse le contour de la mosaïque. La dizaine de vitrines ne suffit pas à exposer toutes les pièces sorties de terre lors des fouilles : éléments architecturaux, statuettes de Bacchus, de Géta, d’Atlas… pièces de monnaie et divers objets de la vie quotidienne, ex-voto, etc.
Armée d’une télécommande, Mme Bertaux active une maquette murale du site pour terminer la visite. Cette animation donne à voir ce qui est invisible, détruit, caché, enfoui dans ce calme village de Grand qui retrouve alors, grâce à de belles vues d’ensemble, une part de son prestige passé : avec son rempart et ses portes entre autres. La source sacrée se situe au centre d’un cercle correspondant au pomerium antique. Le plus impressionnant est le réseau de galeries souterraines avec son système de vannes et de réserves d’eau prête à jaillir au moment des fêtes de juillet, condition sine qua non pour la venue du dieu.
D’abord terre du dieu gaulois Grannus, ensuite assimilé à Apollon guérisseur, Grand survit à la disparition du paganisme grâce à sa sainte patronne, Libaire, dont les étapes du martyre sont matérialisées par trois chapelles et l’église, toutes situées sur le circuit de la rivière souterraine…
Notre promenade archéologique nous a permis de prendre conscience de la richesse de Grand et nous a donné envie de l’approfondir encore pour notre curiosité personnelle et pour celle de nos élèves. À Mme Bertaux et aux organisateurs de cette journée : gratiast !
Vincent Bossu
Lycée J.Lurçat, Bruyères
Lycée J.Lurçat, Bruyères