Diane inspire encore …

 

 

En parcourant une nouvelle fois le musée des Beaux-Arts de Nancy pour préparer la visite annuelle avec les latinistes de cinquième sur le thème de la mythologie, j’ai eu la bonne surprise de constater que le tableau Le repos de Diane de Jean-François de Troy avait été revu, relu, revisité – comme on préférera – par un artiste contemporain.
Quand le 21e regarde le 18e (1), c’est le thème de la manifestation organisée par le musée dans le cadre de la célébration de la place Stanislas et du Siècle des lumières. Des artistes contemporains portent leur regard sur une oeuvre du 18e, chacun restant libre de son angle d’approche.
Paul-Armand Gette a toujours été particulièrement attiré par « la déesse de la nature vierge » et s’est attaché au tableau de De Troy. Il nous a offert deux propositions qui sont en partie accessibles aux élèves de cinquième.

Lorsque j’emmène les élèves au musée, ils sont déjà férus de mythologie, connaissent dieux et déesses, leurs domaines et attributs. Grâce à la méthode ludique (2) transmise par Claude Beck lorsqu’il assurait les visites scolaires, ils sont amenés à porter une attention minutieuse à certains tableaux en particulier à deux œuvres consacrées à Diane (je laisserai les autres de côté).
Faisons donc un détour par ces deux tableaux de la collection permanente.
L’un s’intitule Paysage avec Diane chasseresse de Franck Pauwels, dit Paolo Fiammingo (XVIe) et présente un superbe paysage aux multiples nuances diaphanes. Diane au premier plan est facilement reconnaissable à ses nombreux attributs, elle bande d’ailleurs son arc et vise un sanglier. Seule pierre d’achoppement : « Madame, à quoi lui sert une tunique aussi transparente ? Vous nous aviez dit qu’elle ne se montrait pas nue. » Et de signaler que pour de nombreux artistes, la mythologie a servi de prétexte à la représentation du nu féminin.

Après avoir laissé les élèves commenter ce premier tableau nous abordons le suivant, plus mystérieux.  Il s’agit d’un tableau de Cornelis van Poelenburg (XVIIe). Le charme des figures lumineuses du premier plan fait oublier qu’il s’y cache du drame. Prenons soin d’abord, nous, visiteurs souvent las et étourdis, de distinguer la déesse parmi ses nymphes. Le croissant de lune n’est perceptible qu’à un regard attentif. Ensuite l’observation guidée permet de reconnaître l’infortunée Callisto prête à passer devant le fatal tribunal. Enfin, dans le lointain, perdu dans la verdure, silhouette à demi-humaine ou déjà animale, s’enfuit le malheureux Actéon.

La représentation de Diane-Artémis  est maintenant  familière aux élèves et nous nous dirigeons vers la dernière salle du premier étage entièrement consacrée à la déesse chasseresse pendant la durée de l’exposition : sur un mur, le tableau de Jean-François de Troy en face duquel est installée l’une des propositions de Paul-Armand Gette sous la forme de blocs/sculptures, l’un noir en quartz de Raon l’Etape, qui figure Diane-Hécate, les autres blancs en calcaire de Vacon, dans un agencement particulier qui reproduit la disposition de Diane et de ses nymphes dans le tableau. A l’arrière la vidéo d’une source passe en boucle.

Sur une autre paroi, sont accrochées, dans une disposition homothétique, des photographies des différents modèles de l’artiste pour Diane et ses nymphes.
J’ai proposé  aux élèves une comparaison des ces œuvres. Les éléments communs ont été facilement rassemblés mais les élèves ont été surtout sensibles aux différences, à la version moderne de Diane : robe noire, très courte, lunettes noires, téléphone portable noir, chevelure très sombre, escarpins noirs, bijoux d’archère, tatouage noir en forme de dragon ou en forme de cicatrice, la tenue militaire de camouflage d’une nymphe, le berger allemand à la place du chien de chasse, etc.  De quoi évoquer le côté sombre et cruel de Diane-Hécate, déesse de la nuit.
Le tableau de Jean-François de Troy, qui, sans éveiller un grand enthousiasme du public, avait gagné le premier prix au concours de 1727, servait avant tout de prétexte pour dévoiler les corps des jolies nymphes et  donnait une vision affadie de Diane.
Une comparaison est souvent plus  stimulante  que la description d’une œuvre prise séparément, en particulier pour des profanes. Par le va-et-vient suscité entre les deux versions placées côte à côte, par le contraste  entre les deux regards divergents posés sur la déesse, le premier tableau attise à nouveau l’intérêt. Pour conclure j’avouerai que j’ai été séduite par le travail de Paul-Armand Gette, et que cette énième vite au musée m’a procuré un vif plaisir, même si mon enthousiasme pour la modernité n’a pas été partagé par tous les élèves.

Evelyne Rochotte-Daou

Images :
Jean-François de Troy, sur Humanities Web :
http://www.humanitiesweb.org/human.php?s=g&p=c&a=p&ID=615

Paolo Fiammingo, sur le site de la Fondation Jacques-Edouard Berger :
http://www.bergerfoundation.ch/wat1/picture?ref=6326-3041-2078.2&type=medium

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1 C’est aussi le titre du catalogue édité par le musée, illustré de nombreuses photos.

2 Dans un premier temps, ils se promènent, munis d’un petit questionnaire à énigmes et doivent retrouver les tableaux  seulement suggérés, ou une légende. C’est pourquoi je regrette que tous les tableaux de la salle verte ayant la mythologie pour sujet aient été regroupés dans un secteur si restreint, les élèves n’ayant plus le loisir de « flâner » ou de rêver un peu  dans le musée.e.


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1 C’est aussi le titre du catalogue édité par le musée, illustré de nombreuses photos.

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