Spectrographie de masse

1. Principe de la méthode.

Le spectrographe de masse consiste à ioniser par des électrons une molécule A. Celle-ci va donc donner une entité A+ ayant perdu un électron. A+ va pouvoir se scinder en plusieurs groupements (chargé + ou non) plus petits, ou bien se réarranger.

On accélère alors ces particules par un champ électrique, puis elles sont déviées par un champ magnétique. On montre que la déviation est proportionnelle à (ici à ). Un spectrographe de masse dan lequel on ne modifie aucun paramètre va pouvoir être étalonné. Il sera étalonné en masses molaires, puisque e est constant. Le nombre de molécules aura un incidence sur la plaque sensible du détecteur : plus nombreux sont les ions d’un type donné, plus intense sera la tache obtenue. Actuellement, les détecteurs informatisés permettent d’obtenir directement un spectre étalé.

Voici un schéma simplifié d’un spectrographe de masse :

1.1. Étude mécanique.

Soit v la vitesse de la particule ionisée (de charge positive) entrant dans la zone où règne le champ magnétique. Elle est soumise à le force centrale , soit, puisque pour l’ion qui effectivement sortira du tube analyseur est perpendiculaire à , mg = F = evB . Ce mouvement étant à accélération centrale, où R est le rayon axial du tube analyseur. On obtient donc : . La masse de l’ion analysé sera donc d’autant plus petite que la vitesse d ’entrée dans le tube analyseur sera grande. Ainsi, si tous les ions sont accélérés à la même vitesse, seul celui qui respecte la condition ci-dessus sera analysé. On pourra faire varier cette vitesse pour analyser un à un tous ces ions (on obtiendra un impact sur le collecteur d’autant plus intense que la quantité d’ions du même type sera plus élevée). On pourra donc établir un spectre, dit spectre de masse, donnant l’intensité de ces impacts en fonction de la masse molaire (proportionnelle à m) de ces ions.

1.2. Utilisation des spectres de masse.

Le nombre d’ions de chaque type est en fait dépendant de la stabilité relative de chacun de ces ions. Voici le spectre de masse du toluène.

Voici un tableau récapitulatif du spectre précédent :

m/e

38

39

45

50

51

62

63

65

91

92

93

94

% du pic de base

4,4

5,3

3,9

6,3

9,1

4,1

8,6

11

100

68

4,9

0,21

Abondance isotopique :

m/e

92 (M)

93 (M+1)

94 (M+2)

% du pic moléculaire

100

7,23

0,29

wpe2.jpg (1504 octets)On trouve dans ce spectre un pic important : le pic de base, et on mesure les autres pics en % par rapport au pic de base Le pic de l’ion moléculaire (ici , avec un électron p enlevé au cycle) est plus petit que le pic de base (qui est ici ou encore formé par réarrangement). On retrouve aussi des pics de masse molaire M+1 et M+2 provenant des isotopes du carbone, de l’azote, de l’oxygène,.... Bien sûr, la probabilité de trouver deux isotopes de faible abondance dans une même molécule est très faible, aussi M+2 est-il très petit.

La réaction ayant lieu lors du bombardement peut s’écrire ainsi :

2. Isotopes.

Élément

Masse atomique

Nucléide

Masse

Abondance relative par rapport
au plus abondant

H

1,00797

1H

D (ou 2H)

1,00783

2,01410

100

0,016

C

12,01115

12C

13C

12,00000

13,00336

100

1,08

N

14,0067

14N

15N

14,0031

15,0001

100

0,38

O

15,9994

16O

17O

18O

15,9949

16,9991

17,9992

100

0,04

0,20

F

18,9984

19F

18,9984

100

Si

28,086

28Si

29Si

31Si

27,9769

28,9738

30,9738

100

5,10

3,35

P

30,974

31P

30,974

100

S

32,064

32S

33S

34S

31,9721

32,9715

33,9679

100

0,78

4,40

Cl

35,453

35Cl

37Cl

34,9689

36,9659

100

32,5

Br

79,909

79Br

81Br

78,9183

80,9163

100

98

I

126,904

127I

126,904

100

3. Détermination des formules brutes.

Le pic parent est le pic moléculaire, c’est-à-dire le pic provenant d’une molécule dans laquelle n’entrent que les isotopes de plus grande abondance. En fonction du nombre de chaque atome présent, pour plusieurs molécules possèdant le même pic moléculaire, le pourcentage relatif des pics isotopiques par rapport au pic parent va varier.

3.1. Par exemple, dans le cas de l’éther diisopropylique de formule brute , de pic moléculaire 102, les pics isotopiques ont un pourcentage relatif de 7,8 (103) et 0,5 (104). Il existe des tables qui donnent tous les arrangements possibles de C, H, O et N donnant un pic moléculaire de 102 avec les pourcentages relatifs de M+1 et M+2. On recherche dans la table la formule (compatible avec les autres spectres) , respectant la valence des atomes, qui possède des pourcentages relatifs voisins de ceux obtenus par l’expérience.

On trouve les formules suivantes :

C7H2O : M+1 : 7,64% , M+2 : 0,45% . Le nombre d’hydrogènes est manifestement beaucoup trop faible en regard du spectre RMN par exemple.

C8H6 pourrait convenir, mais serait sans doute aromatique : donc incompatible avec les spectres RMN et IR :

Le nombre d’atomes d’hydrogène doit impérativement être pair, sauf lorsqu’il y a un nombre impair d’azote dans la molécule. Ainsi C7H4N , C6NO , C5N3 , C5H12NO , C4H12N3 , etc... sont impossibles. Il ne reste donc que C6H14O .

Il existe une formule empirique qui permet de retrouver le nombre d’atomes de carbone d’une molécule. Si cette molécule contient un nombre n d’atomes d’azote, cette formule s’écrit :

Manifestement il n’y a ici aucun atome d’azote , on doit donc trouver :

NC = 7,8 / 1,2 = 6,5 , ce » qui est malgré tout assez imprécis.

3.2. Autre exemple :

ici : M (118) : 100

M + 1 : 7,95

M + 2 : 4,96

Lorsque M + 2 n’est pas environ dix fois plus petit que M + 1 ou que celui-ci n’est pas environ dix fois plus petit que M , il y a un autre élément que C, N, O, H . Dans le tableau des isotopes, on recherche un élément pour lequel M + 1 » 0 – 1 et M + 2 » 4 – 5 . On trouve bien sûr le Soufre. On retranche alors les abondances relatives de 33S et 34S à M + 1 et M + 2 :

M (–S) (118 – 32=86): 100

M (–S) + 1 : 7,95 – 0,78 = 7,17

M (–S) + 2 : 4,96 – 4,40 = 0,56

M (–S) présente des pourcentages compatibles avec la seule présence de C, N, O, H . Dans la table, à M = 86 (pour un composé saturé, au vu du spectre RMN) on ne trouve comme possibles que, ainsi queC5H10O et C4H10N2 (M+1 trop faible),

Seul C6H14 possède un M+1 compatible. La formule brute est donc C6H14S , donc un thiol ou un sulfure. Le petit pic à 2600 cm–1 en IR montre la présence de S – H :

Le spectre RMN permet de déterminer la formule développée.

3.3 Dernier exemple.

ici : M (146) : 100 Ici, aucun élément isolé ne peut être isolé.

M + 2 : 93 Il faut alors penser à un élément double, voire

M + 4 : 30 triple, possèdant un isotope +2 important :

C’est le cas de Cl , la configuration existante indiquant la présence de 3 atomes de chlore dans la molécule. Il reste alors une masse de 41, ce qui correspond soit à CHN2 (non) , C2HO (non) , C2H3N (impossible, car le nombre d’H en présence d’un azote doit être pair) et enfin C3H5.

Voici le tableau donnant le nombre d’halogène présent en fonction du pourcentage relatif des pics M + 2 , M + 4 , etc...

 

% M + 2

% M + 4

% M + 6

% M + 8

% M + 10

% M + 12

Br1

97,9

         

Br2

195

95,5

       

Br3

293

286

93,4

     

Cl1

32,6

         

Cl2

65,3

10,6

       

Cl3

97,8

31,9

3,47

     

Cl4

131

63,9

14

1,15

   

Cl5

163

106

34,7

5,66

0,37

 

Cl6

196

161

69,4

17

2,23

0,11

Br1Cl1

130

31,9

       

Br2Cl1

228

159

31,2

     

Cl2Br1

163

74,4

10,4

     

4. Fragmentations.

Nous voyons apparaître sur les spectres de masse des ions de masse inférieure au pic parent. Il s’agit de structures obtenues par fragmentation des ions parents.

4.1. Alcanes.

Ils sont peu intéressants. Ils donnent surtout des cations éthyl, propyl, butyl et pentyl, quel que soit l’alcane étudié.

4.2. Dérivés de type R — CR’R" — X , où X est OH , NH2 , Cl ou Br.

il y a rupture de la liaison en a du –OH :

Puis la fragmentation de ramène aux résultats obtenus pour les alcanes : par exemple, dans le cas du pentan-1-ol, on retrouve (29) , (43) , (57) . Dans le cas des alcools II et III, on obtient, après une première fragmentation, et . Voici l’exemple des pentan-2-ol et 2-méthyl butan-2-ol :

4.3. Dérivés carbonylés.

Il y a également rupture en a de la fonction carbonyle

On obtient des pics à 43 () , 57 , 71 ...

Exemple de la p-chlorobenzophénone :

De même les aldéhydes peuvent-ils perdre H , et le spectre de masse présentera un pic M – 1. Ils présenteront aussi le pic 29 : .

4.4. Réarrangement de Mac Lafferty.

Il se rencontre pour les dérivés carbonylés (ou les esters)chaîne aliphatique de plus de 3 carbones

Ainsi, l’octanoate de méthyle donnera t-il un pic de base à 74 :