Droit de réponse à Morgane Clauss : La monarchie absolue, un régime souhaitable ?
Un système monarchique (1) est un système bâti sur une inégalité de prestige social liée à la naissance, certains sujets (et non citoyens) seraient supérieurs en droit selon leur sang.
Or cette vision aujourd’hui archaïque, serait impossible car, les acquis sociaux ont été créés pour améliorer le sort de tous les citoyens et la mobilité sociale s’est développée de sorte que l’hérédité, le milieu social de naissance, ne définissent plus la position sociale. (2) Et ceci notamment par des décisions comme la démocratisation scolaire (3). Notre société est désormais habituée à un système d’égalité des chances et des droits, et ce en installant des conditions de vie équitables non seulement en termes de revenus (par la création d’une sécurité sociale, par l’interventionnisme de Keynes, par des aides étatiques et par l’augmentation du droit des travailleurs dont la revendication a été portée par l’idéologie communiste), mais également en termes juridiques. Par là j’entends tout d’abord la création d’un état laïque où nulle influence ne peut entraver la liberté de conscience et de croyance, ni nous inciter de quelques manières qu’il soit à adhérer à une religion(5).
De plus l’idée de mettre en place un roi « légitime » serait également renier notre grand principe qu’est la laïcité ; en effet, placer un chef d’État dont la seule légitimité est d’être le descendant de monarques qui ont reçu la leur avec l’aide de l’institution ecclésiastique, puisque, selon eux, le roi avait reçu l’aval de « dieu » (6) conduirait au fait que ce couronnement brise notre recul par rapport à la religion catholique. Remettre ce système en place impliquerait alors le reniement de notre objectivité sur le monde et nous imposerions ce point de vue à la population (7).
Ce serait également assumer que l’Église a encore une place fondamentale dans la mise en place d’un chef d’État. Ensuite, dans le même registre, des libertés fondamentales et des droits ont été accordés après de nombreux siècles d’ignorance, des droits pour des communautés minoritaires subissant la doctrine religieuse et morale de l’époque déclarant ce « comportement » comme déviant et indigne. Par là j’entends l’homosexualité qui aujourd’hui comporte également de nombreuses autres orientations sexuelles regroupées sous l’appellation LGBTQ+. (8)
Il est donc normal que l’on se détache d’un conservatisme voulant garder les doctrines et les mœurs d’un ancien temps (9) et que l’on se dirige vers un progressisme qui lui ne se fie qu’au réalisme, qui est pragmatique, au sens où il souhaite améliorer la vie de chacun.
Pour se faire il se questionne sur les bienfaits ou les méfaits des valeurs anciennes qu’il serait ou non préférable de conserver.
Comme autre exemple des victimes de la religion dans son aspect conservateur, nous pourrions prendre les femmes à qui nous n’avons reconnu le droit de vote qu’après la guerre (du moins dans notre pays) et qui sont encore stigmatisées, rabaissées et subissent encore une certaine forme de patriarcat (10).
Pour toutes ces raisons, un système basé sur le sang, sur la naissance, ne peut être toléré dans un état souhaitant, et s’étant construit sur une réelle égalité des chances impliquant la démocratisation du choix. Par exemple le fait que les deux sexes doivent avoir le même droit de décision sur le choix des vêtements à porter ou le choix de ce que l’on veut faire de son corps. En plus de favoriser les classes, les sexes, les genres, ou les orientations et identités sexuelles dominantes, un retour à un ancien régime détruirait sans nul doute l’une des devises de notre pays, l’un de ses piliers qu’est l’égalité.
La restauration d’un monarque absolu est une idée venant du royalisme, voulant la destruction de la république jugée comme obsolète et la mise en place d’un roi légitime par sa lignée à diriger le pays. Un monarque absolu détient tous les pouvoirs : Exécutif, Législatif, Judiciaire, et Médiatique (puisqu’on l’a vu à de nombreuses reprises, les médias et donc l’information indépendante permet d’être utilisé comme un puissant contre-pouvoir. (11)
Or ce système, bien que défini par les royalistes comme un système efficace et non liberticide, a de nombreux défauts qui constituent une menace envers les droits les plus fondamentaux, contre l’unité nationale et contre la mise en place d’un chef d’état légitime.
Tout d’abord lorsqu’un dirigeant détient tous les pouvoirs, cela constitue un réel danger pour le pays en lui-même. L’idée contraire à l’esprit de Montesquieu (12) dans « l’esprit des lois » fonctionnerait si nous étions sûr de la bonne intention de notre dirigeant et que nous étions sûr que sa descendance, dans le cas d’un roi, ait des intentions tout aussi bienveillantes. Or ceci pourrait être établit dans une utopie royaliste je vous l’accorde, mais rien est sûr et encore moins le fait qu’un roi ne se perde dans une folie des grandeurs et qu’à force de côtoyer les différents pouvoirs, il n’en abuse, ne soit envahi d’une envie de puissance et ne soit amené à user de ses pouvoirs à des fins personnelles. Si il détient le pouvoir législatif (13) il peut non seulement se permettre de voter des lois en fonction de son idéologie, mais également contre l’avis majoritaire. Ainsi il peut établir des lois liberticides qui pourrait l’arranger, à commencer par censurer les médias afin que la démonstration de l’inefficacité de ses lois et l’abus de pouvoir ne soient prouver et que son image ne soit que glorifier, il pourrait également interdire ou très fortement limiter le droit de grève, or ce dernier est un des droits les plus fondamentaux non seulement pour la démocratie mais également contre le libéralisme excessif (14). On pourrait donc constater une contradiction liée à une volonté de manipuler les masses à l’aide de discours et de communication populiste.
Ensuite, s’il détenait le pouvoir judiciaire, il pourrait procéder, selon son bon vouloir, à des arrestations arbitraires, qui permettrait au roi de condamner tout opposant sans exception et de les amener à l’échafaud, mais également de pouvoir gracier ou même protéger ses pairs et membres de son entourage.
Cela pourrait entraîner un sentiment d’impunité qui conduirait les gens du pouvoir à produire les pires malversations sans en être inquiété, et un pouvoir où ses détenteurs ne peuvent être critiqués et sont intouchables à tous les niveaux n’est en aucun cas une chose souhaitable pour le bon fonctionnement du pays puisque le débat et la contradiction sont essentielles pour construire une juste pensée et permet à un pays d’être efficace. De plus, dans la première nation à avoir pris les armes pour mettre fin à un système se basant sur l’hérédité pour conduire son destin, et donc la première nation à avoir construit le libéralisme et le nationalisme, il me semble invraisemblable qu’un roi, détenant tous les pouvoirs et réduisant les libertés, puisse unifier le pays et maintenir la stabilité. Au-delà de susciter le mécontentement de la population, cela aurait pour effet de créer des groupes armés voulant retrouver une république et renverser un despote. Certes, et je n’en doute pas, le roi pourrait investir de l’argent public pour renforcer la défense et les services secrets pour mettre un terme a la vie de ces rebelles, mais cela ne ferait qu’accentuer le déficit et créer une crise sociale en sus d’abattre la liberté de conscience de ses concitoyens et de détruire des familles. De plus la restriction des libertés et la centralisation des pouvoirs nous vaudrait de recevoir la désapprobation de l’ONU et des ONG luttant pour les droits, et de mettre à mal notre position à l’international, d’être vu comme un pays liberticide. Cela pourrait grandement réduire le tourisme car un pays de liberté ou « tout » est permis est bien plus attrayant à visiter qu’un pays sous une dictature et une restriction permanente. Or le tourisme fait partie intégrante de la France et détient une très grande place dans le PIB.
Je reviendrais ensuite sur les propos de Morgane Clauss lors de l’interview dans laquelle elle est apparue lors du Politique et Polémique n°4 de la saison 2 (15).
Tout d’abord, elle se dit appartenir à action française, c’est une organisation politique royaliste et nationaliste dont l’un des membres les plus influents fut sans nul doute Charles Maurras. Ce dernier était un antisémite (au point où il incita au meurtre de Léon Blum causant sa grave agression par ses partisans), germanophobe, raciste, un collaborateur sous Vichy et anti démocrate. Il est encore aujourd’hui, l’un des symboles principaux de cette organisation (on peut d’ailleurs voir sur twitter des membres posant des stickers avec marqué « lisez Maurras »). Cependant on pourrait se demander pourquoi l’un des croyants du complot « judéo-maçonnique » est-il l’influence intellectuelle du mouvement et pourquoi, malgré le fait d’avoir collaborer avec Pétain, il est un héros des nationalistes souverainistes. D’autant que si les œuvres de cet auteur reflètent sa pensée politique, n’est-elle finalement pas altérée par sa xénophobie profonde lui faisant par moment penser autrement que d’un point de vu réaliste.
Ensuite, elle nous dit que le régime ayant fait le moins de mal à la France est la monarchie, or, en parlant de mal intellectuel, nous pourrions nous épancher sur la volonté des puissants d’asservir les faibles en coupant court à leurs libertés et à leur accès à l’information, empêchant tout esprit de se former de manière à être indépendant. En parlant de mal physique nous pourrions parler des nombreuses famines qui ont eu lieu lors des gouvernements monarchiques qui ont dirigés la France et de la répression sanglante dont ils ont usé face au peuple mais également, et cela joint le mal physique à la stabilité, la folie des grandeurs de monarques comme Louis XIV. Ce dernier ayant fait peu cas de l’utilité de l’or au sein du royaume, il se fit construire le château de Versailles conduisant le pays à de nombreuses famines et à une grande crise économique. La république, malgré ses nombreuses instabilités, se démarque de décisions démocratiques prises par le pouvoir législatif, et cela permet une meilleure gestion non seulement de l’argent (qui sert cette fois à tout le peuple), mais également la création des services publics et la mise en place d’une éducation nationale plus efficace permettant à chaque esprit de s’épanouir et d’être libre. Par conséquent, il permet de maintenir une démocratie efficace puisque chacun vote intelligemment selon une réflexion poussée, et cela vise également à renforcer l’aide aux plus démunis puisqu’à présent ces derniers sont un rouage important au bon fonctionnement du pays.
Puis elle nous dit que la révolution française ne s’est pas déroulée comme il le fallait au sens où elle se battait contre la mauvaise personne simplement pour combattre le symbole de la monarchie. Or Louis XVI a fait apparaître une autre crise que celle économique et sociale, une crise politique puisqu’il était vu par ses voisins comme un faible qui ne déclenchait pas de guerres, et lorsque la faiblesse du symbole monarchique se perçoit, c’est une occasion de renverser tout un système (15). Ensuite la bourgeoisie de l’époque était sans doute avide de pouvoir, mais ce qui déclencha la révolution est avant tout l’idée révolutionnaire bâtit sur l’égalité, les libertés et la fraternité et dont l’idée ne fut que renforcée par les nombreuses crises engendrées par la monarchie. La révolution française marque un tournant dans la volonté d’une nation de rehausser le prestige des plus faibles et de faire valoir leurs droits (bien que la période de la terreur fasse disparaître cet idéal). Et la mort de tous les membres de la famille royale visait à ne pas créer des mouvements de révolte dont le roi pouvait être le meneur et à ce qu’il n’y ait plus de famille revendiquant leur légitimité sur le trône. Enfin, la guerre de Vendée était une guerre civile entre royalistes contre révolutionnaire et l’armée de Robespierre. Il n’est pas ici question de génocide au sens d’une extermination d’une population pour son ethnie, sa religion, sa nationalité, mais bien d’une guerre visant à réunifier le pays et à le stabiliser de sorte à ce que les vendéens ne soit pas une épine dans le pied en cas d’attaque de monarchies voisines.
« On cherche une monarchie populaire où les gens ont leur mot à dire, des assemblés de citoyens où les gens peuvent s’exprimer », « Que le roi ait tous les pouvoirs ce n’est pas le plus gros problème en fait » On voit ici une contradiction entre la volonté libérale de laisser le peuple s’exprimer sur les problèmes de société et préférer une monarchie absolue où le roi pourrait restreindre ces mêmes libertés, mais je pense m’être assez clairement expliqué dans les paragraphes précédents.
« Si tu as une personne qui s’y connaît et qui a été formée toute sa vie à diriger un peuple, à diriger son pays, il sera bien plus efficace que maintenant un président qui n’a jamais été formé à ça, à cet exercice ». Quant à l’efficacité d’un souverain concernant son éducation et ses enseignements, les présidents de la république en ont déjà bénéficié, en effet la plupart et même la majorité des présidents ont été élève à l’ENA, école souvent fréquentés par les classes supérieures malgré sa volonté de démocratisation (sûrement dû à l’échec de l’amélioration du service scolaire et de l’éducation nationale pour les plus démunis) et qui enseigne les rouages de l’État, son fonctionnement, et qui permettent, en théorie, une gestion efficace (16). Alors que, pour exemple : un ouvrier comme Ambroise Croizat qui travaillait à l’usine dès ses 13 ans a fini ministre du travail et est à l’origine de la sécurité sociale (17) (on pourrait donc se questionner sur le fait que le pragmatisme et le vécu seraient finalement plus payants que les théories apprises). Est ce donc finalement une bonne chose que de laisser le pouvoir à un homme, et plus tard un monarque, qui bénéficierait, certes, d’une éducation politique, mais cette dernière serait orientée (18) et ne préparerait pas le roi, déconnecté du quotidien du peuple puisqu’il ne fait pas face aux mêmes problèmes, à gouverner pour tous ses sujets.
De plus pour gouverner, il n’aurait que son point de vue de classe privilégiée ainsi des chiffres et statistiques, pourtant il pourrait prendre des décisions ayant un impact sur les gens du peuple, ce qui l’amènerait inévitablement à commettre des erreurs et à conduire le pays dans de nombreuses crises. D’autant que si l’on critique la république pour son système politique inefficace, pourquoi le reproduire de manière encore plus élitiste.
Erwan.F
(1) du moins d’après la notion à laquelle le mouvement se dit appartenir, selon la vision Maurassienne, c’est à dire la monarchie absolue et donc antiparlementaire.
(2) Afin de permettre aux gens pauvre, d’argent et de prestige, de vivre dans de meilleures conditions et de relever leur rang social afin qu’ils ne doivent supporter davantage la dureté du travail et le manque financier qui les empêche de bien vivre.
(3) Laissant derrière elle l’aristocratie des écoles, cette dernière privilégiant l’accès à l’éducation aux plus fortunés
(4) Laissant sa chance à tous et où personne n’a plus de droit qu’un autre sur n’importe quelle loi et où personne n’est avantagé dans quelconque institution.
(5) Puisque, si un État se dit appartenir à une religion, si elle a une importance dans le fonctionnement même de l’État, alors cette religion sera influente auprès des jeunes générations qui, ayant entendu parler de cette croyance, iront se renseigner et probablement y porter une certaine affection, y adhérer. Ce qui n’aurait sans doute pas eut lieux dans une société laïque où nulle influence étatique n’aurait été présente. De plus, si la religion est présente dans les rouages du pays, alors les croyants d’une religion seront plus enclins à être favorisés par rapport à d’autres et par rapport aux non croyants.
(6) La valeur du couronnement d’un monarque est d’ailleurs dû plus au sacre qu’au couronnement lui-même
(7) C’est également obliger les gens à croire en cette vision d’une manière ou d’une autre d’un point de vue sociologique au vu des influences qu’à l’État sur une population.
(8) Orientation sexuelle ne relevant pas de l’ordre du choix (et quand bien même ce serait le cas la liberté de choix s’appliquerait), ni de l’ordre sociologique et qui, par conséquent, n’ont pas de raisons d’être interdit ou opprimer.
(9) Ou voulant garder les mêmes à vie, au sens où même une pensée moderne doit être remise en question et réfléchis de manière à ce que sa légitimité soit débattue et prouvée.
(10) Au sens où on les fait encore s’adapter pour satisfaire l’homme bien qu’aujourd’hui cela soit plus subtile.
(11) Quoiqu’il soit entaché par le Trumpisme et la négation d’information vérifiés souvent clamée d’ailleurs par l’extrême droite.
(12) Grand philosophe ayant étudié les différentes formes de gouvernement à travers l’Europe en visitant les pays et ayant reçu des éloges de nombreux philosophes et notamment d’Alembert, et ayant reçu le respect d’académie comme celle d’Angleterre.
(13) Donc le droit qui, en temps normal, sert aux représentants légitimes de voter une loi et d’en débattre pour prouver son bien-fondé et son utilité.
(14) Pour le droit des travailleurs afin d’être mieux payés et augmenter les droits des travailleurs afin de les considérer autrement qu’un simple moyen de production.
(15) D’autant plus lorsqu’il commet des erreurs comme l’ordre des massacres sur les champs de mars lors de la manifestation ainsi que sa fuite à Varennes le faisant apparaître comme un traître et un lâche.
(16) Il y a également des écoles de commerce et de communication et même des écoles de science politique d’où sortes certains éléments haut placé de la sphère politique, pourtant leur gestion sont souvent catastrophiques.
(17) Et qui eut réussi à inclure le système de retraite pour tous comme cinquième branche de cette même sécurité sociale.
(18) Pour maintenir une dictature au dépend du bien-être du pays et ne prenant que certains points en considération comme le maintient du rôle de l’église dans la société et son bien-fondé.