Grand Corps bénévole

« Sylvie ? Elle est à part ! », confie Alba, une jeune migrante Albanaise qui travaille à l’Argus. 

 

Sylvie Campagna est en effet un personnage singulier qui participe à la beauté de ce projet, celui de recycler les montagnes d’objets collectés. Elle a consacré sa vie au bénévolat, la noblesse du don de soi.

A l’âge de quinze ans, elle est volontaire pour donner un coup de main aux Paralysés de France, son premier engagement au service des autres. Depuis, elle a continué sans compter ni son temps, ni son énergie. Elle aime travailler surtout si c’est pour aider ceux dans la difficulté.

 

Quand Sylvie raconte ses vingt-cinq années passées en tant qu’éducatrice, ses yeux brillent, la nostalgie s’invite à la table des bons sentiments. Elle pense à tous ces gens qu’elle a pu aider, des légions de destins sans honneur.

 

Sylvie, c’est d’abord un roc qui en impose mais son corps aujourd’hui est plus fragile. Il fatigue un peu mais la volonté et l’engagement demeurent intactes.  Assise dans son fauteuil rétro, elle parle avec ses mains fatiguées qui racontent bien plus que les mots.

 

Elle semble heureuse que les projecteurs se soient fixés sur son histoire de sainte bénévole. Elle esquisse un sourire qui a du mal à s’afficher. Son « grand corps malade » habillé d’une veste jaune d’or se tient désormais grâce à sa canne dont la poignée est décorée d’un motif écossais.

 

Sylvie, un sourire contagieux malgré les épreuves

 

Elle trône ainsi au milieu du magasin, une reine mère au royaume de l’Argus, dans cette ancienne forteresse de la consommation qu’on appelait Super-U.

 

Aujourd’hui, le lieu a fait sa révolution, de la surconsommation et du gaspillage, on a imposé le principe de l’économie circulaire : tout se recycle. De l’extérieur, la forteresse n’attire pas vraiment, elle est un peu cachée entre une banque et un restaurant, difficile de comprendre ce qui s’y passe dans ce lieu géré par une armée de bénévoles qui s’activent dans le froid et la lumière des néons qui clignotent.

Les objets recyclés sont nettoyés, réparés, stockés, exposés puis vendus pour retrouver une vie nouvelle pour des gens attentifs à la seconde chance des objets, victimes de l’intraitable effet de mode. Ainsi, le travail des petites mains redonne une place aux rebus. Des assiettes s’empilent, des verres s’alignent, les vestes se suspendent.

 

Pour ressortir de ce labyrinthe du temps, on longe les rangées de meubles qui ont entendu tant d’histoires de vie, des joies et sans doute des drames. Le murmure de ses fantômes est plutôt rassurant. Au passage, on reconnaît un meuble comme celui de chez mamie mais sans l’odeur du marbré sorti du four.

 

Avant de repartir, on jette un dernier regard sur la reine Sylvie qui dans le froid de cet ancien magasin se réchauffe de la chaleur humaine des bénévoles d’Argus. Elle se tient débout, sa canne à la main mais ce qui la fait tenir se trouve ici : les objets, les fantômes et les bénévoles qui leur redonnent vie.

 

 

Julia V et Altuna F

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