ANNEXE SCIENTIFIQUE – Le sel à l'intérieur des terres
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A. Méthodes d'étude du gisement.

Pour établir l'extension et la géométrie de ce gisement, Cl.Marchal (thèse 1983) a utilisé les résultats de forages dont plusieurs datent du siècle dernier (Le plus ancien à Dieuze date de 1822). Ces forages ont été faits pour la recherche et l'exploitation du sel, du charbon, de l'eau (nappe du grès vosgien), du pétrole et pour l'étude stratigraphique et structurale du Bassin Parisien. Suivant l'objectif du forage, la description des couches salifères n'a pas toujours été très précise, en particulier pour la description des couches argileuses. Suivant la technique utilisée, les informations apportées par les forages sont différentes.

1°) Forage destructif (cutting ou cutt.) :
Les débris de la roche sont remontés avec la boue utilisée pour le forage. La précision est de l'ordre du mètre et la description des roches est souvent imprécise : par exemple, argiles salifères mais avec quel pourcentage de sel et avec quelle couleur, grise ou rouge ?

2°) Forage avec carottage (car.) :
Forage rare pour des raisons financières, il permet d'obtenir la coupe directement.

3°) Les diagraphies :
On descend dans le forage diverses sondes qui enregistrent par exemple :
a) la résistivité de la roche : LATEROLOG. (LL)
La résistivité de la roche est inversement proportionnelle à sa richesse en eau, c'est à dire à sa porosité. Par exemple, les argilites qui ont une microporosité élevée ont une résistivité faible contrairement aux roches compactes comme le sel.
b) la radioactivité naturelle de la roche : GAMMA-RAY. (GR)
La radioactivité élevée d'une roche est due, soit à sa richesse en 40K ce qui est le cas pour la plupart des minéraux argileux, soit à sa richesse en 238U contenu dans la matière organique.
c) la conductivité sonique : LOG SONIQUE.
Cette conductivité sonique dépend des qualités mécaniques de la roche liées à son induration. Elle est élevée pour les roches compactes.
d) mesure de la densité de la roche : DENSITOLOG.
Avec cette méthode on peut distinguer facilement le sel dont la densité est faible (2,2) de l'anhydrite dont la densité est plus élevée (3).

A partir des renseignements apportés par ces différentes diagraphies on peut déduire la coupe lithologique des terrains traversés. La valeur scientifique de ces coupes a pu être vérifiée à certains endroits, à l'aide des renseignements apportés par le carottage.
La figure 16 présente un exemple de construction d'une coupe lithologique. Cette coupe est établie à partir de 2 diagraphies, gamma-ray et latérolog, lors d'un forage à Ancerville. Seuls seront étudiés, la formation supra-halitique, et les faisceaux S, R et Q.

 

Observations permettant de reconnaître
a) forte radioactivité
b) faible résistivité
Le Grès à roseaux
La forte radioactivité est due d'une part aux feldspaths alcalins, aux micas, et à certains minéraux argileux riches en 40K et d'autres part à la richesse en matière organique riche en 238U.
La faible résistivité est due à la richesse en eau de cette roche poreuse.
c) radioactivité moyenne
d) faible résistivité
Les argilites
Certains minéraux argileux contiennent du 40K qui rendent cette roche moyennement radioactive.
Leur teneur en eau, due à la microporosité, explique leur faible résistivité.
f) faible radioactivité
g) forte résistivité
Le sel ou la dolomie, ou l'anhydrite
Ces roches ne contiennent pas de minéraux radioactifs, leur faible porosité explique leur forte résistivité.
D'autres méthodes, par exemple le densitolog, seraient nécessaires pour distinguer le sel des deux autres roches.

 

Diagraphie

 

4°) Présentation des coupes lithologiques de l'ensemble du gisement :  figure 4 (Partie 1 - Présentation du gisement)
La Dolomie de Beaumont affleure actuellement en Lorraine et se trouve à 2000m de profondeur en Champagne. Pour pratiquer des corrélations entre les divers sondages, on place la dolomie à l'horizontale et on fait figurer les couches sous-jacentes avec leur épaisseur. On fait ainsi apparaître l'architecture des Marnes irisées inférieures et moyennes ainsi que la géométrie du Gisement salifère au moment du dépôt de la Dolomie de Beaumont.



B. Corrélations entre les diverses coupes lithologiques en Lorraine et en Champagne. 

1°) L'extension géographique du gisement. (Fig 1)

Sur ce document sont représentés les isopaques* des Marnes irisées inférieures et moyennes, l'affleurement de ces dépôts en Lorraine, et la limite d'extension du sel.
* une isopaque est une courbe joignant les points où la série a la même épaisseur, sans tenir compte de la profondeur à laquelle elle se trouve actuellement.

2°) L'extension des différentes couches suivant leur âge.
La figure 4 (Partie 1 - Présentation du gisement) et la figure 17 ci-dessous montrent les corrélations entre les couches de halite du bassin salifère de Lorraine-Champagne.  


 

a) Certaines couches se retrouvent dans tout le bassin : par exemple la succession des argilites et des couches de halite du faisceau P, et celle du faisceau Q (Q est absent seulement à l'extrême est). Ceci suppose des conditions de dépôt identiques dans toute la région, ainsi que des conditions climatiques identiques. Ces observations rendent caduque la théorie du dépôt lenticulaire.
b) Le dépôt de halite commence plus tôt en Lorraine qu'en Champagne (le faisceau L présent en Lorraine est absent en Champagne) et se termine plus tôt en Lorraine (les faisceaux R et S ne sont présents qu'en Champagne.)
c) Ceci montre que les dépôts de la halite sont diachrones. Il y a migration de l'est vers l'ouest de la zone lagunaire dans laquelle se dépose la halite. La figure 18 montre très bien cette progradation depuis le dépôt de sel du Muschelkalk (gisement qui a été exploité à Sarralbe).


3°) La relation entre les dépôts du sel et la subsidence
a) Avec les Marnes irisées inférieures et moyennes, la zone de subsidence maximale forme une langue étroite dirigée d'est en ouest (figure 1)
On observe sur ce même document que le sel est présent uniquement lorsque la série salifère a une épaisseur de 150m environ, ce qui permet de supposer que la halite précipite dans la zone de plus forte subsidence.
b) Avec les Marnes irisées supérieures, la zone de subsidence maximale s'est déplacée vers l'ouest, elle est à son maximum dans la région de Meaux : figure 19.  Ceci met en évidence le début de fonctionnement du Bassin Parisien.


C. Essai de reconstitution paléogéographique.

1°) La lagune lorraine est un diverticule de la mer germanique

a) Dans cette mer germanique se déposent à la même époque des argilites et de l'anhydrite: ceci laisse supposer que c'est une mer peu profonde pouvant être soumise à une évaporation importante. L'eau arrivant dans la lagune lorraine est souvent plus concentrée en ions qu'une eau de mer normale. Ceci peut expliquer l'absence d'Ammonites vraies dans le Trias germanique supérieur.
b) Les observations faites dans la mine confirment la faible profondeur de cette lagune, avec des périodes d'émersion, localisées dans le temps et dans l'espace.

Sur la figure 21a :

- n°1 soulèvement des couches, typique d'une émersion avec évaporation intense (structure appelée Tepee)
- n°2 fentes de dessiccation, profondes de quelques cm à plusieurs m, se produisant dans la zone fragilisée par le soulèvement des couches. Elles s'organisent en un réseau polygonal dont la maille peut atteindre 10 à 20 m (figure 21b).
- n°3 surface d'érosion due à une nouvelle émersion.
- n°4 reprise de la sédimentation horizontale.

Sur la figure 22 : des cuvettes contiennent des couches de sel non connues ailleurs.
c) Les saumures les plus concentrées donc les saumures les plus lourdes migrent vers les zones les plus basses de cette lagune, c'est à dire là où la subsidence est plus rapide que la sédimentation : c'est la tectonique qui contrôle la sédimentation.

2°) Le climat
Il devait être aride mais pas obligatoirement très chaud avec des périodes pluvieuses plus ou moins longues (apport d'eaux moins salées chargées en minéraux argileux.).

3°) Relation entre le dépôt du sel et l'ouverture de l'Atlantique
Hypothèse non publiée de B.Haguenauer.
Au Trias inférieur, l'intumescence thermique au niveau du Rift atlantique provoque le soulèvement du Continent gallique (au niveau du Massif armoricain actuel). Ceci entraîne un ruissellement de l'ouest vers l'est, dans le domaine continental gallique, sur une distance de 1500 km jusqu'en Allemagne centrale. Ceci est confirmé par l'étude granulométrique du Grès du Trias inférieur.
Au Trias moyen puis au Trias supérieur, la distension préliminaire à l'ouverture de l'Atlantique provoque la détumescence de la croûte avec un gradient de rétraction décroissant d'ouest en est. L'abaissement topographique occidental réduit sur 1500 km la pente des profils des rivières, ce qui va entraîner, dans un premier temps, le dépôt d'alluvions plus fines, voire argileuses, en Lorraine. Dans un second temps, la Mer germanique va s'étaler sur la croûte continentale. La surface de la lagune va augmenter avec la détumescence sans que le volume d'eau total ne change, ce qui va permettre l'apparition de faciès évaporitiques.
La croûte continentale n'est pas homogène, elle comporte des unités lithologiques et structurales héritées de l'orogenèse hercynienne qui vont se comporter de façon différente. Ceci explique, par exemple, la présence du fossé subsident dans lequel se dépose la série salifère au nord de la faille de Vittel (faille appelée aussi accident médio-parisien) (figure 1) 
Avec l'ouverture de L'Atlantique, la détumescence du domaine gallique se poursuit, le continent, investi par la mer germanique, est devenu la marge continentale. La pente des profils topographiques s'inverse: c'est le début du fonctionnement du Bassin parisien.


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Auteur : Roger CHALOT
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