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Carrière et usine Dugny-sur-Meuse : 3. Description

La carrière

Les calcaires visibles à Dugny appartiennent à la formation des Calcaires blancs de Pagny qui datent de l'Oxfordien moyen (ex-Rauracien), un sous-étage du Jurassique supérieur. Cette formation caractérisée par des faciès carbonatés variés est représentée par trois membres (voir ci-après) répartis sur les trois fronts de taille successifs de la carrière. Chacun d'entre eux est d'une vingtaine de mètres de haut, soient 75 m d'épaisseur totale de terrains cumulée, comprenant la découverte sommitale. Cette dernière correspond à un ensemble marneux gris-bleu, les Marnes silteuses de Maxey, marquant le début de l'Oxfordien supérieur (ex-Séquanien) et surmonté de calcaires argileux rattachés à l'Oolithe de Dugny (Carpentier, 2004 et Carpentier & Lauwers, 2018).
La carrière donne ainsi accès au sous-sol de la Côte de Meuse.
Les calcaires du "Rauracien" y sont exploités pour la fabrication de chaux grasse réalisée sur place, dans l'usine de la société des Carrières et Fours à Chaux de Dugny (Groupe Lhoist).

 

Vue d'ensemble de la carrière de DUGNY

Description des unités lithologiques  (d'après Carpentier, 2004 et Carpentier & Lauwers, 2018)

Le redécoupage lithostratigraphique des formations de l'Oxfordien moyen et supérieur (ex-Rauracien-Séquanien) de Lorraine a fait l'objet d'une série d'études récentes initiées par C. Carpentier en 2004. Par une approche séquencielle, celles-ci ont permis d'affiner et de redéfinir la stratigraphie de référence établie à la fin du siècle précédent (Humbert 1971, Marchand & Menot, 1980). Ce nouveau découpage de la série est utilisé ici (voir le tableau des unités lithostratigraphiques : ICI) ; les synonymies avec les anciennes appellations sont données à titre indicatif.

 

Partie inférieure : Calcaires coralliens d'Euville (ex- Calcaire récifal supérieur sensu Humbert 1971)


Ensemble hétérogène de faciès récifaux et lagonaires (calcaire oolithique) dont la puissance totale peut atteindre 30 à 35 mètres (30 m au sondage de Dugny). Seuls les douze derniers mètres de ce membre sont affleurants dans la carrière. L'ensemble, mal stratifié, d'aspect rocailleux et bréchique, comprend des calcaires fins (texture mudstone), passant latéralement à des constructions de polypiers branchus d'aspect saccharoïde (= recristallisés). Les encroûtements microbiens peuvent être très développés.

Ces faciès sont parfois très fossilifères : térébratules, nombreux radioles d'échinides réguliers (genres Cidaris et Hemicidaris), rhynchonelles, coquilles et moules internes de lamellibranches, gastéropodes...

Des grands sillons d'érosion attribués à des tempêtes affectent la surface de certains bancs interécifaux.

Verticalement, les bioconstructions et les faciès interécifaux sont progressivement remplacés par des calcaires à oolites et oncoïdes (texture packstone) annonçant la base du membre suivant (Calcaires crayeux de Maxey).

L'environnement de dépôt est interprété comme une plate-forme récifale ennoyée, soumise à de fortes tempêtes passant progressivement, dans un contexte régressif et de baisse relative du niveau marin, à un lagon ouvert soumis aux tempêtes. Cette phase de sédimentation s'intègre dans un cycle de régression-transgression qui se poursuit et s'achève au sein de la formation suivante (voir l'interprétation sédimentologique : ICI).

 

Partie moyenne : Calcaires crayeux de Maxey (ex- Calcaires en plaquettes sensu Humbert 1971)


Elle est constituée par des calcaires oolithiques fins et crayeux à débit en plaquettes, correspondant à la partie supérieure des Calcaires crayeux de Maxey, excellents pour la fabrication de chaux grasse sidérurgique (composition jusqu'à 97-98% de CaCO3). Les fossiles y sont rares : moules internes de gastéropodes, bioclastes divers et des bancs à "baguettes" (= algues fossiles).
Les calcaires crayeux sont affectés par des surfaces d'arrêt de sédimentation ou d'émersion, marquées par la présence d'huîtres, de ferruginisations ou encore de fentes de dessication et de tapis algaires de type stromatolithique. Elles soulignent la fin d'un épisode régressif et constituent la surface d'un nouvel épisode de trangression (voir l'interprétation sédimentologique : ICI).

L'environnement de dépôt des Calcaires crayeux de Maxey correspond à un lagon parfois ouvert et soumis aux tempêtes (occurrence de tempestites et de surfaces de ravinement), parfois protégé (calcaires à texture wackestone et absence de tempestites).

 


La partie moyenne : les calcaires oolithiques crayeux.

 

Partie supérieure : Calcaires de Dainville (ex- Calcaire à Trigonies sensu Humbert 1971)

Calcaires argileux, plus ou moins sableux, à débris coquilliers (nérinées) à l'extrême base notamment, passant à un calcaire roux très dur, souvent cristallin puis à un calcaire à nombreux débris, oolites (calcaires à texture grainstone de haute énergie), granules (= intraclastes), radioles et, localement, couronnant cet ensemble, bioherme de polypiers saccharoïdes recristallisés. Des intercalations marneuses dans la série soulignent des apports silicoclastiques détritiques, épisodiques. Vers le sommet de la formation, des figures sédimentaires d'origine tidale (stratifications entrecroisées) et des débris végétaux (parfois de grande taille) sont de plus en plus fréquents dans la roche. Ils soulignent le caractère proximal des dépôts (= proximité d'îlots émergés). Ces niveaux supérieurs, sont également affectés par des surfaces d'émersion perforées et ferruginisées (hard-grounds), accompagnées par le développement sporadique de lamines stromatolitiques. Comme dans l'unité précédente, ces surfaces marquent le stade ultime d'un épisode marin régressif et constituent la surface de transgression des dépôts marneux de l'Oxfordien supérieur (voir l'interprétation sédimentologique : ICI).

Le milieu de sédimentation correspondant à cette unité est vraisemblablement un lagon soumis à l'action des courants de marées et recevant des apports terrigènes. À l'issue des derniers dépôts, l'environnement subit les conséquences d'une chute du niveau marin relatif, aboutissant à l'émersion de la plate-forme.



Vue d'ensemble de la partie supérieure

 

Surface à encroûtement ferrugineux


Huître

En résumé, les calcaires de l'Oxfordien moyen de Dugny se sont déposés dans un environnement de plate-forme carbonatée peu profonde (voir une carte de la paléogéographie ICI), enregistrant plusieurs cycles de transgressions-régressions marines. Le changement de sédimentation au passage de l'Oxfordien moyen (Calcaires de Dainville) à l'Oxfordien supérieur (Marnes silteuses de Maxey) répond à un changement climatique, enregistré à l'échelle européenne et caractérisé par une baisse de 5°C de la température de l'eau, liée à une modification des courants océaniques, à l'issue de l'ouverture de la Mer du Nord à cette époque.

 
L'usine de Dugny

L'usine de Dugny fondée en 1926 par Léon Lhoist fait partie du groupe Lhoist, d'origine belge. Elle a été l'un des principaux fournisseurs en chaux de la métallurgie lorraine. Elle fournit aujourd'hui une large gamme de produits (voir une documentation du Groupe Lhoist ICI), et près de la moitié de sa production est exportée.


 

Description du site, selon les numéros de la vue d'ensemble :

1. La carrière
Calcaire de qualité homogène, qui renferme 8 à 10% d'eau.
Le fond de la carrière se situant à 12m sous le niveau de la Meuse, la nappe phréatique affleure, ce qui nécessite un pompage permanent.

eau dans la carrière

Eau dans la partie inférieure de la carrière

2. Concassage
Les deux unités de concassage sont constituées chacune d'un concasseur primaire à mâchoire et d'un concasseur secondaire à cylindres dentés. La pierre de granulométrie insuffisante est utilisée pour le réaménagement de la carrière. Les pierres de dimension supérieure sont acheminées vers les fours.

3. Fours
L'équipement de calcination de l'usine est constitué de trois batteries de quatre fours droits équipés de filtres. Leur capacité totale est de 1700 t/j de chaux.


Les fours à chaux

4. Broyage et mouture
Cette installation moderne permet de produire des chaux de grande finesse, dont la granulométrie maximale varie de 45 μm à 2mm avec des débits de 30 à 70 t/h.

5. Hydratation
La réaction se passe à l'intérieur d'un hydrateur d'une capacité de 10 t/h où l'eau et la chaux sont mélangées au moyen d'une vis malaxeuse. La chaux éteinte appelée aussi « fleur de chaux » se présente sous la forme d'une poudre sèche.

four à chaux4

Broyeurs et hydrateurs


6. Expéditions
Les produits sont expédiés par le rail ou la route. L'usine est connectée à la gare de Verdun.

Fours et expédition par voie ferrée

7. Bureaux et laboratoire

 

Bibliographie

CARPENTIER C. & LAUWERS A. (2018) - Information sur l'industrie de la chaux en Meuse suivie de l'histouire sédimentologique des calcaires oxfordiens exploités dans la carrière de Dugny-sur-Meuse (sud de Verdun). Bulletin inf. Géol. Bass. Paris, vol.55, n°3, pp.3-11.

CARPENTIER C. (2004) - Géométries et environnements de dépôt de l’Oxfordien de l’Est du Bassin de Paris. Minéralogie. Université Henri Poincaré - Nancy I, 2004.

HUMBERT L. (1971): Recherches méthodologiques pour la restitution de l’histoire bio-sédimentaire d’un bassin;
L’ensemble carbonaté oxfordien de la partie orientale du bassin de Paris. Thèse de Doctorat, Université de Nancy, 364 p.

MARCHAND D. & MENOT J. C. (1980): Jurassique supérieur : Ardenne et Lorraine. Vol. I Stratigraphie et Paléogéographie. In: Mégnien (eds.): Synthèse géologique du Bassin de Paris. BRGM, Mem. n°101, Orléans, pp. 204-206.

 


Auteurs : Roger CHALOT - Didier ZANY - Date de création : 03/10/2005 - Dernière modification : 21/09/2021

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