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Gravières de Milly-sur-Bradon : 3. Description

Historique :
Les gravières de Milly-sur-Bradon exploitent les alluvions quaternaires déposées par la Meuse dans sa plaine alluviale (fig.5 à 7). De nouvelles concessions sont accordées au fil des besoins et viennent remplacer les anciennes exploitations après leur épuisement.
Cette ressource locale est utilisée pour la production de granulats destinés au BTP (construction, voirie, etc.). Le "tout-venant" est valorisé après un lavage et une succession de tris granulométriques. Certaines fractions inutillisables en l'état, sont concassées.


Fig.5 : Vue générale d'une partie du site en exploitation il y a une dizaine d'années, depuis reconverti en réserve naturelle.


Fig.6 : Vue de la zone de production de granulats (années 2010) avec tri par criblage, lavage et concassage du tout-venant.



Fig.7 : Zone de stockage des matériaux valorisés triés par taille (années 2010).
 
Remise en état des sites épuisés :
Certaines gravières, encore en exploitation il y a une dizaine d'années, ont été épuisées et sont maintenant abandonnées. Elles sont devenues des étangs artificiels privés, acquis et entretenus par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) et constituent des sanctuaires pour les amphibiens et les oiseaux (fig.8).
 
Fig.8 : Exemple d'ancien bassin devenu une réserve ornithologique protégée par la LPO. De nombreux échassiers (Grande Aigrette, Héron Cendré, Cigogne Blanche, Cigogne Noire, ...), des Grèbes Huppés, des Cygnes Blancs, des Oies Bernaches du Canada ainsi que de nombreuses espèces de canards, d'oiseaux de mer...) occupent le site. (Noter le niveau extrémement bas du bassin à l'été 2022).
 
En surface, le sol aux abords des anciennes gravières montre la présence de nombreux galets siliceux (fig.10) qui ressemblent beaucoup aux "galets de Moselle" (voir Rives de la Moselle à Golbey ; Méandre actuel de Bainville-aux-Miroirs ; Capture de la Moselle). Cela pose question quant à la découverte de telles roches détritiques siliceuses dans le département de la Meuse et particulièrement tout au nord de la Plaine de la Woëvre !
Leur origine se trouve forcément dans un massif cristallin, or la Meuse ne traverse que des terrains sédimentaires argileux, marneux ou carbonatés !
L'origine est donc:
- soit anthropique, l'Homme aurait apporté des "galets de Moselle" depuis les Vosges ou la région de Toul pour empierrer les abords des gravières... Mais alors pourquoi avoir apporté des granulats de si loin quand on en a en quantité à disposition sur place?
- soit naturelle, ces galets auraient été transportés dans le passé par un cours d'eau puissant depuis un massif cristallin jusqu'au nord de la Meuse.
Leur présence reconnue depuis longtemps [1] a été expliquée récemment [2][3][4][5] par l'existence passée d'un fleuve plus important et puissant appelé Haute Moselle-Meuse (fig.9).
La Moselle et la Meuse confluaient encore à l'ouest de Toul (voir Capture de la Moselle) il y a 300 000 ans avant la capture définitive de la Moselle par la Meurthe qui est datée entre -300 000 et -250 000 ans (voir Karst de Pierre-la-Treiche)[2][3][4][5][6].
 
Fig.9 : Carte montrant le tracé de la Haute Moselle-Meuse avant capture et les anciens cours d'eau (en vert) de l'est du Bassin parisien au Quaternaire moyen (d'après Harmand et Leroux, 2006 [7])
 
La Moselle apportait alors depuis les Vosges des sédiments siliceux (fig.10) qu'elle mêlait aux sédiments carbonatés de la Meuse. Ces sédiments constituent des témoins de l'existence passée de ce fleuve (voir aussi le Paléoméandre de Doulcon situé à quelques km). Cependant, contrairement à Dun-Doulcon où ces alluvions siliceuses affleurent à la faveur de nappes résiduelles anciennes perchées en altitude au-delà de 230 m (notées Fy sur la carte géologique), celles de Milly se trouvent dans une nappe plus récente, localisée dans la plaine alluviale actuelle de la Meuse (alt. ~170 m, notée Fz sur la carte géologique). Ces dépôts Fz sont postérieurs à la capture de la Moselle par la Meurthe. Les galets siliceux sont donc des éléments remaniés issus du démantèlement de terrasses anciennes par l'action de la Meuse, au cours du dernier cycle d'incision-aggradation (voir la fig.16 de la fiche Bainville-aux-Miroirs sur la formation des terrasses fluviatiles) de son histoire récente, à la fin du Pléistocène (étages Weschsélien et Eémien).
 
Fig.10 : Galets siliceux (en quartzite essentiellement) issus des Vosges et qui furent apportés au Nord de la Plaine de la Woëvre par la Haute-Moselle-Meuse.
 
À noter également que, tout comme la Haute Moselle, la Meuse a connu un épisode (plus ancien) de capture au cours du Quaternaire, il y a 900 000 ans environ (Pléistocène inf.) : la capture de la Meuse par la Bar s'est produite un peu plus au nord (à une quarantaine de km de Dun-sur-M. à vol d'oiseau), dans le sud du massif ardennais, entre Sedan et Charleville-Mézières, en amont de l'ancienne confluence Aire-Bar / Haute Moselle-Meuse à Nouzonville (fig.11).
 
Fig.11 : La capture de la Meuse par la Bar (d'après Harmand et Cordier, 2012 [8])
 
Une des concessions actuelles mise en exploitation en 2022 :
En 2022, une nouvelle concession (fig.12 ; localisation voir fig.1 à 4) est mise en exploitation après décapage du sol. Ce dernier servira à réaménager les abords du bassin lors de la remise en état du site après son épuisement.
 
 
Fig.12 : Nouvelle exploitation 2022
 
Les granulats exploités dans ce nouveau site confirment les hypothèses énoncées plus haut. Elles sont un mélange hétérogranulaire de sables, de graviers et de galets de roches dures (quartzites extraites du Conglomérat Principal essentiellement) issues des Vosges, mêlés à des fragments de calcaires souvent anguleux et qui ont été arrachés à la Côte de Meuse plus proche (fig.13) ; ces derniers sont dominants mais comme la dureté et la résistance à l'abrasion du calcaire est faible, surtout en présence de roches dures, leur transport a dû être assez court pour empêcher leur totale disparition).
 
 
Fig.13 : Nature des sédiments exploités. Les galets de roches dures (quartzites du Conglomérat Principal essentiellement) sont de couleur orangée ou lie de vin et sont bien arrondis (roche dure et long transport). Les calcaires sont gris et en petits blocs anguleux ou simplements émoussés (roche tendre et transport court).
 
Les auteurs tiennent particulièrement à remercier Véronique et Thiérry Freytag, Professeurs au Lycée de Stenay, et membres de la LPO pour leur aide précieuse et leur autorisation d'accès sur le site.
 
Bibliographie:

[1] BUVIGNIER N. A. (1840) - Note sur les alluvions de la Moselle dans la vallée de la Meuse. Mémoires de la Société philomathique de Verdun (Meuse), t.1, pp. 255-258.

[2] HARMAND D. et LE ROUX J. (2000) - La capture de la Haute Moselle. Bull. Inf. Géol. Bass. Paris, Vol. 37, n° 3, pp. 4-14.

[3] HARMAND D., LE ROUX J., LOSSON B. et CORDIER S. (2007) - La capture de la Haute Moselle: Bilan des connaissances. Article de synthèse n°4, pp. 53-66. In CORDIER S., HARMAND D. et OCHIETTI S. (2007) - Vallées de la Moselle, de la Sarre et de la Meurthe - Vosges : Piémont et témoins glaciaires. Livret-guide d'excursion 7, 8 et 9 juin 2007. A.F.E.Q., Centre d’Etude et de Recherche sur les Paysages, Département de Géographie, Université Nancy 2, 304 pages.

[4] LOSSON B. & QUINIF Y. (2001) - La capture de la Moselle. Nouvelles données chronologiques par datations U/Th sur spéléothèmes. Karstologia, 37, pp. 29-40.

[5] HARMAND D., WEISROCK A., GAMEZ P., LE ROUX J., OCHIETTI S., DESHAIES M., BONNEFONT J.-C. et SARY M. (1995) - Nouvelles données relatives à la capture de la Moselle. In: Revue Géographique de l'Est. Tome 35, N°3-4. La capture de la Moselle. A propos du centenaire de l'article de W.M. Davis, 1895-1995. pp. 321-343.

[6] LOSSON B., HARMAND D., CHENOT E., LATHUILIÈRE, B. (2020) - Toul « Quartier Gama » : terrasses de la Moselle et argiles de la Woëvre remaniées. Contribution ORAGE originale à la Banque de données du sous-sol n°22.

[7] HARMAND D. & LE ROUX J. (2006) - La Lorraine géographique. In: Géologie et Géographie de la Lorraine, LEXA-CHOMARD A. et PAUTROT C. dir. - éditions Serpenoise, 286 pages.

[8] HARMAND D. & CORDIER S. (2012) - The Pleistocene terrace staircases of the present and past rivers downstream from the Vosges Massif (Meuse and Moselle catchments). Netherlands Journal of Geosciences-Geologie en Mijnbouw, Vol. 91, Issue 1-2,  pp. 91-109.


Auteurs : Philippe MARTIN - Didier ZANY - Jean-Yves CHIARA - Date de création : 16/01/2007 - Dernière modification : 27/03/2024

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)