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Carrière de Sorcy : 3. Description

La Société des Fours à Chaux de Sorcy qui exploite la carrière appartient au groupe belge Lhoist, un des principaux producteurs mondiaux de chaux et de dolomie (www.lhoist.com).

Les fours à chaux sont implantés en contre-bas de la carrière du Menton située au sommet du plateau des Côtes de Meuse (altitude 350 mètres), entaillé par la vallée de la Meuse (alt. 240 m) à cet endroit. Description de l'exploitation en Annexe

La carrière proprement dite couvre une superficie de 500 ha (fig. 2 et 3). Actuellement l'extraction des roches carbonatées se fait en direction de l'est, au niveau de cinq principaux fronts de taille superposés en gradins (fig.2), orientés nord-sud et d'une hauteur comprise entre 10 et 15 mètres (hauteur cumulée égale à 65 mètres environ).
La partie ouest de la carrière (la plus ancienne) est comblée par un terril principalement constitué de poudre calcaire impropre à la combustion ou à la production de granulats (fig.3).
 

Fig.2 : Les fronts de taille de la carrière vus depuis le sommet du terril ouest
(le nord est à gauche et le sud à droite sur ce cliché);
au premier plan : blocs en attente d'enlèvement

Fig.3 : Vue d'ensemble de la carrière et du terril de remblaiement,
depuis le haut du front de taille le plus élevé
(le nord est à droite et le sud à gauche sur ce cliché)

Le calcaire de Sorcy est renommé pour sa blancheur et sa teneur en carbonate de calcium (CaCO3) importante et constante (faible pourcentage d'impuretés) sur l'ensemble du gisement.

Les roches carbonatées exploitées, disposées en couches horizontales stratifiées, sont les mêmes que celles que l'on rencontre dans une autre carrière toute proche à Pagny-sur-Meuse, et appartiennent au Complexe récifal supérieur de l'Oxfordien moyen (Humbert 1971, Lathuilière et al. 2003, Lathuilière 2008; fig.4) :
 

Fig.4 : Position stratigraphique des terrains affleurant dans la carrière de Sorcy

1. Les roches issues des deux fronts de tailles inférieurs correspondent à des calcaires blancs, crayeux, micritiques, qui se caractérisent par la présence de nombreux fossiles (coraux branchus et lamellaires, brachiopodes, radioles d'oursins réguliers type "Cidaris", bivalves, etc.) peu ou pas brisés, que l'on peut récolter dans les éboulis (fig.5).
Des masses plurimétriques aux formes arrondies, plus sombres, visibles le long des fronts de taille (qu'il n'est pas possible d'approcher) laissent supposer la présence de biohermes à polypiers.
 
Fig.5 : Gerbe de coraux branchus (hauteur de la gerbe: 60 cm env.)

Cet ensemble, réparti sur une vingtaine de mètres en hauteur depuis le plancher de la carrière, appartient à la formation des Calcaires coralliens d'Euville.

2. Les roches issues des trois fronts de taille supérieurs (40 mètres d'épaisseur environ) présentent un faciès homogène : il s'agit d'un calcaire blanc, crayeux, micritique (texture mudstone), se débitant en plaquettes. Dans les échantillons récoltés au sommet de la carrière, les fossiles sont rares voire absents.
Cet ensemble forme la Craie de Sorcy. D'un point de vue chimique et industriel, en raison d'une quantité très faible d'impuretés (près de 99% de CaCO3), les calcaires de la Craie de Sorcy sont d'une qualité supérieure à ceux de la formation sous-jacente.

Ces niveaux ont fait l'objet d'études récentes à partir d'observations dans la carrière du Révoi à Pagny-sur-Meuse (Olivier et al. 2004, Lathuilière et al. 2003) ou celle de Saint-Germain-sur-Meuse (Carpentier et al. 2002). Ils caractérisent l'intense production carbonatée qui s'est manifestée sur une vaste plate-forme recouvrant l'est du Bassin Parisien au début du Jurassique supérieur (Lathuilière et Pautrot 2006).

Les Calcaires Coralliens d'Euville forment un ensemble bioconstruit où dominent les coraux branchus à croissance rapide (1 cm / an soient 1000 ans pour édifier une hauteur de 10 m de construction récifale) en réponse à un taux de sédimentation conséquent (Lathuilière et al. 2003). Entre les biohermes, se dépose une boue micritique à l'origine de la roche blanche dans laquelle se trouvent d'autres fossiles que les coraux : oursins, crinoïdes, mollusques, brachiopodes, algues... Cet ensemble illustre la mise en place d'un complexe récifal corallien en avant d'un lagon ouvert, dans un environnement bien éclairé, sous climat tropical.

La Craie de Sorcy qui recouvre les faciès bioconstruits constitue le même sédiment qui comble les espaces intra- et inter-récifaux. Le taux de sédimentation important (incomplètement compensé par la subsidence) a eu pour conséquence une réduction progressive de l'espace disponible, ayant contribué à une diminution de la profondeur et à la disparition des récifs coralliens au cours du temps. Ceci laisse supposer un milieu de dépôt plus proximal correspondant à un lagon (Olivier et al. 2004, Lathuilière et al. 2003).

En marge de la carrière, sur le flanc sud de l'exploitation, se trouve une lentille de grouine ou grèze (fig.6). Il s'agit d'une formation superficielle meuble mise en place sous climat périglaciaire au cours du Quaternaire. La grouine est principalement composée de fragments rocheux anguleux centimétriques parfois noyés dans un liant argileux, issus du démantèlement des calcaires des Côtes de Meuse par gélifraction et accumulés sous forme d'éboulis au pied des reliefs. A Sorcy, cette formation repose en discordance sur les Calcaires coralliens et la Craie de Sorcy. La grouine calcaire est exploitée comme matériau pour remblais (trottoirs, routes et chemins).
Le front de taille de la lentille de grouine est colonisé par des hirondelles de rivage qui y creusent leurs nids durant la saison estivale.
 

Fig.6 : Lentille de grouine sur le flanc sud de la carrière


Remerciements

Nous tenons à remercier M. Patrick Stenzel, chef de service carrière, de son accueil chaleureux et de sa disponibilité pour la visite richement commentée de la carrière de Sorcy.

Bibliographie

Carpentier C., Martin-Garin B., Olivier N., Lathuilière B., Gaillard C., Ferry S., Hantzpergue P. et Geister J. (2002) - Succession des écosystemes récifaux dans la carrière de Pagny-sur-Meuse (Lorraine) : premières considérations sur l’évolution des environnements de dépôt au passage Oxfordien moyen-Oxfordien supérieur. Docum. Lab. Géol. Lyon, vol 156, Univ Claude Bernard, Lyon, 65 p.

Humbert L. (1971) - Recherches méthodologiques pour la restitution de l'histoire biosédimentaire d'un bassin : l'ensemble carbonaté oxfordien de la partie orientale du bassin de Paris. Thèse de Doctorat Univ. de Nancy.

Lathuilière B. (2008) - Eastern Paris Basin in Pienkowski, G. & Schudack, M. E. et al. : Jurassic, p.823-922. in Mc Cann T. "The geology of central Europe. Vol. 2: Mesozoic and Cenozoic", Geological Society, London, 858-854.

Lathuilière B., Carpentier C., André G., Dagallier G., Durand M., Hanzo M., Huault V., Harmand V., Hibsch C., Le Roux J., Malartre F., Martin-Garin B. et Nori L. (2003) - Production carbonatée dans le Jurassique de Lorraine. Livret de terrain. G2R, Conseil Régional Lorraine, GFEJ.

Lathuilière B. et Pautrot C. (2006) - L'Oxfordien et les milieux récifaux de la Meuse in Lexa-Chomard A. et Pautrot C. - Géologie et géographie de la Lorraine; Serpenoise éd.

Olivier N., Carpentier C., Martin-Garin B., Lathuilière B., Gaillard C., Ferry S., Hantzpergue P. et Geister J. (2004) - Coral-microbialite reefs in pure carbonate versus mixed carbonate-siliciclastic depositional environments : the example of the Pagny-sur-Meuse section (Upper Jurassic, northeastern France). Facies, n°.50, p.229-255.

Auteurs : Didier ZANY - Claudette DIDIERJEAN - Date de création : 30/06/2009

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Contact : Roger CHALOT (Géologie) - Christophe MARCINIAK (Réalisation)