Cipolin du Chipal : 3. Description
Les calcaires métamorphiques des Vosges moyennes sont originaux du fait de leur rareté (Le Chipal, Mandray, Ban-de-Laveline, Gemaingoutte, Wisembach, Saint-Phillipe, Sainte-Croix-aux-Mines, Les Chaumelles, Col de Noirceux), et de leur contexte en insertion dans des terrains cristallophylliens silicatés (gneiss principalement).
Le gisement du Col des Chauffours (C sur l’extrait de carte géologique ci-dessus), au dessus du hameau minier du Chipal, est le plus important des Vosges lorraines, connu au moins depuis le début du XIXème siècle. Les deux carrières (supérieure et inférieure), se trouvent à 1 km au nord-ouest du Chipal, en dehors de tout autre affleurement carbonaté visible alentours. L'extention sur la feuille Epinal au 1/80 000 est très exagérée ; la feuille Gérardmer au 1/50 000 donnera une idée plus précise de l'extension : au mieux plurihectométrique. Le contraste est donc saisissant entre les gneiss encaissants et le cipolin. Cela est confirmé par les émissions radioactives (2,5 désintégrations/cm3/s pour le cipolin, contre 8 à 20 désintégrations/cm3/s dans les terrains silicatés). Dans la première moitié du XXème siècle, certains géologues réalisaient la cartographie du cipolin en recherchant les plantes calcifuges et calcicoles...
Le cipolin est un calcaire d'origine métamorphique pur (blanc, bien cristallin, saccharoïde) ou à minces veines de minéraux (d'où la couleur rosée, verte, grise, voire bleue). Le métamorphisme subi par ce calcaire est identique à celui des roches encaissantes (paragneiss issus d'une série sédimentaire gréso-pélitique) et d'époque varisque. L'origine du calcaire serait récifale, de la première moitié du Paléozoïque.
La carrière supérieure montre principalement un calcaire constitué de calcite presque pure. Le front Sud de la carrière présente des lits de minéraux faisant penser à une stratification orientée N80° à N90° à pendage Sud. Le calcaire est plissé en ondes métriques régulières suivant un axe à plongement Ouest faible, conformément aux structures des gneiss encaissants.
La carrière inférieure montre sur son parement nord un calcaire cristallisé très massif pouvant évoquer un miroir de faille avec quelques tectoglyphes encore visibles (nombreuses stries parallèles sub verticales). Au sud, un petit filon de microgranite recoupe le calcaire (amphibolites en contact).
Un certain nombre d'accidents remarquables sont présents : filons minces, boudinés, d'une roche granitique leucocrate ou aplitique (feldspaths prédominants : albite, oligoclase, orthose, parfois accompagnés de cordiérite ou de chlorite), ou syénite rose brunâtre gainée dans des produits serpentineux. Au contact des filons, le calcaire est transformé sur 1 à 5 centimètres en un ruban engainant serpentineux vert foncé. Ces filons traversent toute la masse calcaire. L'ensemble calcaire - filons peut lui-même être plissé (l'étude reste à faire ...). J. Jung, qui a vu la carrière encore en fonctionnement en 1926 (fermeture définitive probable en 1934), interprète ces filons de roches granitoïdes comme des apophyses du granite à deux micas de Fraize.
La masse principale est donc de la calcite presque pure. Néanmoins, toute une série de minéraux peuvent être trouvés dans les lits évoqués précédemment :
- On peut distinguer des lits à forstérite, serpentine, leuchtenbergite, phlogopite, diopside, graphite, sphène, quartz et microcline.
- Ou des lits à péridots, périclase, spinelle, clinohumite, talc, et chondrodite. Ce dernier minéral très rare (découvert en 1817 en Finlande par D'Ohsson) a été signalé pour la première fois en France en 1838 par E. Puton dans cette carrière. Il peut exister en qualité gemme.
Ce cipolin a été exploité pour de la statuaire (en qualité de marbre) par la marbrerie d'Epinal de M. Colin vers 1848 : "Le marbre blanc du Chipal, est un calcaire cristallin, à grandes lamelles. Il a une très belle couleur blanche ; toutefois il renferme du mica et il a souvent l'inconvénient d'être fissuré" ; "Il se vend 45 francs or le m2 poli".
Aujourd'hui encore, on peut se rendre à l'atelier de M. Daniel Petitgenet, à Julienrupt, où cet artiste lapidaire particulièrement inventif travaille encore le cipolin.
Le cipolin a aussi été exploité, de manière beaucoup moins noble, pour alimenter les fours à chaux (fabrication de "chaux blanche" - voir l'annexe "Procédé de fabrication de la chaux").
Bibliographie :
Carte géologique au 1/50 000ème feuille GERARDMER n°341 (BRGM)
Carte topographique au 1/25 000ème numérisée "Vosges Ouest" (IGN) ou Carte topographique au 1/25 000ème "3617ET, Top25" (IGN)
Ouvrages, publications et notes de : J. HAMEURT, J.-P. von ELLER, P. CARRIERE, J.-P. ROTHE, E. JEREMINE, P. FLUCK, J. JUNG, F. MENILLET, A. MICHEL-LEVY, A. LACROIX, G. CHOUBERT, A. DELESSE, DUFRENOY, E. de BEAUMONT, ROZET, HOGARD, PUTON, J. FOURNET.
Centre de Géologie TERRAE GENESIS.
Voir aussi la contribution ORAGE (Observatoire régional des affleurements géologiques) :
S. HECTOR, C. SCHEFFER, A. TARANTOLA, Le Chipal : La carrière de marbre, Contribution ORAGE originale à la Banque de données du sous-sol n°7.